L'enquête rendue par les experts confirme le bilan sanitaire lourd et démontre les mensonges du laboratoire Servier sur les méfaits du benfluorex.
Mediator
Le Mediator pourrait être à l’origine de 1 800 morts à terme. (afp)
«En prenant connaissance des conclusions du rapport des experts sur la molécule du benfluorex, les 2 500 victimes que nous représentons sont pleinement satisfaites du travail réalisé. » La réaction de Me Jean-Christophe Coubris salue le travail des experts auxquels la justice avait commandé en juillet 2011 un rapport sur le Mediator. Les trois experts énoncent en effet que la molécule de ce médicament - le benfluorex - est à l'origine des déformations des valves cardiaques (valvulopathies) et d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP).

L'effet du benfluorex

Ils estiment les décès à court terme (deux ans et demi) à 220 à 300. Et les décès à long terme entre 1 300 et 1 800. Plus 3 100 à 4 200 hospitalisations pour insuffisance valvaire. En revanche, ils ne disposent pas de chiffres pour les décès dus à des HTAP. Une étude américaine est allée plus loin.

Le journal « Pharmacoepidemiology and Drug » a fait état en février 2012 d'une « estimation de 3 100 hospitalisations et au moins 1 300 morts entre 1976 et 2009 en France ».

Le benfluorex dérive de la norfenfluramine, une molécule très proche de l'amphétamine dans laquelle l'effet anorexigène a été renforcé. Et, notent les experts, « le rôle voire la participation de la norfenfluramine ont été minimisés ou occultés des documents scientifiques du laboratoire Servier pendant toute la vie commerciale du Mediator, alors même que cette norfenfluramine constituait la raison principale de l'activité du benfluorex et son facteur de nuisance principal ».

L'effet coupe-faim du Mediator a donc été « écarté de la stratégie d'information de Servier », pour ne conserver que les qualités d'un antidiabétique.

Le benfluorex était sous enquête officieuse depuis mai 1995, mais le rapport estime que les médecins n'ont pas été correctement informés : « L'absence d'informations lisibles concernant le métabolisme du benfluorex et sa parenté avec les anorexigènes n'a pas permis aux praticiens d'exercer une surveillance adéquate des patients sur le plan cardio-vasculaire et pulmonaire. »

Un séisme

Ce qui permet à Me Coubris de constater : « C'est sans étonnement que nous avons la confirmation scientifique du comportement fautif du laboratoire Servier et ce, dès la création du Mediator. M. Servier et ses chercheurs ont délibérément maquillé ce coupe-faim, sans se soucier un seul instant de la dangerosité du produit. »

Irène Frachon, la pneumologue qui a alerté la première les pouvoirs publics sur la dangerosité du Mediator, a réagi à l'annonce de l'enquête en assurant : « Ces chiffres ne m'étonnent pas. Ils confortent notre fourchette. Il faut que Servier assume ! C'est un scandale inouï, dont l'ampleur est un séisme qui a ébranlé le monde médical. » Ce qui n'empêche pas les laboratoires Servier d'affirmer que « ces conclusions n'apportent pas d'éléments supplémentaires concernant le risque de valvulopathie lié à la prise du Mediator ».