Traduction : Marcel Charbonnier pour Palestine - Solidarité

Les responsables israéliens qualifient le rapport du réalisateur de cinéma hollandais George Sluizer de « diffamation sanglante contemporaine », après que celui-ci eut affirmé avoir vu le ministre de la Défense de l'époque (Ariel Sharon) tirer sur des enfants quasiment à bout-portant à proximité du camp de réfugiés (palestiniens) de Sabra et Chatila, en 1982.

Photo de George Sluizer à Beyrouth, en 1977.
© Courtesy of George Sluizer.George Sluizer in Beirut, 1977.

Ce mois-ci, des médias néerlandais ont publié des articles accusant Ariel Sharon de l'assassinat d'enfants palestiniens au Liban. D'anciens responsables officiels ayant travaillé avec Sharon ont affirmé que ces publications seraient fallacieuses. Le ministère israélien des Affaires étrangères les a qualifiées de « diffamation sanglante des temps modernes ».

L'assertion (de M. Sluizer) a paru pour la première fois dans le troisième quotidien par ordre de tirage décroissant en Hollande, Volkskrant, dans une interview du célèbre réalisateur de cinéma hollandais d'origine juive George Sluizer. Selon celui-ci, qui est âgé de soixante-dix-huit ans, il aurait vu Sharon assassiner deux bambins palestiniens à coups de pistolet, en 1982, près du camp de réfugiés palestiniens de Sabra-Chatila, tandis qu'il y tournait un documentaire.

« Je suis tombé par hasard sur Sharon, et je l'ai vu descendre deux enfants sous mes yeux », a déclaré M. Sluizer, qui réside à Amsterdam. M. Sluizer a réalisé plusieurs documentaires sur le conflit israélo-palestinien, mais il est surtout connu pour avoir réalisé le film The Vanishing, avec Jeff Bridges et Kiefer Sutherland, en 1992.

M. Sluizer a réitéré cette accusation au cours d'une interview pour le magazine intellectuel Vrij Nederland, publié le 13 novembre, publié avant une présentation de son film au prestigieux Festival International du Film Documentaire d'Amsterdam. « Sharon a abattu deux enfants comme on abat des lapins, sous mes yeux », a-t-il déclaré.

Ces enfants, a indiqué Sluizer, « étaient deux bambins, des bébés de deux ou trois ans ; il les a abattu d'une distance d'une dizaine de mètres avec un pistolet qu'il avait sur lui. Je me trouvais tout près de lui ». M. Sluizer a ajouté qu'il pense que cela s'est produit en novembre (1982), à une époque où Sharon était (encore) ministre de la Défense, mais qu'il n'était pas sûr du mois.

Son récit a été publié dans un supplément spécial du Volkskrant, édité à l'occasion du festival du film documentaire, qui s'est ouvert mercredi dernier. Ce festival programmait le dernier documentaire en date (le quatrième) réalisé par M. Sluizer à propos d'Israël, dans lequel on le voit lui-même s'adressant à une photo de Sharon en disant qu'il aurait aimé que Sharon eût disparu à Auschwitz.

Le successeur de Sharon au poste de ministre de la Défense, Moshe Arens, a qualifié le récit de M. Sluizer de « mensonge ». D'après lui, « Sharon n'aurait jamais tiré sur un enfant ; de plus, il ne se trouvait pas au Liban, en novembre 1982. Par ailleurs, le protocole interdit aux ministres de porter une arme. Etant des civils, ils ne sont pas autorisés à porter une arme à feu » (comme si l'entité sioniste observait en permanence les lois et règlements de la guerre lorsqu'il est question d'Arabes, combien de prisonniers de guerre égyptiens non armés ont-ils été tués par les forces sionistes d'occupation dans la Péninsule du Sinaï ? Et voilà que ce raciste de Moshé Arens vient nous dire que « le protocole interdit aux ministres de porter une arme ; en tant que civils, ils ne sont pas autorisés à porter une arme à feu sur eux ??)

Amram Mitzna, ancien président du parti travailliste israélien, qui a été sous Sharon le général en chef du front syrien durant la première guerre du Liban, a qualifié les propos de M. Sluizer de « totalement délirants ». M. Mitzna a ajouté : « J'ai attaqué Sharon politiquement, car je n'approuvais pas ses décisions, mais Sharon n'aurait pour rien au monde fait quelque chose de semblable ; c'est totalement ridicule ! (Durant la même invasion, les forces armées israéliennes avaient tué près de 20 000 personnes, pour la plupart des civils libanais, palestiniens et syriens).

Yossef Levy, porte-parole en chef du ministère israélien des Affaires étrangères, a qualifié le récit de M. Sluizer « de mensonge éhonté et regrettable. Il est difficile de croire que quiconque un tant soit peu raisonnable pourrait prendre au sérieux ce genre de diffamation sanglante des temps modernes, que nul début de commencement d'une preuve ne vient étayer » (« Un mensonge éhonté et regrettable » : combien de déclarations véridiques les autorités sionistes ont-elles jamais énoncées ? Jamais !

Dans une interview accordée à Haaretz, M. Sluizer a indiqué que son cameraman, Fred van Kuyk, qui est mort voici de cela quelques années, avait été lui aussi témoin de ces tirs. M. Sluizer a également précisé qu'il avait déposé deux plaintes contre Sharon en 1983, devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) de La Haye et devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg.

M. Andrey Poskakukhin, chef du service d'information de la CIJ, a indiqué que ce tribunal ne disposait d'aucun enregistrement d'un quelconque dépôt de plainte de m. Sluizer. Un administrateur de la cour de Strasbourg a déclaré que son institution n'avait elle non plus aucun enregistrement d'une telle plainte.

« Tout journal un tant soit peu sérieux devrait être extrêmement prudent avant d'accuser un homme dans l'incapacité de se défendre d'avoir commis un assassinat de sang froid », a déclaré Ronny Naftaniel, directeur du Centre d'Information et de Documentation sur Israël. Il a écrit au rédacteur-en-chef du Volkskrant afin de lui demander si ce journal avait pris la peine de vérifier les dires de M. Sluizer avant de les publier.

« Les deux quotidiens semblent avoir publié le témoignage de M. Sluizer sans avoir cherché à vérifier les faits », a également déclaré M. Naftaniel. « Il semble que les médias aient une certaine tendance à apporter foi à tous les propos négatifs concernant Israël, et qu'ils ne se donnent même plus la peine de vérifier les faits auprès de leurs correspondants. Ce faisant, ils se livrent à une (véritable) chasse aux sorcières anti-israélienne ».

« Au moment où mes plaintes étaient arrivées à destination et auraient dû être examinées, le ministre de la Défense Sharon était devenu Premier ministre, échappant de ce fait à toute poursuite judiciaire », a indiqué M. Sluizer. Sharon avait été nommé Premier ministre en 2001, dix-huit ans après la date où, selon ses dires, M. Sluizer aurait porté plainte. M. Sluizer dit ne jamais avoir reçu de réponse ni de l'une, ni de l'autre de ces deux institutions.

« J'étais très occupé par ailleurs. A l'époque, je finissais un film et je visitais l'Union soviétique et d'autres pays ». M. Sluizer a répondu, la question de savoir pourquoi il n'avait pas donné suite à cette affaire lui ayant été posée. Il a ajouté qu'il avait commencé à penser plus sérieusement à cette tuerie après avoir réchappé d'une rupture d'anévrisme qui faillit lui être fatal, en 2007.