« Si le christianisme eut été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eut été mithriaste »
~ Ernest Renan
Statue de Mithra en train d’immoler un taureau, British Museum, Londres.
© Mike YoungStatue de Mithra en train d’immoler un taureau, British Museum, Londres.
Naissance, apogée et déclin du mithraïsme entre les IIe et IIIe siècles av. J.- C.
« Ahura Mazda règne dans un territoire infini et éclairé à une certaine distance du soleil qui égale la distance de celui-ci à la terre. Ahriman, le diable habite les ténèbres absolues et Mithra se trouve juste entre les deux. »
~ Plutarque, 46, p.33
Le but de cet article est de présenter une recherche diachronique et transversale à propos de l'apparition et de l'évolution du mithraïsme (également appelé mithriacisme) ainsi que ses transformations et évolutions au cours des siècles et dans différents lieux, pour ensuite analyser les causes de son déclin, notamment en Occident. Nous nous attacherons ainsi plus particulièrement à comprendre pourquoi le culte de Mithra n'a pas pu s'introduire et survivre comme culte officiel de l'empire à l'époque des Césars.

Nous verrons que Mithra n'est pas seulement un dieu parmi d'autres car, à l'exemple du dieu unique du monothéisme, il a donné naissance à une théologie et une idéologie qui ont nourri un courant religieux puissant et attractif, le mithraïsme, qui s'imposa durant plus de deux siècles dans différents milieux de la société romaine. Il est à noter que les études concernant le culte de Mithra se sont multipliées durant ces vingt dernières années, et que ce thème a fait l'objet de plusieurs congrès internationaux.

Mithra et le mithraïsme dans la culture du monde antique

La culture grecque n'est jamais parvenue à trouver réellement sa place parmi les peuples persans. Les romains ne sont pas plus parvenus à dominer ces peuples. En vérité, à l'époque, les mondes perse et greco-romain n'ont jamais établi ensemble de véritable coopération, culturelle ou gouvernementale. Cependant, il est également vrai que le culte des Mages dans la religion zoroastrienne fut l'un des éléments qui influença beaucoup la culture et la manière de vivre des peuples d'Occident. Ce culte influença tout d'abord le judaïsme. Celui-ci évolua en cohabitant avec différentes cultures et religions voisines. Son impact fut aussi sensible sur le christianisme et plus particulièrement le catholicisme. Dans l'Asie-mineure également, son influence fut grande bien avant la domination des romains sur cette contrée. Les Mages habitant à Babel firent évoluer leur croyance en accueillant la philosophie et les pensées grecques. Ce mélange fut à l'origine de l'émergence d'un culte qui, regroupant de nombreux mystères et de nombreuses sectes, s'établit dans de nombreuses régions et dans divers pays, et fut accepté par différents peuples et tribus dans le monde entier (Cumont, 1963, p.14).

Mithra fut le dieu de l'ancien Iran, mais il serait également issu d'une déesse indienne, Anâhîtâ. Il était considéré comme le maître des troupeaux de bœufs. Ignoré par le zoroastrisme, il réapparaît à l'époque achéménide. C'est un dieu solaire et un sauveur eschatologique. Son culte se répandit dans le monde hellénistique puis romain. Il était alors l'objet d'un culte initiatique comportant sept degrés, et rencontra un franc succès chez les soldats. On avait coutume de lui sacrifier un taureau. Il était souvent lui-même représenté coiffé d'un bonnet, en train d'immoler un taureau primordial. Parfois le revers d'un bas-relief le montre partageant un repas avec Sol (le soleil). Sa fête, le 25 décembre, est à l'origine de celle de Noël (Rey, 2003, p.1398).

Le Mithra védique est une divinité mineure de l'Inde védique, dont le nom signifiait « contrat » à l'origine puis « ami » en sanskrit postvédique. Elle symbolisait la perfection, l'harmonie, la lumière solaire et était généralement opposée à Varuna. Elle semble avoir été une des principales divinités des peuples indo-européens (Rey, 2003, p.1398).

En gros, l'image que nous montre l'Avesta de ce dieu indo-persan est la même que représentent vaguement les Vedas. Mais cette ambigüité est éclairée dans le culte mithriaque dont on ne connaît pas encore les références (Cumont, 1963, p.26).

Mithra et son adoration en qualité de dieu

Mithra est le dieu de la lumière qui, avant l'aube et l'apparition du soleil, brille au sommet des montagnes et parcourt rapidement le ciel ; durant la nuit, il dore le ciel avec de belles et scintillantes lumières. Il est toujours conscient et vaillant. Il n'est ni soleil, ni étoile mais il surveille métaphoriquement le monde avec ses mille yeux et ses mille oreilles. Il compte parmi les dieux les plus puissants, et il est responsable des comportements humains.

Il n'est pas le soleil même, mais la lumière qui fait disparaître les ténèbres. Il offre la vie et la prospérité à la terre. Avec sa chaleur, il fertilise et renouvelle la nature. Mithra est l'empereur de vastes champs et offre la prospérité, le don, les troupeaux et de nombreux descendants à ses adorateurs. Il fait couler l'eau du ciel vers la terre et fait pousser les plantes. Il n'offre pas uniquement des dons matériels, mais aussi des dons spirituels, parmi lesquels, la tranquillité, la sagesse et le bonheur. Il unifie également le cœur des personnes qui croient en lui. Il éloigne des maux et des démons habitant dans les ténèbres et répandant le péché partout sur la Terre. Il est l'ennemi des démons et se confronte à eux toujours avec les meilleures armes. Il annonce la victoire à ceux qui sont bienfaisants et forts dans leur croyance, à ceux qui lui font des louanges et offrent des sacrifices à sa gloire (une grande partie de ces attributs est décrite dans le dixième Yasht, le « Mehr Yasht » [1]). Mais l'hypothèse selon laquelle Mithra fut le dieu de la guerre et protecteur des armées semble avoir fait son apparition sous la dynastie achéménide. Par ailleurs, selon le Mehr Yasht, cette attribution apparut au moment où les persans entrèrent en guerre avec d'autres nations et d'autres tribus. Mihr ou Mehr (Mithra) affirme lui-même qu'il aida les guerriers qui l'appelèrent à l'aide (Cumont, 1963, p.25).

Dans la théologie zoroastrienne, Ahura Mazda est le dieu maître et le plus grand de l'univers. Aucun dieu n'arrive à rivaliser avec lui. Mais dans le dixième Yasht, Ahura Mazda s'adresse ainsi à Mithra : « J'ai créé Mithra en lui offrant la même grandeur et le même rang que les miens. ». En réalité il est situé, parmi les dieux de la nature, au rang des dieux les plus inférieurs. Étant donné que Mithra venait en aide aux guerriers au moment de la guerre, on lui attribua plusieurs noms dont le plus important est Verethraqna (=Bahram =celui qui aide à vaincre l'ennemi). C'est grâce à sa soumission aux ordres du dieu Ahura Mazda qu'il obtint l'honneur d'être son compagnon mais aussi son rang. Il fut également, grâce à son sens de la justice et à son honnêteté, compagnon des dieux Ras(sh)nu et Arshtaat. Les déesses comme Asi-Vanguhi, la déesse de la richesse et du pouvoir, et Parendi, la déesse de la générosité l'acceptèrent dans leur milieu pour qu'il soit adoré à leur côté. C'est là où il prit en charge la surveillance d'esprits justes que les démons tentaient de détruire. Il accompagnait de même des esprits purs et innocents au paradis. Cette croyance détermina petit à petit la responsabilité du dieu Mithra. C'est pourquoi, son culte se répandit en Occident comme dieu surveillant les âmes des esprits innocents. À l'époque, offrir des sacrifices à la gloire des dieux était très courant mais au fur et à mesure, le sacrifice pour Mithra prit une forme violente. On y ajouta également des rituels très durs pour ceux qui voulaient adhérer à cette religion (Cumont, 1963, pp.27, 28).

Le sens original du nom même de Mithra continue à être discuté. En védique, Mithra signifie « ami » au masculin, « alliance, amitié » au neutre. L'avestique mira désigne le « contrat ». Depuis Antoine Meillet (Journal Asiatique, 10, 1907, p.144ss.), beaucoup admettent que Mithra est la personnification du contrat. En effet, le processus suivant lequel un nom neutre d'abstraction ou d'apparence abstraite devient un nom de divinité est bien attesté ailleurs (cf. En latin Venus, Fides, Cupido). Mais les attributions et les représentations du Mithra védique comme du Mithra iranien dépassent la notion de « contrat », du moins au sens moderne et juridique du terme.

Pourvu d'un suffixe instrumental -tra (-tro : cf. Lat. Aratrum « outil de labour »), l'appellatif « Mithra » serait formé sur le degré zéro (mi-) d'une racine mei- moi- qu'on retrouve dans toutes les langues indo-européennes (lat. munus/ moenus, all. gemeinsam, lituan. maina) avec l'idée d'échange (Meillet). Les pactes d'amitié sont marqués par des échanges de dons qui attestent la bonne volonté réciproque des contractants (Cumont, 1963, p.5).

D'autres (Peterson, Günter, Walde et Pokorny, Scherer, Eilers) rattachent Mithra à une racine mei- signifiant « lier, joindre » (cf. Gr. Mithra « ceinture, lien »), qui aurait donc une valeur très proche du sens que retenait Meillet. Plus récemment, W. Lentz y a déchiffré l'idée de piétas en faisant dériver le nom mithra d'une racine ma- signifiant « mesure, juste mesure » garantie du lien social et familial. Enfin, J. Gonda fait maintenant valoir une autre racine mei/ moi- du sanskrit mayah (« restauration, revigoration ») en glosant quelque peu sur les textes védiques relatifs à Mithra (Leyende, 1972, p.35).

Mithra sacrifie le taureau primordial, dont furent issus les plantes et les animaux utiles à l’homme et malgré l’opposition du serpent et du scorpion incarnant le Mal
© Musée du Louvre, Paris.Mithra sacrifie le taureau primordial, dont furent issus les plantes et les animaux utiles à l’homme et malgré l’opposition du serpent et du scorpion incarnant le Mal

Aucune de ces deux dernières explications n'a sérieusement ébranlé celle de Meillet que retiennent aujourd'hui la plupart des spécialistes, même si le linguiste français eut le tort d'entendre le mot « contrat » de façon restrictive en l'opposant à la notion d'amitié. Mithra « contrat » et Mithra « ami » n'illustrent pas un cas d'homonymie accidentelle (I. Gershevitch), car il n'y a pas d'amitié sans engagement mutuel. Cette réciprocité fonde un lien, une alliance : prolongement sémantique naturel qui n'a pas lieu d'être isolé de la racine mei-/ moi- « échanger ». Le schéma évolutif : « obligation mutuelle (par échange de dons) » = « ami, amitié » = « dieu Mithra » est historiquement vraisemblable (Bonfante, 1978, p.47).

Mithra serait donc initialement le garant de la fides, de l'ordre du monde et de la société, c'est-à-dire aussi le garant des rapports entre les dieux et les hommes que des hommes entre eux. Cette fonction fondamentale élucide à la fois les représentations védiques et avestiques, voire l'identification ultérieure du dieu avec le soleil ou la lumière. À l'époque romaine, il resta le dieu de la foi que se donnent les contractants par la dexiosis, serrement de mains, serment sur le feu de l'autel. En parlant du Mithra védique il faut dire que dans le texte d'un traité conclu vers 1380 entre le roi hittite Subbiluliuma et le roi de Mitani Mativaza sont invoqués comme témoins et garants de l'engagement pris par le Mitanien les dieux Mithra et Varuna, puis Indra et les jumeaux Nasatya. Cette séquence, qui transcrit théologiquement les trois fonctions de la société indo-européenne, coïncide avec celle qu'on trouve dans la religion védique, et tout donne à penser que ces Aryas de Mitani représentent un rameau des futurs Indiens égarés en Occident.

Les Mithra et Varuna védiques apparaissent généralement sous la forme double Mithra-Varuna, montrant ainsi les deux dimensions antithétique et complémentaire du pouvoir. Mithra y montre la bienveillance et représente l'image juridico-sacerdotale, conciliante, lumineuse, un dieu proche de la terre et des hommes. Varuna par contre illustre le côté magique, violent, terrible, ténébreux, invisible et lointain. Dans les époques postérieures, les commentaires liturgiques et théologiques démontraient très clairement cette opposition à l'intérieur, étant de plus en plus décrite vaguement dans d'autres hymnes dont celui de Reg Veda. Mais cette différence dans la manière de présenter les nuances ne se justifie dans aucun contexte évolutif. En fait, Mithra et Varuna sont les garants de rta, c'est à dire de l'ordre cosmique, religieux et moral. Mithra, dieu de l'amitié et du contrat, règle les problèmes par le contact entre les groupes différents et par la bonne volonté réciproque. Un hymne de Reg Veda (3, 59) le décrit en lui attribuant l'adjectif « harmonisant » : « il fait s'entendre les gens ». Mais Varuna est le gardien indiscutable du rta. Donc Mithra est la force délibérante tandis que Varuna est la force agissante. Quant à leur statut, Mithra représente le roi-prêtre, Brahman, et il se trouve en voisinage des Vasus qui sont une divinité liée à la troisième fonction alors que Varuna doué de ksatra (pouvoir de la force) est parfois égal à Indra, dieu guerrier.

Ces dieux védiques, possèdent également des pouvoirs spirituels et temporels. Dans cette optique, ils sont comparables aux dieux romains Romulus et Numa correspondant respectivement à Varuna et à Mithra. Pour célébrer la gloire de Mithra, on lui offre des victimes blanches mais curieusement, les sacrifices sanglants ne plaisent pas à ce dieu sacerdotal qui, dans le mithriacisme, est le symbole de la tauroctonie (immolation du taureau). Il n'accepte pas de se lier aux dieux qui ont envie d'assassiner Soma en disant : « Je suis l'ami de tous ». Mais enfin ne pouvant refuser les sacrifices, il en accepte un : Soma. Celui-ci représente la pluie fécondante provenant de la Lune et vivifiant tous les êtres, comme le sang de taureau. À l'époque romaine, des gravures et des bas-reliefs montraient bien des rituels. Il faut noter que Soma fut une sorte de boisson fermentée, son équivalent fut haoma en iranien, et que le roi de Perse buvait une fois par an uniquement pour la fête de Mithra. Mais dans la mythologie indienne, Mithra n'est qu'un collaborateur de l'exécution de Soma et Soma n'est pas un taureau même s'il a quelques rapports avec la Lune, la victime du Mithra gréco-romain. Le Mithra védique est responsable du ciel et de la terre, des révolutions solaires et lunaires et de la création et des créateurs terrestres. Il ne le fait qu'en collaborant avec Varuna. Il aide le matin lumineux à se lever, défend la bonne foi et la vérité et garantit l'accord qui maintient l'ordre cosmique, rituel et social. Ce dieu qui « soutient le ciel et la terre » (Reg Veda, 3, 59) n'est pas étranger au futur Mithra, sauveur et kosmokrator (Cumont, 1963, pp.6, 9).

Mithra et le taureau, fresque de la ville de Marino.
© InconnuMithra et le taureau, fresque de la ville de Marino.

Après avoir décrit le Mithra védique, il serait à présent bon d'étudier le Mithra avestique : les pensées de Zoroastre sont toutes réunies dans les Gathas. Ceux-ci, du point de vue théologique, se différencient des autres parties de l'Avesta. Ce que l'on peut appeler la réforme zoroastrienne avait comme but le monothéisme, c'est-à-dire l'élimination des dieux au profit du seul Ahura Mazdah escorté de six entités les Amesha Spenta ou les immortels bienfaisants.

Mais on peut noter la transcription de la vieille dualité Mithra-Varuna dans les deux premiers, Vohuna Manah et Asha (« Bonne Pensée » et « Ordre »). Petit à petit, le polythéisme retrouve sa place dans l'Avesta récent avec l'arrivée des Yazata servant comme des « anges », les « archanges » c'est-à-dire les Amesha Spenta alors que l'Indra et les Nasatya en se situant au niveau des démons sont refusés. Mithra compte notamment parmi les Yazata. Dans le Xe Yasht (ou « hymne ») consacré à Mithra et illustrant la situation géographico-politique contemporaine à Cyrus le Grand (vers 550-530 av. J.-C.), on peut remarquer l'expression figée « Mithra-Ahura » qui est parallèle à la syzygie védique (la locution Ahura-Mithra est une correction faite ultérieurement pour honorer la prééminence d'Ahura Mazdah). Il faut donc dire qu'au point de vue rituel, les Achéménides étaient fidèles à la plus ancienne théologie indo-européenne. Cependant, Ahura Mazda domine Mithra comme dieu suprême et Mithra prend une fonction guerrière. Mithra, maintenant Yazata de la victoire, essaie de prendre la place qu'occupait Indra dans le système védique.

Mais comme le dieu Vohu Manah, il est attiré par l'image du bœuf qui symbolise la fécondité. C'est ainsi que le Yasht de Mithra l'introduit comme dieu qui accroît, qui répand les eaux, qui fait pousser les plantes et qui donne la vie. Mithra, qui était auparavant le dieu du contrat et de l'accord, établit des liens entre les différentes couches sociales et leur garantit l'ordre comme le Mithra védique. Son Yasht le glorifie comme « aussi digne de culte et de prière qu'Ahura Mazdah », comme « le souverain... qui donne le bien-être de la Loi et la souveraineté » mais également comme le dieu « aux vastes pâturages » attentif au bétail et à la fécondité. Désormais, ce protecteur des éleveurs-agriculteurs surveille ceux qui défendent leur territoire mais aussi les chefs du pays en faisant la guerre contre les hordes meurtrières. Mithra « lève les armées... surveille les batailles... et brise les bataillons rangés ». « Il fait voler la tête de ceux qui mentent ». Il est « le plus victorieux des dieux qui marchent sur la terre », « le guerrier aux cheveux blancs », « le plus fort des plus forts ». Il est celui à qui Ahura Mazdah « ordonna de garder tout le monde mobile et de veiller sur lui », il est « le dieu qui garde la création de Madah ». On lui confia le domaine militaire ; c'est dans cette logique qu'il est le dieu garantissant l'ordre chez les hommes. Il est donc le dieu le plus proche de l'homme et son défenseur. Aussi Mithra est-il le dieu de l'aurore qui se lève sur le mont Hara. Le Yasht du Soleil (VI) se termine en louant Mithra comme le plus lumineux des Yazata. Il est omniscient et victorieux. Il est gardien des créatures. Il remplissait déjà la mission de dieu sauveur et solaire que deviendra le deus inuictus du mithraïsme gréco-romain (Cumont, 1963, p.11).

Les berceaux du mithraïsme

Dans les époques lointaines, les ancêtres indo-persans, avant de se séparer, adoraient Mithra. Dans les chants de Veda et les chants d'adoration des dieux (comme les Yashts de l'Avesta), un long chant est consacré à ce dieu grandiose. Bien que les deux cultes indien et persan diffèrent profondément, ils ont également beaucoup de choses en commun. C'est pourquoi, Mithra incarne le même symbole dans ces deux cultes. Il s'y présente comme dieu de la lumière, et celui du ciel. Il est l'ennemi du mal et protège la vérité (Cumont, 1963, p.23).

Cependant, il perdit progressivement sa place et son importance chez les indiens. Après la séparation des Indiens et des Perses, leurs dieux communs s'affaiblirent ou se transformèrent en dieux du mal. C'est ce qui arriva à Mithra chez les Indiens. Certains dieux perdirent également leur grandeur chez les Perses. En approfondissant les origines de Mithra dans l'Avesta ou même dans les sources plus anciennes, il semble que Mithra ne fut pas à l'origine un dieu indo-persan. Accompagnant Varena et cinq autres Aditas, il fut adoré par les Babéliens. Ces derniers basèrent leur idéologie religieuse sur l'adoration des cieux, des planètes et de l'astrologie. Bien sûr, cette hypothèse d'Oldenburg ne peut pas être totalement prouvée car pour étudier et analyser Mithra, il est nécessaire de remonter à des époques plus anciennes que le douzième siècle av. J.-C. (Oldenburg, 1894, p.185).

Il est intéressant de voir comment le Mithra iranien fut adoré dans beaucoup de régions appartenant à la dynastie achéménide, et aussi de savoir comment il a pu atteindre l'Orient hellénistique, pour s'épanouir ensuite en Occident romain. Il est également nécessaire d'étudier la manière dont ce culte persan s'introduisit comme une religion mystérieuse comprenant une liturgie et théologie spécifique. S'opposant à F. Cumont selon lequel Mithra fut un dieu purement iranien, S. Wikander distingua deux Mithras, celui dont l'origine est Perse et l'autre occidentale. Par conséquent, de nouvelles enquêtes archéologiques, épigraphiques et littéraires furent organisées afin de revérifier la place de Mithra dans l'empire perse. À l'époque achéménide, le nom de Mithra est ignoré des Gâthâ, même s'il se dissimule fonctionnellement sous celui de Vahu Manah. Les épigraphes montrent qu'il fut aussi ignoré par les premiers rois achéménides qui devaient être souvent zoroastriens (Cumont, 1963, p.12).

En revanche, il était le « Baga » c'est-à-dire le dieu par excellence. Quand Darius, dans sa proclamation de Behishtun, déclara : « Le grand Baga, c'est Ahura Mazdah », il faut se demander s'il ne fait pas profession de zoroastrisme, car ainsi, d'une certaine façon, il exclut Mithra. Cette proclamation démontre bien que les prédécesseurs de Darius glorifiaient d'autres bagas qu'Ahura Mazdah. Dans son interprétation, Duchesne-Guillemin a confirmé que la rosace sculptée au fronton de la tombe de Cyrus est un symbole de Mithra (Duchesne-Guillemin, 1974, p.17).

Plus tard, le nom du dieu se lira sous les formes Mira et Mithra qui sont mèdes mais en vieux perse, c'est Missa qui devrait répondre au Mira de l'Avesta. Donc, Cyrus adorait en fait un dieu mède, ce qui montre très bien que le culte de Mithra recèle un trait de la tradition nord-iranienne. Cela peut signifier que les Mages étaient d'origine mède ; cependant, d'après les propos de Xénophon, ils furent déportés en Perse par l'intermédiaire de Cyrus. De plus, la disparition officielle de Mithra a lieu au moment même où Darius décide d'adopter une position anti-mède et commence à persécuter certains Mages. Xerxès entretint également la même politique religieuse que son père, Darius. En Babylonie, après s'être opposé à des révoltes issues des religions locales, il détruisit le sanctuaire de Daiva (« démon ») et le remplaça par un autel consacré à Ahura Mazdah.

Mithra disparait donc progressivement du culte royal au profit du grand dieu des zoroastriens. Néanmoins, il resta populaire chez ses adeptes sous le nom de Baga. De plus, les inscriptions sur les murs de Persépolis évoquent des prêtres et Mages adorant à la fois Ahura Mazdah et Mithra. Cependant, le nom du dieu Mithra ne réapparaît dans l'épigraphie qu'à l'époque d'Artaxerxés. Pour honorer la grandeur des dieux Ahura Mazdah, Anahita et Mithra, il restaura le palais qui fut détruit sous le règne de son grand père Artaxerxés Ier. Ailleurs, dans une inscription d'Artaxerxés III, seuls Ahura Mazdah et Mithra sont ainsi sollicités : « Qu'ils me protègent, ainsi que mon pays et ce que j'ai bâti ! ». Ce duo Ahura Mazdah-Mithra correspond au Mesoromasdes desquels se réclamaient les rois de Perse, avec inversion de l'ordre des noms conformément au mazdéisme officiel. Aussi rencontre-t-on les noms Ahura-Mithra et Mithra-Ahura dans l'Avesta. Mithra resta donc un dieu proche du dieu suprême comme une divinité tutélaire, ce qui justifia officiellement sa relation avec la fonction royale. Par exemple, la fête de Mithrakana, changeant plus tard de nom en Mihragan, fut le seul jour où le roi offrait uniquement des sacrifices à Mithra et se donnait le droit de s'enivrer. C'était le même jour que les satrapes d'Arménie lui offraient dix mille chevaux. Dans les inscriptions trilingues de la ville Xanthos, capitale de Lycie, dans la version araméenne, le nom du dieu grec Apollon est accompagné du nom de Hshatrapati, « seigneur du pouvoir » ; or ce nom avait été attribué au Mithra avestique comme au Mithra védique. Aussi, c'est le même dieu Shadrapha (Apollon-Mithra) dont le nom allait se répandre dans le monde punique (Dupont-Sommer, 1976, p.648). Le duo Mithra et Anahita rappelle également celui du soleil et de la lune. C'est la raison pour laquelle Hérodote nomme la déesse Aphrodique persique, Mithra. Elle s'identifie encore à la déesse guerrière dans l'un des temples de Pasargades fait par Artaxerxés (Plutarque, Artaxe., 3, 1). Plus tard, sous les Arsacides et les Sassanides, on se rendit compte que les Achéménides l'avaient associée au dieu du pouvoir.

Quant au rôle officiel de ce dieu persan, il était présenté aussi comme le dieu du serment. Les rois perses juraient par Mithra et lui demandaient d'éclairer la vérité par sa lumière (Plutarque, Alex., 30), c'est pourquoi, on le considérait comme l'astre du jour, le témoin et le gardien de la vérité. Selon Strabon, (XV, 3, 13) les Perses appelaient le soleil Mithra. Enfin Quinte-Curce écrit que Darius III Codoman priait le Soleil, Mithra et le feu éternel, afin de donner du courage à ses soldats. C'est pourquoi on considère que Mithra, dieu des armées, est comparable au Mithra du Yasht X. Une fois Mithra arrivé au premier plan de la théologie officielle, un complot fut fomenté contre lui au profit d'Ahura Mazdah par l'intermédiaire de ses fidèles, grâce à l'influence des Mages (notamment ceux de Persépolis) et des proches du roi (Turcan, 1981, p.15).

Le passage de Mithra dans le monde

La conquête d'Alexandre et la chute de l'Empire Perse ne purent pas faire disparaître les aristocraties d'origine iranienne étant fidèles à leur déité ancestrale. De plus, un grand nombre de dynastes furent des ascendants achéménides comme les rois d'Arménie, de Cappadoce, du Pont et de Commagène. C'était dans leur royaume que le culte de Mithra se pratiquait. La nomination de ces rois démontre bien leur croyance et leur culte. Par exemple le roi du Pont était le fameux Mithridate VI Eupateur. Les rois Parthes furent aussi inspirés par Mithra, entre autres Mithridate Ier le Grand, sous lequel la rédaction du Xe Yasht fut commencée après le IIe siècle av. J.-C. Durant le Ier siècle av. J.-C., les rois du Bosphore portaient ce même nom, signifiant « donné par le dieu Mithra ». Ce qui est néanmoins curieux est que le nom de Mithra, pourtant si adoré par les rois, ne figura pas sur les monnaies parthiques ou pontiques. Cependant, à l'époque hellénistique, la présence de Mihre marqua leur territoire d'est en ouest, c'est-à-dire de la Parthie au Pont-Euxin. Quant à l'Arménie, le nom des temples païens fut Méhéan (Mihriyan) et Mithraea. Par ailleurs, une légende arménienne parle de Mithra comme d'un dieu cavalier emprisonné dans une caverne avec un corbeau, de laquelle il devait sortir à la fin des temps. La même histoire a lieu avec le dieu gréco-romain Tauroctone. Cela peut justifier le sacrifice des taureaux pour le dieu Tauroctone, donc pour Mithra.

Les premiers contacts gréco-iraniens et la diffusion du mithraïsme a ainsi davantage eut lieu en Asie Mineure qu'en Mésopotamie. Aussi, le voisinage du Bosphore et du Pont explique très bien la contamination des mystères mithraïques en fonction de la proximité des régions danubiennes. Les monuments de Mithridate Kallinikos et d'Antichus 1er, son fils, roi de Commagène au premier siècle av. J.-C. illustre bien ce syncrétisme gréco-iranien de l'époque hellénistique. Les inscriptions du Nemrud Dagh superposèrent Mithra à Hélios-Apollon et Hermès. On découvrit même un Mithra-Mercure dans le culte romain. Dans les imageries sculptées, Mithra serre la main du roi Zeus-Oromasdes, comme le font d'autres dieux à l'exemple d'Hercule. Dans la culture hellénistique, Mithra fait partie des dieux protecteurs officiels du souverain, mais quant au mystère, il n'a encore aucun rôle.

Cependant, les recherches sur le Mithra mystérique trouvent leur point de départ en Asie mineure. Plutarque, qui vivait vers 100 apr. J.-C., s'appuyait sur les sources plus anciennes, peut-être sur celles de Posidonius, pour expliquer le fait que les pirates ciliciens vaincus dans une bataille avec Pompée, faisaient des sacrifices à Olympos en Lycie. Ces sacrifices furent inspirés et influencés par les mystères mithraïques célébrés en son temps.

Statue de Mithra sacrifiant un taureau (date inconnue) en Italie
© InconnuStatue de Mithra sacrifiant un taureau (date inconnue) en Italie

Certains mettent en question les propos de Plutarque. Cependant ils devraient remarquer des détails qui lui permirent d'établir une comparaison entre la liturgie de tauroctone, connue à Rome vers 90, à la période où il y vivait, et les mystères mithraïques. Cilicie à son tour était le voisin de la Commagène. Mithra s'y introduisit aussi comme un culte royal et hellénisé (Turcan, 1981, pp.17-19). Entre l'Italie du Nord et le Limes rhéno-danubien, l'expansion de ce culte persique atteint la Retie et la Nordique notamment le Virunum près de Klagenfurt en Autriche à l'époque d'Antonin. Dans les années 130, Mithra mit son pied en Germanie. Bientôt, il arriva à Strasbourg sous Antonin. Au IIe et IIIe siècles, des régions dans les provinces danubiennes furent bien marquées par le mithraïsme. Les ruines des mithraea montrent bien la densité d'existence de ce culte dans ces régions. En revanche, il pénétra très peu en Macédoine et encore moins en Grèce sauf à Athènes, à Andros, à Partras et en Argolide (Turcan, 1981, pp.27-28).

Les parties hellénisées de l'Asie Mineure, elles aussi, restèrent très peu touchées par ce culte iranien. Il put cependant atteindre le nord de la mer Noire et même la Syrie et la Palestine. Au contraire de ce dont on croit, rien ne marque l'existence de ce dieu dans les documentations d'Hatra. On a aussi repéré les traces de Mithra jusqu'en Égypte, en Libye-Tripolitaine et en Afrique Mineure notamment dans le Maghreb. Il prit même une place importante à Carthage et même à Volubilis (Maroc) vers 190 (Drijvers, 1978, p.151).

L'apogée du culte de Mithra dans la culture cible

L'influence du culte de Mithra sur Rome et le peuple romain du troisième siècle apr. J. -C. est indéniable. Ce culte, au moment de sa floraison, imposa des changements constructifs dans la société et l'empire romain. C'est à cette époque que Rome se trouva en danger d'asiatisation (Cumont, 1963, p.17). À la fin du IIe siècle, le culte de Mithra gagna les sommets de la hiérarchie militaire. L'exemple de M. Valerius Maximianus ayant la dignité consulaire en est une bonne preuve. Même l'empereur romain s'intéressa à ce culte persique. Le cas de Néron en est un exemple quoiqu'il reste encore hypothétique. D'après les inscriptions transcrites par C.L. Visconti, Commode avait consacré aux mythriastes, un local souterrain de la résidence impériale à Ostie pour y célébrer leurs offices (Cil, XIV, 66). Une autre inscription montre un chapelain de la maison impériale chargé du culte persique : sacerdos inuicti Mithrae domus Augustanae. Mais Mithra ne put s'imposer solidement chez les rois romains, par exemple à l'époque du roi Palatin dont les monnaies ne portent aucune trace de Mithra (Panvani-Rosati, p.554).

La première affirmation officielle de l'appui impérial date de 307, lorsque Dioclétien, Galère et Licinius restaurèrent un Mithraeum en qualifiant le dieu de fautor imperii sui, « protecteur de leur pouvoir ».

Mithra avait de nombreux adeptes fidèles dans les milieux sénatoriaux de l'Urbs, mais concurremment avec Cybèle et Attis, Isis et Sérapis, Hécate et Dionysos.

Mithra fut aussi greffé sur certains cultes de source, notamment en Gaule où Apollon, dieu des eaux salutaires, pouvait composer avec le dieu iranien de la lumière (Turcan, 1981, p.37).

Le mithraïsme, une culture supérieurement marquante

L'adoration du soleil et les croyances de base de ce culte selon lequel le roi est le représentant et l'ombre de Dieu sur Terre, incita les rois et les empereurs à se considérer à l'égal de Dieu de manière à gérer le pays en dictateur (Cumont, 1963, p.17).

Quant à la Gaule, c'est dans une bonne moitié du pays que ce culte persique fleurit notamment dans la vallée du Rhône et à l'est de la Gaule, c'est-à-dire, en Belgique. La Bretagne insulaire ne put échapper à la contagion mais les mithraea se concentrèrent plutôt dans l'est-sud c'est-à-dire, à Londres et au nord de Londres.

Le banquet de Mithra, bas-relief
© Musée du LouvreLe banquet de Mithra, bas-relief

Il apparaît donc, en dehors de Rome, que le mithraïsme se répandit dans les endroits d'importance stratégique et économique (Rhône, Rhin, Danube), ou bien le long des frontières occupées militairement et dans certains centres administratifs, voire commerciaux.

Plus tard, ses fidèles se fondirent parmi les populations de souche ou de tradition iranienne, en Arménie, dans le royaume parthe, et même plus tard, dans la Perse sassanide. Au IIIe siècle, Mithra fut adoré de l'Ecosse à l'Indus. Parmi les religions dominantes de l'histoire de l'humanité, seul le christianisme put arriver à ce degré d'expansion dans le monde. À Rome même, les mithraea furent bâtis dans les milieux publics et plus généralement dans les casernes.

Le dieu perse, Mithra, acceptait toutes les catégories hiérarchiques dans son culte : des soldats, des greffiers de légion, des préfets de cavalerie, des légats, des gouverneurs militaires, et des centurions. Mithra les surveillait dans leur déplacement et ils jouèrent le rôle de missionnaires.

Mais à côté des casernes et des camps, les bureaux des procurateurs et les milieux fonctionnaires furent aussi touchés par la dévotion au deus inuictus. Il acceptait même comme adepte les employés du fisc (libre ou servile), les employés des finances, des esclaves des services douaniers - dont l'un en Gaule fut nommé Mithrès - des fermiers, les ouvriers des salines, des mines et de l'armement. Curieusement, des conseillers, des magistrats et même d'anciens militaires participaient à la cérémonie rituelle de Mithra. Ce qui est intéressant est que parmi les constructeurs des autels de Mithra, beaucoup furent des gens de condition modeste. Mithra fut donc adoré par toutes les couches sociales. Les marchands et les gens d'affaires consacrèrent également une grande partie de leurs biens pour bâtir des Mithraea. Quant aux endroits consacrés à la construction des Mithraea, il n'y avait aucune restriction à cet égard et on pouvait en trouver partout dans les villes, près des centres commerciaux, militaires ou artistiques. Cela démontre également l'impact du mithraïsme sur tous les secteurs de la société (Turcan, 1981, pp.29-34).

La propagande par transmission

De cette façon, le culte de Mithra pénétra les vallées du Danube et de Rhin et entra dans le cœur de la civilisation italienne. Lorsque le peuple de l'Occident encourageait la foule des croyants à se réunir dans les sanctuaires de ce dieu oriental, Mithra, et célébrait des cérémonies religieuses, leur curiosité les poussa à connaitre de plus en plus ce culte persique. Cela les conduisit à se convertir à ce culte, qu'ils trouvaient très attirant (Cumont, 1963, p.15).

Mais une question peut ici se poser : « Comment donc le culte mithraïque s'est répandu en Perse ? »

D'après F. Cumont, les Mages habitant en Babylonie furent intéressés par l'astrologie mésopotamienne et le mithraïsme persan. Ce fut par leur intermédiaire que cette cohabitation « chaldéo-persique » devint possible. Cette hypothèse est également partagée par F. Saxel, R.C. Zaehner, A.D.H. Bivar et G. Gnoli. À l'époque on pratiquait beaucoup l'astrologie issue du cœur de la religion mithraïque. Mais ce qui est encore plus intéressant, c'est que cette astrologie fut hellénistique et non pas forcément babylonienne. L'échelle mystérique du mithraïsme n'est pas d'origine chaldéenne (Origène, C. Cels., VI, 22) mais d'après les recherches récentes, elle doit être dans le nord-ouest de l'Iran.

Ce qui peut par ailleurs nous intéresser est le développement du culte de Mithra dans l'armée romaine. Ces derniers furent encadrés par les anciens officiers de l'armée de Mithridate. Le roi bientôt mort, ils décidèrent de continuer leur lutte dans les batailles. Ils connaissaient très bien Mithra comme le dieu garant de leur victoire au moment de la guerre. Aussi, selon leurs croyances, un dieu de « contrat » accompagnait les combattants. Selon G. Widengren, dans sa guerre psychologique contre les romains, Mithridate avait exploité les oracles attribués à Hystaspe. Ces oracles parlaient d'un sauveur « grand roi » qui fut envoyé par Zeus comme « Chef de la sainte malice » (dux sanctae militiae). Le Mithra des mystères gréco-romains fut lui aussi le héros d'une sancta militia. De toute les façons, le fait que la diffusion de ces prophéties ait ouvert la voie au succès de la diffusion de ce culte, reste discutable (Turcan, 1981, p.19).

Mithraea (sanctuaire de Mithra) découvert dans les ruines antiques d’Ostie, Italie
© InconnuMithraea (sanctuaire de Mithra) découvert dans les ruines antiques d’Ostie, Italie.

Parmi les pirates ciliciens vaincus dans une bataille avec Pompée, soixante-sept furent emprisonnés et mis au travail dans les terres en Italie du sud. Ce fut en grande partie eux qui firent entrer leurs rites en Occident. D'un autre côté, les soldats romains ayant participé dans les guerres en Asie, aidèrent énormément à la propagation et à la diffusion des rites mithraïques. Rappelant l'atmosphère religieuse de l'époque de César à Rome, J. Carcopino affirme : « Mithra... recrute alors ses premiers fidèles. » Aussi F. Cumont, en comparant la « Diaspora iranienne » à celle des israélites, mentionne que les premiers mythriastes ont dû apparaître à Rome au moment où la première communauté juive s'établit dans le Trastevere sous la surveillance de Pompée, après la prise de Jérusalem. Cette hypothèse ne fut jamais confirmée ni par les archéologues, ni par les littéraires. À Rome, non plus le moment où Pompée fit une campagne pour attaquer l'Orient, n'est repéré par aucun document mithraïque.

Mithra en Occident

Cependant, certains soldats de Corbulon qui avaient fait campagne en Arménie et furent plus tard recrutés en Cappadoce, durent rapporter en Occident les germes de futures communautés mithraïstes. La XVe Apollinaris fut l'une des légions de ce général romain qui avait vaincu les Parthes. Cette légion revint, soixante-dix ans après la prise de Jérusalem, sur le Danube à Carnuntum où fut offert par un centurion étranger, C. Sacidius Arbarus, un autel à Mithra. Certaines briques retrouvées dans le Mithraeum de Deutsch-Altenburg portent la marque de la XVe Apollinaris. Une autre légion de Corbulon, la Ve Macédonique, après la guerre contre les Juifs, se trouva aussi sur les bords de Danube, mais plus à l'Est en Dobroudja, à l'époque de Vespasien. Elle fut logée dans une caserne jusqu'en 162 à Troesmis. Ce fut là où un centurion gratifia le dieu persique d'un autel. Enfin la troisième légion, la IIe Andiutrix, participa à une guerre civile en 70. Après la guerre, elle fit campagne en Bretagne et se fixa sous Trajan à Aquincum (Budapest). C'est là qu'un centurion fit une dédicace au deus inuictus. Apparemment, les territoires de Tibère et de Vespasien (annexions de la Cappadoce), le Pont occidental, le Commagène et la Petite Arménie furent des berceaux où le culte de Mithra se mit à bourgeonner dans le monde romain ou romanisé.

Mithra à Rome et en Italie

À l'époque de Domitien, un affranchi impérial, pour honorer la grandeur de Mithra, lui offrit une dédicace bilingue (Cil, VI, 732). Enfin en 80, un poète de cour, P. Papinius Statius, fit entrer le dieu Mithra dans la littérature latine. Il finit le premier chant de sa Thébaïde en évoquant une scène de la tauroctonie. Ainsi, durant le dernier quart du 1er siècle apr. J.-C., Mithra s'introduit solidement et officiellement à Rome et dans les milieux impériaux. Un ensemble d'inscriptions avec des images gravées sur marbre par Alcimus, esclave de T. Claudius Livianus, le préfet du prétoire en 102 sous le règne de Trajan, constitue la représentation la plus ancienne de Mithra sacrifiant le taureau. Les Mithraea se multiplièrent à Rome du IIe au IVe siècle. Il y en existe actuellement une quarantaine, mais M. J. Vermaseren suppose que leur nombre s'élève à environ une centaine.

En dehors du Latium et de l'Étrurie méridionale, la densité des Mithraea fut la plus forte en Italie. La Campanie et la Cisalpine sont considérées comme les parties les plus importantes de la pénétration de ce culte. Plusieurs portes ont notamment été découvertes, en particulier (outre Ostie) Antium sur la mer Tyrrhénienne, Aquilée sur l'Adriatique. Syracuse, Catane et Palerme en Sicile furent également influencés par la diffusion de ce culte (Turcan, 1981, pp.25-26).

Les militaires aussi furent l'un des éléments les plus importants répandant ce culte persique en Europe et dans toutes les provinces occidentales. Ils furent obligés de gérer différentes villes et pays du monde avec des fonctionnaires, commerçants et artisans souvent liés à l'armée et aux bureaux de la fiscalité. Partout où ils allèrent, ils faisaient des dédicaces dans les mithraea pour honorer leur dieu Mithra. A Doura, sur l'Euphrate, les archers palmyréniens adorèrent le dieu invaincu, Mithra. En Bretagne, de même, les militaires furent majoritaires parmi les adeptes de Mithra (Turcan, 1981, p.31).

L'intégration de la culture orientale et du culte mithraïque dans la société occidentale

Rome, aux premiers siècles apr. J.-C., comptait énormément sur ses forces militaires. Les légions campant dans le Danube et à Raine, faisaient partie des forces les plus impénétrables de l'empire. Par conséquent, petit à petit, l'empereur romain Constantin commença à considérer l'Orient comme le noyau et le centre de son pourvoir. On peut nommer également les trois premiers siècles après J.-C. comme la période où l'Orient pénétra et envahit l'Occident en paix. Cette présence se manifesta pour la première fois dans les institutions politiques de l'époque.

Avant les réformes sous Auguste, même l'armée n'était pas considérée comme une force permanente et solidaire étant donné que l'on réunissait les soldats pour faire la guerre après laquelle ils vaquaient de nouveaux à leurs occupations respectives.

De plus, les astrologues, les mathématiciens et les plus grands docteurs et défenseurs des lois surnaturelles venaient tous de l'Orient (Cumont, 2004, pp.28-31).

Mithra n'a pu conquérir l'Occident qu'en s'intégrant à un système de croyances et moyennant une organisation liturgique. Celle-ci répondait à certaines exigences des hommes dans le contexte historique du monde européen et méditerranéen des trois premiers siècles de notre ère (Turcan, 1981, p.3). Ce culte fut tellement apprécié par le peuple romain que les gens eux-mêmes se mirent à faire du prosélytisme au sein de l'ensemble des territoires de l'empire. En conséquence, un grand nombre de croyances sémites et persanes envahirent les terres de l'empereur romain. Ce phénomène commença à menacer le pays. Les philosophes grecs et romains avertissaient toujours les empereurs du danger que pouvait représenter le pouvoir du peuple et les mettaient en garde de ne pas leur accorder autant de liberté ou leur permettre de trop s'ingérer dans les affaires politiques. Ce principe fut strictement respecté durant des siècles (Cumont, 1963, p.17).

Mithra face à la religion dominante

Le mithraïsme se trouva confronté au christianisme - avec qui il partageait de nombreux rituels et traditions communs -, conflit qui marqua la fin de son expansion : en fin de compte, le culte de Mithra perdit la bataille après quatre siècles tandis que tous ses rituels furent intégrés au christianisme (Cumont, 1963, p.15).

La prépondérance du culte mithraïque par rapport aux autres religions

Le mithraïsme devait son succès éclatant à différentes raisons : le paganisme trouva en lui la forme idéale du monothéisme aboutissant à l'enseignement des mystères. À l'époque d'Aurélien, sous prétexte d'unifier les dieux solaires, il consacra l'empire au Sol invictus. Mais pour le plus grand nombre, bientôt, le Soleil fut Mithra. L'empereur Julien montra dans son traité Le roi Soleil comment toutes les divinités de l'Orient et de l'Occident pouvaient s'associer et se réduire au seul Mithra pour qu'une seule intelligence, une seule providence agisse sur le monde sous des noms différents ; pour qu'elle seule communique avec les anges et veille sur tous les mouvements du monde, de la nature et de l'âme (Julian, XII-XVI).

D'un point de vue politique, le culte mithraïque se diffusa à Rome au moment où après avoir unifié le monde ancien, César trouva la situation propice à la domination de tous les territoires de son empire (Gasquet, 1890, pp.101-103).

Mais pourquoi étant resté un culte clandestin, le mithraïsme fut accueilli par différentes couches sociales et continua à survivre jusqu'aux époques modernes ?

Le banquet de Mithra, bas-relief
© Musée du LouvreLe banquet de Mithra, bas-relief

Dans ce monde urbanisé, mobile et très mêlé, où les commerçants, les marchands ambulants, les fonctionnaires, les voyageurs commerçants et les migrants de toutes sortes rompaient, chacun pour ses propres raisons, avec la vie de leur communauté traditionnelle et leur milieu d'origine, ils trouvaient dans les antres persiques la chaleur et l'intimité d'une famille religieuse ainsi qu'une raison collective de vivre. Désormais, où qu'ils aillent, une communauté mithraïque les accueillait. Sur les bords de l'Euphrate, sur le Limes africain, sur le mur d'Hadrien, au sud de l'Ecosse et de la mer Noire à la péninsule Ibérique, ils pouvaient adorer et reconnaître le Tauroctone. La spécificité de Mithra est qu'il n'était limité à aucune zone géographique définie.

Enfin, la religion de Mithra fournissait à ses adeptes une explication de l'homme et de l'univers, de leur histoire et de leur raison de vivre. Il introduisit même de nouveaux mystères et sciences dans la vie des gens. L'astrologie fut alors le dernier mot de la science à l'époque. L'astrologie mithraïque renforçait la foi en permettant l'accomplissement de la victoire des volontés célestes. De même, il satisfaisait l'exigence profonde du cœur humain. Mais par contre, il ignorait les angoisses de l'homme à propos de la mort. (Turcan, 1981, pp.123- 124).

La raison de la victoire du Christianisme

La raison de son affaiblissement ne fut point le contenu des préceptes de la Bible et du message évangélique, mais davantage l'héritage même du mithraïsme qui fut également considéré de plus en plus archaïque pour son époque. De plus, les Romains, qui se considéraient comme les ennemis millénaires de la Perse, n'acceptèrent pas avec facilité de pratiquer les rituels de ce culte oriental. En parallèle, les Persans eux-mêmes furent engagés dans un combat difficile contre le christianisme, à l'issue duquel cependant aucune des deux parties ne put être considéré comme vainqueur (Cumont, 1963, p.15).

Le destin de Mithra

Lorsqu'en 307 Dioclétien, Licinius et Galère honorèrent Mithra comme « Protecteur de leur empire » (Fautori imperii sui), son culte semblait dominer le monde romain. Mithra connut donc l'apogée de son expansion au milieu du IIIe siècle, il fut progressivement considéré par certains comme une menace pour l'Empire romain. Pourtant, nous ne disposons que de peu d'inscriptions ou de documents sur ce phénomène. Galère fut lui-même mithraïste. Il faut également mentionner qu'à l'époque, en dehors du panthéon gréco-latin, d'autres dieux d'origine orientale dont Isis et Sérapis furent aussi adorés par de nombreux adeptes.

En outre, l'Égypte, la Syrie, l'Asie Mineure faisaient partie de l'Empire romain, tandis que la Perse fut considérée comme l'ennemie héréditaire de cet empire qui allait envahir et intégrer un nombre croissant des pays en son sein. C'est ici qu'apparût une contradiction : des soldats qui allaient se battre contre ce pays, adoraient et pratiquaient le culte de l'un des dieux de cette terre. Durant cette période, la religion chrétienne commença à se répandre de plus en plus dans le monde. Les chrétiens, saisissant l'occasion, accusèrent ces soldats romains mithraïstes de « s'incliner devant les rites et les lois des Perses » (Firmicus Maternus). Malgré le mot célèbre d'E. Renan, il ne semble pas que Mithra ait sérieusement concurrencé le Christ.[1] Cela n'empêcha pas les chrétiens de réagir contre le dieu iranien dont ils présentèrent certains aspects comme « diaboliques ».

Pendant un certain temps, Constantin fit preuve d'un certain intérêt pour la théologie solaire qui semble également avoir intéressé son père Constance Chlore. Quand, comme le premier roi chrétien, il commença à se battre contre les cultes païens, il ne fit preuve d'aucune pitié pour ce culte persique. Aussi, le mithraïsme devint chez lui l'objet d'une hostilité profonde. Certes, le polythéisme ne fut pas interdit en tant que croyance ou idéologie, mais les sacrifices cultuels furent prohibés systématiquement au IVe siècle, à partir de 324 (Turcan, 1981, pp.115-116).

Constantin défendit tout sacrifice aux idoles et de célébrer des rites mystérieux, mais les restrictions de Constantin et de ses fils visaient avant tout à prohiber les immolations sanglantes renforçant, selon eux, le pourvoir des démons. La théologie mithraïste reposait sur un sacrifice qui débouchait sur un repas de communion avec les dieux ; or, un empereur chrétien ne pouvait pas ignorer la condamnation de Paul dans la Ire lettre aux Corinthiens (« Je ne veux pas que vous entriez en communion avec les démons »). Le chef des démons avait un signe qui correspondait à celui d'Ahriman, alors que les dédicaces Arimanio ou Deo Arimanio avaient été retrouvées dans certains Mithraea. Cet hommage au Prince de la Nuit, Ahriman, l'ennemi de l'empereur et de l'empire chrétien, prépara le terrain de la persécution et ensuite de la chute du Mithraïsme. Que ce culte ait été ou non apotropaïque importe peu. En conséquence, pour pouvoir garder vivant ce culte païen et le pratiquer entre eux, les adeptes de Mithra durent se réunir le soir dans les antres, caves ou cryptes à demi enterrées afin de célébrer leur dieu mystique. La législation contre les sacrificia nocturna fut renouvelée au IVe siècle et ne se limitait pas seulement à interdire les pratiques de la sorcellerie et de la magie - cette science des Mages qui ne fut pas étrangère aux origines du mithraïsme - mais également les rites sanglants sacralisant les rituels mithraïques.

La politique de limitation des pratiques païennes notamment mithraïques des empereurs chrétiens eut moins d'influence à Rome que dans le reste du monde romain. De façon générale, le culte mithraïque a décliné sous le règne de Constantin et de ses fils jusqu'au moment où, en 357, Constance II vint à Rome. L'aristocratie sénatoriale profita alors de cette visite pour faire remettre au fourreau le « glaive vengeur » des lois antipaïennes. Le mithraïsme survécut dans l'Urbs jusqu'en 391 (mais l'inscription datée la plus récente est de 387, date à laquelle une loi interdit toute espace de manifestation du culte païen). En dehors de Rome, les dédicaces les plus récentes datent respectivement de 325 et de 364-367.

Sous Julien dit l'Apostat, pendant une très courte période (361-363), la pratique du polythéisme traditionnel et oriental fut favorisée. Ce dernier était un mithraïste convaincu puisqu'à la fin du Banquet des Césars (336), il évoqua Mithra comme « conducteur des âmes » et « son protecteur personnel ». En fait, le nom de Mithra vint remplacer celui du Soleil qui avait été le dieu tutélaire de Julien. Cependant, aucun élément de ses discours ni de sa politique ne révèle le moindre signe de mithraïsme.

Mithra - représenté sous la forme du soleil - festoyant avec Séléné - la lune - et les divinités jumelles Cautès (le crépuscule) et Cautopatès (l’aube). Marbre, face B du relief romain à double face, IIe ou IIIe siècle.
© InconnuMithra - représenté sous la forme du soleil - festoyant avec Séléné - la lune - et les divinités jumelles Cautès - le crépuscule - et Cautopatès -l’aube.
Marbre, face B du relief romain à double face, IIe ou IIIe siècle.

Aussi, beaucoup de mithraeas des provinces rhénanes et danubiennes subirent-ils des invasions du IIIe siècle. Le mithraea de Koenigshoffen (le Strasbourg d'aujourd'hui) cessa d'être en service vers 260. Par la suite, la majorité des sanctuaires gallo-romains consacrés au culte persique, devaient être abandonnés avant la fin du IIIe siècle. Des pièces de monnaie retrouvées dans les ruines des mithraeas de Strasbourg et ceux d'autres villes démontrent bien que vers la fin du IVe siècle, ceux-ci servaient de refuges ou étaient utilisés pour d'autres usages. Selon les documents, lorsqu'en 361 l'évêque Georges d'Alexandrie voulut bâtir une église à la place d'un mithraeum, ce dernier était déjà en ruines depuis quelques temps. Pour pouvoir convertir les derniers mithraïstes au christianisme, les chrétiens recouraient parfois à la violence et à l'intimidation. Ainsi, en 376 ou 377, un préfet de la ville Furius Maecinus Gracchus fit incendier un mithraea. Le sanctuaire mithraïque de S. Prisca subit le même sort, ainsi que de nombreux autres mithraeas. Les ruines retrouvées montrent bien les coups et entailles diverses faites par des marteaux et des haches sur les murs et les façades des mithraeas, notamment sur ceux des villes de Sarrebourg, de Mackwiller et de Koenigshoffen. Les représentations, surtout les têtes des démons, subirent les destructions des iconoclastes chrétiens.

La propagation antimithraïste de certaines autorités chrétiennes, suscita peu à peu une inimitié publique envers les pratiquants de ce culte. A la même époque, au IVe siècle, lorsque l'évêque Georges d'Alexandrie fit sortir de la crypte mithraïque ruinée un certain nombre de crânes humains, il dénonça les rituels mithraïques et les sacrifices comme ceux au profit des démons. Il fit également exposer les crânes dans les rues pour éveiller l'indignation des gens contre ce culte persique. Sous le règne de Constantin, l'édification de nouveaux temples servit de prétexte pour excaver des ossements et des crânes sous les idoles. Ces sacrifices rituels n'étaient aux yeux des chrétiens qu'un cas particulier de ces rites sanglants qui provoquèrent une condamnation globale du paganisme.

Comme nous l'avons évoqué, Mithra n'eut aucune place ni dans le monnayage païen de l'Urbs ni dans la série des médaillons qui furent les éléments les plus riches pour montrer l'imagerie polythéiste de l'époque (Turcan, 1981, pp.117-121).

Plus surprenant encore est le silence de Macrobe dans les chapitres de ses Saturnales consacrés au syncrétisme solaire : on y évoque ainsi tous les dieux s'identifiant avec le soleil sans jamais citer le nom de Mithra. Ce cas paradoxal est très significatif (Turcan, 1979).

À cause des sacrifices sanglants qu'il engendrait, le Tauroctone fut, plus que d'autres dieux du paganisme, confronté à la vindicte publique. Par conséquent, les mithraïstes célébraient le soir clandestinement les rituels de leur culte dans l'ombre des cryptes.

Vaincu en Occident, Mithra garda ses fidèles en Iran dans le cadre du mazdéisme officiel, où il était considéré le plus brillant des « Yazatas » (ou génies célestes). Sur le monument de Tâq-e Bostân, la figure de la tête de Mithra derrière le roi Perse Artaxsher II (379-383) montre bien sa popularité en Iran. Peu après, Mithra changea de nom pour devenir Mihr (Mehr), le dieu du Soleil dans la religion et la littérature sassanides. A l'occasion de la fête de Mihragân, on célébrait également le dieu Mihr au travers de cérémonies durant plusieurs jours. Récemment, G. Widengren a souligné les pratiques du peuple post sassanide, les Babakyan, qui correspondaient exactement aux rituels mithraïques. (Turcan, 1981, p.124).

Au sein de l'Empire sassanide, le culte de Mithra ne fut jamais menacé de transformation ni de disparition. Le mithraïsme fut le culte dominant jusqu'à l'arrivée de l'islam et la chute de la dynastie sassanide. Cependant, ce culte ne cessa jamais d'être pratiqué en Perse même après la domination de l'Islam. En outre, la défaite du mithraïsme en Occident n'aboutit pas à sa disparition totale. En fait, sa présence dans l'Empire romain contribua même à préparer le terrain pour la propagation du christianisme - né comme lui en Orient. Après le recul du mithraïsme, une masse d'idées et de croyances orientales n'en demeura pas moins gravée dans la mémoire des occidentaux. (H. Lamartin. 1896-1899, p.931).

Notes

[1] Nom de l'un des chapitres de l'Avesta.

Bibliographie

~ Franz Cumont, Les Mystères de Mithra, traduit par Thomas J.M.C. Cormack N.Y, 1956, Traduit par Hâshem Râzi, Behjat Publication, Première édition, 2001.

~ Robert-Alain Turcan, Mithra et le Mithraïsme, Que Sais-je ?, 1981.

~ A. Gasquet, Essai Sur le Culte et les Mystères de Mithra, Armand Colin, Paris, 1899. - Franz Valery Marie CUMONT, Les Religions Orientales dans le Paganisme Romain, 1909, traduit par Teimour Ghâderi, Editions Amirkabir, Téhéran, 2004.

~ Franz Valery Marie Cumont, Textes et Monuments figurés relatifs aux mystères de Mithra, Brussels, H. Lamartin. 1896-1899.

~ A. Dupont-Sommer, L'énigme du dieu « Satrap » et le dieu Mithra, CRAI, 1976.

~ H. Oldenburg, Die Religion Des Veda, 1894.

~ H.J.W. Drijvers, Études Mithraïques, Acta iranica, 17, Téhéran-Liège, 1978.

~ J. Duchesne-Guillemin, Le Lieu de Cyrus, Acta Iranica, 3, Téhéran-Liège, 1974.

~ G. Bonfante, The Name of Mithra, Études Mithraïques, Acta iranica, 17, Téhéran-Liège, 1978.