"Le gros mensonge"
, voilà comment sont surnommées, au sein de l'armée américaine, les "cérémonies du retour", organisées pour célébrer le rapatriement sur le territoire américain de militaires disparus à l'étranger lors d'anciens conflits, dont les restes ont finalement été retrouvés. Une vaste enquête, menée par NBC News, a obligé le Pentagone à reconnaître que ces cérémonies, organisées depuis 2006 à Hawaï, sont entièrement mises en scène, à l'insu des participants.

Le rituel est pourtant bien rodé. Un avion-cargo s'avance sur la piste d'atterrissage, laissant apparaître quatre hommes en uniforme transportant un cercueil couvert d'un drapeau américain. Alors que l'hymne retentit, les officiers rendent hommage au soldat inconnu, "de retour à l'instant sur le sol américain", avant d'embarquer le corps à bord d'un véhicule pour l'amener au laboratoire en vue d'une identification. Un moyen pour la nation reconnaissante de montrer que les hommes tombés lors des conflits passés - pour la plupart au Vietnam ou en Corée - n'ont pas été oubliés.

La vérité, elle, est un peu plus prosaïque. L'avion censé s'être posé à l'instant sur le territoire américain est, généralement, incapable de voler. Tracté jusqu'au lieu de cérémonie avant l'arrivée du public, il figure dans la mise en scène seulement pour donner l'illusion que le corps vient d'être rapatrié. Pire, à l'intérieur des "boîtes de transfert", les restes humains ne sont pas ceux arrivés le jour même, mais bien ceux stockés au laboratoire de la base, et toujours en cours d'identification.

Le but de la manœuvre est clair, selon Arrêt sur images, qui consacre un article à la supercherie : "Montrer que le Joint POW/MIA Accounting Command (JPAC) remplit sa mission de retrouver, de rapatrier et d'identifier les soldats américains morts à l'étranger et portés disparus." Mais dans les faits, là encore, la légende n'est pas à la hauteur de la réalité. Selon un rapport cité par le site d'information français, 83 000 militaires américains sont toujours portés disparus à l'étranger. Le JPAC, qui a pour objectif d'identifier 200 soldats par an, ne parvient à rapatrier que 72 corps en moyenne chaque année, pour un coût d'environ 1 million de dollars par corps. Le processus d'identification prend, lui, environ onze ans, selon ce rapport publié en juillet. Les "cérémonies du retour", toujours très émouvantes, sont donc un bon moyen de médiatiser ces identifications, et faire taire les polémiques.

Face au tollé provoqué par l'enquête de NBC News, le JPAC a décidé de ne plus appeler ces événements des "cérémonies du retour", mais des "cérémonies honorifiques". "Après le traitement médiatique de ces cérémonies, il semble qu'une erreur d'interprétation soit apparue en ce qui concerne le terme de 'retour', conduisant à croire que les corps venaient d'être rapatriés, ce qui n'est pas le cas", a ainsi justifié un porte-parole du Pentagone.