Définition

L'hémochromatose génétique est la plus fréquente des maladies héréditaires. Elle touche préférentiellement les sujets d'origine nord-européenne, où le taux de prévalence dans la population générale est estimée entre 1 et 4 pour mille.
C'est une maladie autosomique récessive responsable d'une accumulation progressive de fer dans les différents tissus de l'organisme, notamment le foie, le pancréas et le coeur. Cette surcharge en fer est consécutive à une hyperabsorption intestinale du fer alimentaire.
Le principal gène responsable de cette affection, identifié en 1996, est le gène HFE situé sur le bras court du chromosome 6.
Après une phase de latence clinique, l'hémochromatose génétique se caractérise par un grand polymorphisme clinique, et les complications sont : un diabète, une cirrhose hépatique, une cardiomyopathie et des arthropathies.

Physiopathologie de la maladie

Rappels

Le fer dans l'organisme, dont les réserves sont estimées entre 3 et 5g, se répartit de la façon suivante :
- hémoglobine : 60 % du fer total,
- myoglobine : 3 % du fer de l'organisme,
- organes de réserve (foie, rate et moelle osseuse) : 30 % du fer de l'organisme. Le fer est stocké sous deux formes : la ferritine, forme de réserve facilement mobilisable, et l'hémosidérine, difficilement mobilisable,
- compartiment de transport plasmatique : constitué de fer transferrinique. Il représente 1 pour mille du fer total de l'organisme.

Physiologiquement, une surcharge tissulaire en fer diminue l'absorption intestinale de fer, tandis qu'une carence l'augmente.

Hémochromatose : dysrégulation du métabolisme du fer

Dans le cas de l'hémochromatose génétique, l'absorption intestinale du fer est augmentée au delà du seuil physiologique. Cette augmentation est due, d'une part, à l'incapacité à limiter le transfert martial de l'entérocyte vers le secteur vasculaire et, d'autre part, à des troubles du métabolisme intrahépatique du fer. Cette dysrégulation du métabolisme du fer n'a pas encore été identifiée et plusieurs hypothèses ont été proposées.

Conséquences sur l'organisme de la dysrégulation du métabolisme du fer dans l'hémochromatose génétique

- l'excès de fer tissulaire a un rôle diabétogène. En effet, l'accumulation intracellulaire du fer provoque un dysfonctionnement des hépatocytes et des cellules bêta du pancréas causant des troubles du métabolisme du glucose et de l'insuline,
- une toxicité du fer sur les chondrocytes et la plaque cartilagineuse pourraient expliquer la pathogénie des atteintes musculaires de l'hémochromatose génétique,
- l'accumulation intratissulaire de fer se fait préférentiellement au niveau de l'épicarde et il se constitue progressivement une cardiomyopathie hypertrophique aux dépens du ventricule gauche.
L'atteinte cardiaque serait moins fréquente que le diabète ou la cirrhose.

Caractéristiques génétiques associées à l'hémochromatose

L'hémochromatose génétique est une maladie autosomique récessive. Le gène impliqué dans le déterminisme de la maladie est le gène HFE localisé sur le bras court du chromosome 6. Son analyse a montré que les deux principales mutations décrites dans le gène HFE remplacent un acide aminé sur la protéine :
- la mutation 845A ou bien encore Cyst282Tyr ou C282Y. Elle concerne le remplacement d'une base guanine par une base adénine en position 845 dans l'exon 4. Elle résulte de la substitution d'une cystéine par une tyrosine en position 282 de la protéine transcrite,
- la mutation H63D. Il s'agit d'une substitution d'une base cytosine par une base guanine en position 187 dans l'exon 2, conduisant au remplacement d'une histidine par un acide aspartique en position 63 de la protéine transcrite.

Les patients souffrant d'hémochromatose peuvent présenter différents profils génétiques : homozygotie C282Y, hétérozygotie C282Y, homozygotie H63D et hétérozygotie H63D. Il existe aussi des sujets hétérozygotes composites C282Y/H63D et des sujets malades qui ne sont porteurs d'aucune mutation.

Le génotype C282Y homozygote est largement majoritaire.

Hémochromatose juvénile

Il existe une autre forme d'hémochromatose génétique : l'hémochromatose juvénile.
- Elle débute avant l'âge de 30 ans et atteint de manière égale les hommes et les femmes.
- Elle est rare (seulement 100 cas ont été rapportés).
- D'un point de vue clinique, elle est grave : insuffisance gonadotrope et myocardiopathie évolutive nécessitant souvent une transplantation cardiaque.
- La majorité des sujets atteints d'hémochromatose juvénile n'ont aucune des deux mutations C282Y et H63D. Cependant des malades hétérozygotes pour la mutation C282Y, ou hétérozygotes pour la mutation H63D ont été identifiés.

Manifestations cliniques de l'hémochromatose

On distingue trois phases dans le schéma d'évolution de la maladie :

- une phase latente sur le plan clinique et biologique. Elle dure jusqu'à l'âge de 15 à 20 ans,

- une phase d'apparition d'anomalies biologiques : augmentation du fer sérique et du coefficient de saturation de la transférine (CST) et, secondairement, progression lente de la ferritinémie,

- une phase d'expression clinique de la maladie en général vers 30 ans chez l'homme, 40 ans chez la femme.

Classiquement, les manifestations cliniques précoces sont :

> une asthénie (73 % des cas),
> des arthralgies (45 % des cas),
> une augmentation biologique des transaminases (39 % des cas),
> une insuffisance gonadique et,
> une aménorrhée (17 % des cas).

Les signes tardifs sont :

> une mélanodermie,
> un diabète,
> une cirrhose,
> une cardiomyopathie,
> un hépatocarcinome.

Diagnostic de l'hémochromatose

La démarche diagnostique classique à partir du phénotype

- coefficient de saturation de la transferrine (CST)
Il correspond au rapport du fer sérique sur la capacité totale de fixation de la transferrine. Si le CST est élevé c'est à dire supérieur à 60 % chez l'homme et à 50 % chez la femme, on demande la ferritinémie qui reflète les réserves tissulaires en fer. Au delà d'une certain seuil (valeurs normales : entre 30 et 300 g par litre chez la femme non ménopausée et 400 g par litre chez l'homme et la femme ménopausée), on peut suspecter une surcharge en fer.

- la ponction biopsie hépatique
Elle est en général pratiquée lorsque, après avoir éliminé les autres causes de surcharge en fer, le test génétique ne confirme pas le diagnostic malgré une forte suspicion. Elle permet de rechercher la surcharge hépatique en fer mais surtout de porter le diagnostic d'hémochromatose génétique en dosant le fer intrahépatique. Une première méthode d'évaluation des réserves en fer a été l'utilisation de la réaction de Perls sur pièces de biopsies. Actuellement, cette méthode est supplantée par la mesure de l'index de charge hépatique en fer rapporté à l'âge. Cet index est obtenu par le rapport de la concentration hépatique en fer sur l'âge du patient.

- la méthode des saignées quantitatives
Elle permet de quantifier l'excès de fer mobilisable au moment du diagnostic. En effet, le nombre total des saignées nécessaires pour ramener à la normale la ferritine sérique et le fer sérique permet de quantifier la surcharge en fer.

Nouvelle étape de la démarche diagnostique : le test génétique HFE

- le test génétique supplante la ponction biopsie de foie dans la démarche diagnostique en raison de sa simplicité, de sa fiabilité et de son caractère atraumatique,
- il permet de rechercher les mutations génétiques C282Y et H63D. Pour cela, plusieurs méthodes de biologie moléculaire existent. Elles utilisent toutes la technique PCR (polymerase Chain Reaction),
- le génotype C282Y homozygote (une mutation sur chaque chromosome) signe quasiment le diagnostic positif car il est fréquent dans l'hémochromatose (en moyenne 80 %) et rare dans la population générale (moins de 1 %). Les autres génotypes ne permettent pas d'orienter formellement le diagnostic étiologique,
- le test HFE doit toujours être un examen de seconde intention car l'information qu'il procure dépend du phénotype :
> si l'hémochromatose est déjà connue, le test sert uniquement à orienter un éventuel conseil génétique pour les apparentés,
> si l'affection est symptomatique (CST et ferritine élevés), le test a un intérêt diagnostique,
> si elle est asymptomatique (ferritine normale, CST normal ou élevé), le test ne sert qu'à prédire le risque de survenue de la maladie.

Diagnostic différentiel

Lors de la démarche diagnostique, de nombreux diagnostics différentiels doivent être évoqués. En effet, la surcharge en fer peut être secondaire à :
- une maladie chronique du foie,
- une hépatosidérose d'origine cirrhotique,
- une hépatosidérose dysmétabolique,
- une dysmyélopoïèse,
- une porphyrie cutanée tardive,
- une acéruloplasminémie héréditaire,
- un excès d'apport exogène en fer : dysérythropoïèses congénitales sévères (thalassémie...), les anémies réfractaires, les insuffisances médullaires, les maladies hémolytiques congénitales (drépanocytose...),
- une hyperabsorption intestinale de fer.

Traitement de l'hémochromatose

Les ponctions veineuses itératives

- Les saignées sont le traitement principal de l'hémochromatose génétique.
- Elles visent à réduire puis stabiliser les réserves en fer à leur strict minimum. Elles permettent ainsi de compenser l'excès d'entrée lié à l'hyperabsorption digestive constitutionnelle.
- Le traitement symptomatique par saignées est toujours indiqué dès lors que la ferritine dépasse le seuil de normalité (en général, 300 ng/ml chez la femme et 400ng/ml chez l'homme).
- Les saignées sont d'abord effectuées à rythme hebdomadaire puis espacées au rythme de une tous les 1 à 3 mois.
- Le volume soustrait dépend de plusieurs facteurs : corpulence, tolérance (clinique et biologique), état physiologique (pathologie associée, vieillissement). Il est en général de 200 à 350 millilitres chez la femme et de 300 à 450 millilitres chez l'homme.
- Les saignées sont efficaces si le taux de la ferritinémie décroît progressivement, parfois après une augmentation passagère.
- Les saignées permettent de faire régresser certains signes cliniques comme la mélanodermie, l'hépatomégalie, la cardiopathie et l'asthénie. Les autres complications sont irréversibles : arthropathies, diabète, hypogonadisme, cirrhose.

Les chélateurs du fer

Ils sont exceptionnellement utilisés. Ils peuvent être associés aux saignées ou bien se substituer à elles quand celles-ci sont impossibles (capital veineux inaccessible...).

Les traitements associés

Ils correspondent :
- à la prise en charge spécifique des complications liées à la maladie,
- à l'éviction des facteurs de risque hépatotoxiques,
- à l'éviction des apports médicamenteux en fer et en vitamine C. En effet, quand la maladie se complique d'atteinte hépatique, pancréatique ou cardiaque, certains médicaments sont à éviter. Ce sont les digitaliques (troubles du rythme), les corticoïdes (effet diabétogène), les androgènes (risque hépatique). Quant à la vitamine C, elle augmente l'absorption intestinale du fer.

Pour en savoir plus

Association Hémochromatose France