TV lobotomie_CoverBook
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Jusqu'à il y a quelques semaines, j'étais comme vous : une mère de famille qui écoutait d'une oreille distraite les contempteurs de la télévision. Un peu excessives, non, ces injonctions d'éradiquer la petite lucarne ? Un bon épisode de La petite maison dans la prairie n'a jamais tué personne, et peut se révéler une baby-sitter pratique lorsqu'on a un coup de fil à passer. C'était avant d'avoir lu TV lobotomie, le livre de Michel Desmurget, docteur en neuropsychologie et directeur de recherche à l'INSERM en neurosciences cognitives, au sous-titre explicite La vérité scientifique sur les effets de la télévision.

Opinion molle, pensée Loukoum

L'auteur fustige, bien sûr, la vacuité des programmes, générant chez les jeunes « une opinion molle, une pensée loukoum ». Et de citer Natacha Polony : « La Star Academy devient l'horizon des enfants de la bourgeoisie, autant que des enfants du peuple. Les filles de ministre défilent comme mannequins. La fracture sociale se résout dans le rêve commun à toute une société de danser sur un plateau de télévision. Ce soir il y a bal sur le pont du Titanic. » Mais avec une véhémence étayée par des études scientifiques, il nous démontre aussi les méfaits intrinsèques de l'exposition passive de nos enfants au petit écran.

Ainsi, deux heures d'exposition journalière entre l'âge de 1 an et 4 ans aboutiraient à multiplier par trois le risque de retard de langage. Chaque heure consommée quotidiennement durant le primaire induirait 43% de chances supplémentaires de quitter l'école sans diplôme et 25% de probabilité additionnelle de ne jamais s'asseoir sur les bancs de la fac.

Télé, baby-sitter ou télé-valyum ?

Quant à cette télé baby-sitter évoquée plus haut, il la nomme quant à lui « télé-Valium » et prétend qu'elle produit sur l'enfant les mêmes effets qu'une drogue qu'on lui aurait administrée pour le rendre inactif quand, précisément, ces explorations, manipulations et incessantes expériences de causes et d'effets qui épuisent les parents sont nécessaires au développement de l'enfant.

Et les programmes éducatifs, alors ? L'auteur les écarte du revers de la main, citant les résultats d'une étude américaine de 2003 : lorsque des enfants de 9 mois sont placés face à des mandarins de souche, ils développent une aptitude à distinguer les sons de cette langue ; lorsqu'ils sont placés devant une vidéo de ce même mandarin, ils ne développent... rien du tout.

Selon Michel Desmurget, « L'exposition télévisuelle ne rend pas les enfants visiblement crétins ou retardés. Elle ne les abêtit pas ouvertement. Elle écrête juste le champ de leurs expériences et, de facto, l'univers de leurs possibilités. Auraient-ils eu 150 de QI, ils se contenteront peut-être de 110. Auraient-ils eu l'audace littéraire d'un Thomas Mann, ils se satisferont éventuellement d'une plume tout juste honnête. »

Bref, chers amis nés comme moi dans les années soixante-dix, tout porte à penser que nous devons à notre quart d'heure quotidien devant L'Ile aux enfants de ne pas être aujourd'hui Prix Nobel.