Image
Dans les rues dévastées de Tacloban, sur l'île de Leyte, aux Philippines, les autorités, déjà débordées par l'ampleur des destructions provoquées par le passage, vendredi 8 novembre, du typhon géant Haiyan et le nombre de survivants à secourir, sont désormais confrontées aux pillages.

Cette ville de 220 000 habitants enregistre le plus lourd bilan du pays, avec près de 10 000 tués à elle seule, selon une estimation provisoire communiquée par un haut responsable de la police régionale. Hébétés, les survivants du typhon fouillaient dimanche 10 novembre les décombres entremêlés aux cadavres. Des habitants, armés et affamés, s'attaquaient aux magasins et aux convois apportant une aide insuffisante. Edward Gualberto titube sur les cadavres pour fouiller les restes d'une maison effondrée. Vêtu seulement d'un pantalon rouge, ce père de quatre enfants et conseiller local dans un village s'excuse de son apparence et de ses actions.

STRATÉGIES DE SURVIE

"Je suis une personne décente. Mais si vous n'avez rien mangé depuis trois jours, vous en arrivez à faire des choses affreuses pour survivre", a-t-il confié à l'AFP en mettant la main sur des boîtes de conserve. "Nous n'avons rien à manger. Nous avons besoin d'eau et d'autres choses pour survivre", ajoute-t-il. Son butin après une demi-journée passée à fouiller : paquets de pâtes, canettes de bière, boîtes de conserve, biscuits et sucettes, ainsi que du savon. "Ce typhon nous a enlevé toute dignité. Mais j'ai encore ma famille et j'en suis très reconnaissant".

Ailleurs dans la ville, des rescapés adoptent des stratégies de survie plus agressives, profitant de l'absence des forces de l'ordre, qui ont quasiment disparu depuis le passage du typhon. Ils expliquent n'avoir rien mangé depuis trois jours. Des habitants ont brisé les rares vitrines des magasins qui ont résisté aux vents, ou tordu à l'aide de leviers les grilles de quelques échoppes. Un boucher, désespéré, brandit un revolver vers les assaillants. Qui n'en ont cure et dévalisent le commerce. L'homme agite son arme dans les airs et crie. La foule se sert.

A proximité, Emma Bermejo, propriétaire d'une petite pâtisserie, évoque des scènes d'"anarchie". "Les gens sont sales, affamés et assoiffés. Encore quelques jours et ils vont commencer à s'entretuer", assure-t-elle. "Je peux comprendre qu'ils prennent la nourriture et l'eau. Mais les postes de télévision ? les machines à laver ?"

RÉINSTAURER L'ORDRE

En visite dans la ville, dimanche, le président philippin Benigno Aquino a exprimé son inquiétude, après avoir constaté que seuls 20 des 390 policiers municipaux avaient pu se présenter à leur travail après le passage du typhon. "Nous allons envoyer quelque 300 policiers et soldats pour les remplacer et ramener l'ordre et la paix", a-t-il promis.Le président philippin pourrait imposer la loi martiale dans les zones touchées par le typhon.

Par ailleurs, les voies de communication coupées rendent difficile l'acheminement de l'eau et de la nourriture. Des camions chargés de vivres et de tentes ont été pris d'assaut sur un pont à Leyte, raconte le président de la Croix-Rouge des Philippines Richard Gordon. Il a qualifié certains attaquants de "gangsters".

Le ministre du gouvernement local et de l'intérieur, Mar Roxas, cité par le site internet Inquirer News, a appelé à accélérer la distribution de l'aide alimentaire. Le directeur de l'Autorité nationale alimentaire à Tablocan a dit avoir 140 000 sacs de riz qui devraient être reconditionnés en sacs de deux kilos pour être distribués. Plus de 170 000 paniers alimentaires d'urgence et deux purificateurs d'eau sont en outre en voie d'acheminement vers la ville.

À l'aéroport détruit, et dont seule la piste d'attérissage demeure, de nombreux habitants, qui avaient marché trois heures depuis la ville, attendaient dans la boue dimanche et espéraient être évacués par des avions militaires, alors que les routes, jonchées de débris et d'arbres, sont impraticables.Chaque vol ne peut transporter que 110 personnes, et la priorité est donnée aux personnes âgées, aux malades et aux enfants.