Keith Alexander
© AFP/WIN MCNAMEELe directeur de la NSA et patron du Cyber Command, Keith Alexander, le 27 juin 2013 à Baltimore, dans le Maryland.
L'Agence nationale de la sécurité (NSA) a commis des "milliers" d'infractions aux lois sur le respect de la vie privée depuis qu'elle a été dotée de nouveaux pouvoirs en 2008, a révélé, jeudi 15 août, le Washington Post, s'appuyant sur une analyse d'un audit interne et de documents secrets livrés au journal par l'ex-consultant Edward Snowden.

L'audit sur la NSA, daté de mai 2012, a dénombré 2 776 incidents concernant des "collectes, stockages, accès et communication de données protégées légalement, sans autorisation" au cours des douze mois précédents, sur les seuls sites de Fort Meade et de la région de Washington. La plupart n'étaient pas intentionnels, mais nombre d'entre eux sont le résultat de défaillances, ou simplement d'une violation des procédures normales.

RAPPORTS FALSIFIÉS

Avec l'appui d'un autre document, le quotidien révèle également que la NSA a ordonné à ses équipes de falsifier des rapports adressés au département de la justice et au bureau du directeur du renseignement national, censés superviser son action, en remplaçant certains détails par des termes plus généraux. L'agence aurait ainsi occulté un cas de surveillance non intentionnelle de plusieurs Américains, ce qu'elle a toujours publiquement démenti.

Ainsi, en 2008, un "grand nombre" d'appels téléphoniques en provenance de Washington ont été surveillés après une erreur de programmation qui a interverti le code téléphonique de la zone de la capitale américaine (202) avec celui de l'Egypte (20). Cette fausse manipulation n'était pas connue de ceux qui sont censés surveiller la NSA, résume le Washington Post.

L'un des incidents les plus sérieux rélevés dans l'audit est le détournement de larges volumes de données internationales transitant par des câbles de fibre optique sur le territoire américain. Cette méthode de travail a été jugée inconstitutionnelle en 2011 par la Cour de surveillance du renseignement extérieur (FISC), le tribunal censé délivrer les mandats et surveiller les activités du renseignement américain. Mais au moment du jugement, la NSA utilisait cette méthode depuis plusieurs mois, sans en avoir informé le FISC.

LA JUSTICE IMPUISSANTE

Un haut responsable de la NSA sous couvert de l'anonymat, interrogé par le quotidien américain, s'est justifié ainsi :
"Nous sommes une agence dirigée par des être humains et évoluant dans un environnement complexe, avec un grand nombre de méthodes de régulation différentes. C'est pourquoi nous nous retrouvons parfois du mauvais côté de la barrière".
Après la polémique déclenchée par la diffusion de dizaines de milliers de documents révélant les dessous des méthodes d'espionnage américaines, Barack Obama a promis une série de mesures visant à "davantage de transparence" tout en démentant tout abus dans les programmes de surveillance de la NSA.

La mise en œuvre de cette démarche s'avère toutefois problématique, puisque ce contrôle censé être transparent a été confié à James Clapper, qui n'est d'autre que le directeur national du renseignement, et de fait coordonnateur des différentes agences de renseignement américaines.

Un autre article publié le 16 août par le Washington Post confirme l'insuffisance des procédures actuelles de contrôle des programmes de surveillance : Reggie B. Walton, dirigeant de la FISC, a reconnu manquer de moyens pour mener à bien sa mission.

Contrainte de se baser sur "l'exactitude des informations" qui lui sont fournies par les agences comme la NSA, la FISC est, selon lui, incapable de mener des investigations indépendantes pour relever d'éventuelles violations du droit.