Le rapport d'expertise judiciaire sur le Mediator présenté vendredi 12 avril par le parquet de Paris conclut que 220 à 300 morts à court terme sont imputables à une valvulopathie, pour 1 300 et 1 800 à long terme.

Selon les conclusions de ce rapport commandé en juillet 2012, la commercialisation du médicament, dont les "propriétés anorexigènes puissantes" sont confirmées, aurait dû être suspendue entre 1998 et 2003 par les laboratoires Servier ou par les autorités, au vu des premiers cas. Le Mediator a été suspendu en novembre 2009 et retiré définitivement en juillet 2010.

Les trois experts estiment que la molécule du Mediator, le benfluorex, est à l'origine du développement de valvulopathies (déformation des valves cardiaques) et d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), qui est une pathologie rare mais actuellement incurable. Même s'il n'existe aucune évaluation du nombre de décès dus à des HTAP, ajoutent-ils.

Irène Frachon, pneumologue qui a contribué à mettre au jour l'affaire Mediator a réagit à cette annonce : "Ces chiffres ne m'étonnent pas, hélas. Ils confirment notre fourchette. Les conclusion sont également conformes à ce que nous constatons avec les témoignages des victimes. Il faut que ce mensonge insupportable cesse, et que Servier assume! C'est un scandale inouï, dont l'ampleur est un séisme qui a ébranlé le monde médical".

"IL FAUT QUE CE MENSONGE INSUPPORTABLE CESSE"

Les Laboratoires Servier, qui "prennent acte" de ce rapport, affirment que "ces conclusions n'apportent pas d'élément supplémentaire concernant le risque de valvulopathie lié à la prise de Mediator". Ils assurent par ailleurs qu'ils "continueront d'assumer leurs responsabilités et indemniseront toutes les victimes des effets secondaires du Mediator".

Une étude publiée en février 2012 par le journal spécialisé Pharmacoepidemiology & Drug Safety avait estimé que le Mediator avait "probablement" causé 3 100 hospitalisations et au moins 1 300 morts par valvulopathie entre 1976 et 2009 en France.

Quant à l'information des médecins, le rapport estime parallèlement que "l'absence d'informations lisibles concernant le métabolisme du benfluorex (NDLR: la molécule du Mediator) et sa parenté avec les anorexigènes n'a pas permis aux praticiens d'exercer une surveillance adéquate des patients sur le plan cardiovasculaire et pulmonaire".

"EFFET ANOREXIGÈNE"

Sur la stratégie d'information de Servier, les experts établissent une volonté d'éviter toute référence aux caractéristiques de coupe-faim de son médicament. "Le rôle voire la participation de la norfenfluramine (le métabolite actif du benfluorex) ont été minimisés ou occultés des documents scientifiques des laboratoires Servier pendant toute la vie commerciale du Mediator, alors même que cette norfenfluramine constituait la raison principale de l'activité du benfluorex et son facteur de nuisance principal", indiquent-ils.

"Le positionnement du médicament sur le marché a été principalement celui du diabète", ajoutent les experts, qui estiment que "l'effet anorexigène a été systématiquement écarté de la stratégie d'information des laboratoires Servier".