Une semaine après que l'armée égyptienne ait destitué le président Mohamed Morsi, des partisans du dirigeant évincé ont été massacrés lundi prétendument lors d'un sit-in devant une « base de l'armée d'élite » au Caire. Jusqu'à présent, cinquante personnes seraient mortes et des centaines blessées. Les Frères musulmans accusent l'armée et la police égyptiennes mais un porte-parole militaire a déclaré qu'un « groupe terroriste » était responsable.
« Des gens ont été frappés à la tête, des balles ont explosé en pénétrant dans le corps, créant un fatras d'organes et de membres », a déclaré Gehad Haddad, porte-parole des Frères musulmans.
Soutenant catégoriquement que le rôle de la police et de l'armée est de « protéger la révolution populaire », quelle que soit son affiliation politique, le porte-parole militaire Ahmed Ali a précisé que les forces de sécurité avaient agi « par légitime défense face à des hommes armés qui les avaient attaqués depuis divers endroits, y compris des toits ».
Personne ne conteste qu'il y a eu des affrontements entre les supporters de Morsi - au moins certains d'entre eux semblaient armés et déterminés à la violence - et les forces de sécurité envoyées pour les déloger mais l'identité des tireurs demeure obscure :
« Des témoins, y compris des partisans des Frères musulmans sur la scène, ont déclaré que l'armée n'avait lancé que des gaz lacrymogènes et des coups de semonce et que des « voyous » en civil avaient infligé les tirs meurtriers. »Ce bain de sang suit directement la probable plus grande manifestation collective de l'histoire moderne et va presque certainement s'emballer et plonger l'Égypte dans le chaos.
Ce n'est pas la première fois que de « mystérieux tireurs » se sont mis à tirer dans la tête des gens depuis le début du soulèvement en 2011. En mars 2013, une enquête du gouvernement Morsi sur les décès de presque neuf cents manifestants en Égypte à la fin du règne de Moubarak a conclu que « la police était à l'origine de presque tous les assassinats et avait utilisé des tireurs embusqués sur les toits surplombant la place Tahrir pour tirer dans l'immense foule. »
« Des responsables de la police ont raconté à la commission que l'équipement des snipers du genre de celui utilisé lors du soulèvement ne pouvait se trouver que chez des membres d'une unité d'élite antiterroriste qui travaillait sous l'égide de l'agence de sécurité d'état omniprésente de Moubarak et recevait ses ordres directement du ministre de l'intérieur.Donc, Moubarak a donné l'ordre à des équipes de tireurs embusqués de tirer dans la tête des manifestants afin de justifier une vaste répression du soulèvement dans une ultime tentative pour conserver le pouvoir.
La plupart des victimes furent frappées à la tête ou à la poitrine, ce qui suggère l'utilisation de tireurs embusqués, et de simples spectateurs furent aussi tués ou blessés alors qu'ils regardaient les affrontements depuis leur maison, déclarait le rapport. »
Affaire classée ?
Pas vraiment. Les tirs embusqués ont perduré lors du bref règne de Morsi avec de « mystérieux » tireurs descendant des gens à Port-Saïd aussi récemment qu'en janvier dernier.
Étant donné qu'il fut contraint à quitter son poste début 2011, puis emprisonné en 2012, Moubarak lui-même ne peut être accusé des efforts coordonnés récents pour générer le chaos. Mais au cours de son règne, l'élite égyptienne représentait bien plus que Moubarak. À quel genre de changement peut-on s'attendre dans une société lorsque seul l'homme de paille de l'élite politique et militaire est éliminé ?
Donc, bien que l'identité de ceux qui ont toujours préféré un tir pour tuer la politique dans les rues d'Égypte demeure inconnue, le mode opératoire est toujours le même. On l'a vu en Tunisie en 2011, en Iran en 2009, au Venezuela en 2002, en Syrie au jour d'aujourd'hui. Les manifestants sont toujours abattus au hasard - généralement à la tête - pour maximiser la panique générale et stimuler les conflits internes.
Les gens à l'origine de cela comprennent que le « changement de régime » - dans le cas de l'Égypte, le terme « gestion du régime » serait plus exact - dépend de l'instabilité. Les médias relatent toujours ses effets en termes généraux, déplorant la « tragique escalade de la violence », mais n'approchent jamais les efforts clairs et délibérés de parties inconnues pour instaurer un désordre sanglant afin de s'assurer que le peuple reste divisé et perpétuellement impuissant.
The New York Times a récemment publié quelques paragraphes révélateurs sur la question :
« Alors que le président Mohamed Morsi tenait une réunion en petit comité dans ses quartiers lors de ses dernières heures en tant que premier dirigeant élu de l'Égypte, il a reçu un appel d'un ministre étranger arabe avec une ultime offre pour mettre un terme à une confrontation avec les grands généraux du pays, ont déclaré les conseillers exécutifs avec le président [Obama].Pourtant, grâce au concept de « déni plausible » de la CIA, Obama peut s'installer confortablement, profiter d'un tournoi de golf et déclarer sérieusement que les États-Unis ne « s'impliquent pas en soutenant un parti ou un groupe égyptien en particulier ».
Le ministre étranger a dit qu'il agissait en tant qu'émissaire de Washington, ont déclaré les conseillers, et il a demandé si M. Morsi accepterait la nomination d'un nouveau cabinet et premier ministre qui s'emparerait de tous les pouvoirs législatifs et remplacerait ses gouverneurs provinciaux élus.
Les conseillers ont déclaré qu'ils connaissaient déjà la réponse de M. Morsi. Il avait répondu à une proposition semblable en montrant son cou. « Ceci avant cela », avait-il dit à ses assistants, jurant à nouveau de mourir avant d'accepter ce qu'il considérait être un coup d'état de fait et donc un coup de massue porté à la démocratie égyptienne.
Son premier conseiller en politique étrangère, Essam el-Haddad, a ensuite quitté la pièce pour appeler l'ambassadrice des États-Unis, Anne W. Patterson, pour dire que M. Morsi refusait. Quand il est revenu, il a déclaré qu'il avait parlé à Susan E. Rice, conseillère en sécurité nationale, et que la prise de pouvoir militaire était sur le point de commencer, ont déclaré les conseillers exécutifs.
« Mère vient de nous dire qu'on arrêterait de jouer dans une heure », envoya par texto un assistant à un collègue, jouant sur l'expression égyptienne sarcastique pour le mécène occidental du pays, « Mère Amérique ». »
Mais qu'est-ce que ça signifie de la part du porte-parole d'un pays qui a effectivement secrètement gouverné l'Égypte depuis des décennies, à distance respectable, par le biais d'une « aide » militaire massive et directement par des machinations de la CIA sur le terrain ?
Cela signifie que, comme l'Affaire Lavon, ...
« L'Affaire Lavon désigne une opération clandestine israélienne infructueuse, du nom de code « Opération Susannah », menée en Égypte en été 1954. Dans le cadre de l'opération sous faux-drapeau, un groupe de juifs égyptiens fut recruté par les services secrets militaires israéliens pour projeter de poser des bombes à l'intérieur de bibliothèques, cinémas et cibles civiles égyptiennes et détenus par les américains et les britanniques, et un centre scolaire américain. Les attentats devaient être mis sur le dos de Frères musulmans, de communistes égyptiens, de « mécontents non spécifiés » ou de « nationalistes locaux » dans le but de créer un climat de violence et d'instabilité suffisant pour pousser le gouvernement britannique à maintenir ses troupes d'occupation dans la zone du canal de Suez de l'Égypte. »... ces massacres par tirs embusqués remplissent un objectif : créer un « climat de violence et d'instabilité suffisant » pour permettre à l'élite dirigeante d'Égypte et à leurs camarades aux États-Unis et en Israël de saboter, à tout prix, les rêves des Égyptiens ordinaires de réaliser un autogouvernement par et pour le peuple.
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