Image
© Crédits photo : Yekaterina Pustynnikova/APLe bolide s'est désintégré en plein vol le 15 février dernier.
La boule de feu qui a traversé le ciel de Tcheliabinsk en février dernier est l'événement le plus violent jamais enregistré par le Système de surveillance international (SSI) chargé de détecter les essais nucléaires suspects.

L'entrée dans l'atmosphère de la météorite de Tcheliabinsk ne fut pas d'une grande discrétion. En traversant le ciel à 72.000 km/h, le gros caillou de 20 mètres de diamètre et 10.000 tonnes s'est désintégré en quelques secondes dans un grand éclair lumineux accompagné de grands bangs supersoniques qui ont provoqué l'explosion immédiate de milliers de vitres dans la ville de l'Oural, faisant des centaines de blessés. La Nasa a estimé que la météorite avait dissipé en quelques secondes dans le ciel russe une énergie équivalente à 35 fois la bombe d'Hiroshima, soit 440 kilotonnes de TNT environ.

Mais ce n'est pas tout. L'onde de choc a généré la formation d'ondes infrasonores repérés par le réseau international de surveillance de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBTO), basée à Vienne. Sur les 42 «oreilles» opérationnelles de l'organisation dispersées à travers le monde, 20 ont enregistré ces sons trop graves pour être entendus par l'oreille humaine, relate un article scientifique publié en ligne lundi dans Geophysical Research Letters . En février, un des auteurs de cette publication, Pierrick Mialle, ingénieur acousticien au CTBTO, avait déjà publié un enregistrement fait au Kazakhstan de ces ondes - fréquence de 0,025 Hz, soit une pulsation toutes les 40 secondes - après l'avoir transformé pour le rendre audible:


C'est l'événement le plus énergétique jamais enregistré depuis la mise en place progressive de ces gigantesques capteurs ultrasensibles en 1995. Ces antennes au sol ont pour premier objectif la détection d'explosions suspectes pouvant correspondre à des essais nucléaires illégaux. Le récent essai réalisé par la Corée du Nord avait par exemple été constaté par ce réseau d'écoute - couplé à des stations sismiques - avant même sa confirmation officielle. Il se trouve que des événements naturels peuvent aussi produire ce type d'ondes acoustiques de basse fréquence, à commencer par la houle océanique, les séismes ou encore les éruptions volcaniques. En somme, les chercheurs travaillant sur ces signaux sont en mesure d' «écouter» les cris inaudibles de la Terre... et du ciel. En 2009, l'explosion d'un bolide dans le ciel indonésien avait déjà fait vibrer 17 de leurs antennes. Puissance estimée: 50 kilotonnes de TNT.

Image
Les antennes infrasons du CBTO sont implantées dans le monde entier.
Les auteurs estiment cette fois-ci à 460 kilotonnes TNT la puissance de la météorite de Tcheliabinsk. Un chiffre proche de celui établi par la Nasa par des méthodes indépendantes. «Ce qui nous a surpris, c'est de constater que les ondes étaient si fortes qu'elles ont fait deux fois le tour de la Terre par endroits», note Alexis Le Pichon, premier auteur et chercheur à la Direction des applications militaires du CEA. Cela fait un voyage de 85.000 kilomètres environ. «Faire un tour du monde leur prend 40h et ne les atténuent que d'un facteur deux.»

Les données accumulées fournissent une occasion inespérée de calibrer plus finement le réseau d'écoute. «La propagation des infrasons dans l'atmosphère est assez complexe», souligne Alexis Le Pichon. Ils se propagent de proche en proche dans un guide d'onde qui se déforme en permanence, réfléchis par le sol puis rabattus par les couches hautes de l'atmosphère qui agissent comme un miroir. Certaines conditions météorologiques, comme la vitesse ou la direction des vents, ont une influence fondamentale sur cette propagation. Les infrasons exceptionnels de la météorite de Tcheliabinsk devraient permettre d'affiner ces modèles et ainsi d'améliorer l'interprétation des futurs signaux décelés par le Système de surveillance international du CTBTO.