Selon les chercheurs qui sont parvenus à analyser le génome de l'enfant, les Amérindiens partagent des gènes avec les Européens.

C'est un enfant mort voici 24 000 ans près du lac Baïkal qui a vendu la mèche : les Indiens d'Amérique ne sont pas exclusivement d'origine asiatique, ils partagent aussi des gènes avec les Européens. Des chercheurs ont prélevé un minuscule échantillon (0,15 g) du squelette de cet enfant dont les restes ont été retrouvés sur le site paléolithique de Mal'ta, découvert en Sibérie à la fin des années 1920. Et ils sont parvenus à en extraire de l'ADN pour analyser son génome, "le plus ancien jamais décrypté à ce jour pour un homme anatomiquement moderne", souligne l'étude, publiée mercredi dans la revue britannique Nature. Ils l'ont ensuite comparé au génome des humains actuels, en particulier à celui des populations amérindiennes dont la généalogie reste très controversée, pour tenter d'élucider le mystère de leurs origines.

La théorie dominante depuis près de 100 ans veut que les premiers humains à avoir posé le pied en Amérique soient des tribus asiatiques qui auraient franchi le Pacifique en passant par le détroit de Béring, à la faveur d'une glaciation qui avait fait baisser le niveau de la mer entre les côtes sibériennes et l'Alaska. Or, si les Amérindiens semblent effectivement être génétiquement proches des populations d'Asie orientale, d'autres indices sont venus semer le trouble. Il s'agit notamment de crânes présentant des caractéristiques incompatibles avec une morphologie asiatique et appartenant à des hommes vivant bien avant l'arrivée des Européens suivant la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb.

Second échantillon

L'ADN mitochondrial de l'enfant sibérien, transmis exclusivement par la lignée maternelle, a quasiment disparu aujourd'hui, mais il était particulièrement fréquent (plus de 80 %) chez les chasseurs-cueilleurs européens de la fin du paléolithique et du mésolithique. Quant à son ADN nucléaire, transmis par le père via le chromosome Y, il précède celui des populations occidentales actuelles et est à la base de la plupart des lignées amérindiennes, sans ressemblance forte avec les populations asiatiques. "Nous estimons que 14 % à 38 % des ancêtres des Amérindiens peuvent avoir pour origine génétique" cette population sibérienne du paléolithique, écrivent les auteurs de l'étude, dirigée par Eske Willerslev, généticien au Muséum d'histoire naturelle du Danemark.

Les ancêtres des Amérindiens avaient déjà probablement divergé de ceux des Asiatiques lorsque ce croisement avec les chasseurs-cueilleurs sibériens est survenu. Mais cette filiation précède le moment où les populations amérindiennes se sont diversifiées dans le Nouveau Monde, précisent-ils. Autrement dit, "la signature génétique occidentale présente chez les Amérindiens actuels ne provient pas seulement de croisements" survenus après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, "comme on le pense souvent, mais aussi de l'héritage même des premiers Américains", concluent les chercheurs. L'analyse d'un second échantillon d'ADN, prélevé sur un autre individu sibérien vieux de 17 000 ans, a confirmé leurs résultats en aboutissant à une signature génétique similaire.