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© Hervé Kempf
Fukushima, Japon. La centrale continue à relâcher de l'eau contaminée, à accumuler des milliers de tonnes de déchets et d'eau radioactive. Mais partout aux alentours, le poison imprègne les terres et les montagnes. Voyage au pays du soleil empoisonné.

Département de Fukushima, Japon, reportage

Il y a trois zones autour de la centrale nucléaire de Fukushima Daichi accidentée le 11 mars 2011 : celle où le taux moyen de radioactivité dépasse 50 milliSievert par an (mSv/an), interdite d'accès ; celle où le taux se situe entre 20 et 50 mSv/an, et où seuls les anciens habitants peuvent venir, dans la journée, mais sans y vivre. Et puis une zone adjacente au statut plus flou, à peu près inhabitée. Pour entrer dans la zone d'accès limité, il faut une autorisation, accordée aux anciens habitants du lieu, qui peuvent revoir leur maison ou chercher des affaires. Elle est aussi nécessaire aux « décontamineurs », travailleurs qui viennent en mission de nettoyage de tel ou tel endroit.

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A l'entrée de la zone, des barrières et des policiers, au demeurant placides, qui vérifient les autorisations. La zone est fermée la nuit. Des hauts parleurs y sont dispersés, qui rappellent périodiquement les heures de fermeture, ou encore qu'il est nécessaire d'éteindre le gaz quand on est dans les maisons, afin d'éviter les incendies.

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De place en place sont disposés des radiamètres publics, qui indiquent le niveau de la radioactivité. Ici, 0,272 micro-Sievert par heure à Namie.

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Partout, des magasins abandonnées, des maisons vides, des parkings sans nulle voiture, des jardins envahis d'herbes folles, des feux rouges qui clignotent dans le vide.

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La majorité des bâtiments sont encore en bon état : la majeure partie des zones contaminées, celle qui est loin du rivage, n'a pas subi la vague dévastatrice du tsunami. Mais la radioactivité est trop forte pour qu'on puisse y vivre durablement.

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Il reste des rues et des avenues vides, nostalgiques, battues par le vent, et où les feux passent au vert et au rouge imperturbablement, comme des acteurs inaltérables qui joueraient éternellement la même pièce dans une salle de spectacle abandonnée. Ah si, parfois des êtres humains, à Odaka : une dame qui promène son chien, et un coiffeur, qui reste obstinément ouvert, et qu'aucun client ne vient visiter. Le soir, il sort de la zone, et rentre dans son nouveau logis, ailleurs.

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Les seuls occupants des zones contaminées sont les travailleurs qui viennent le matin, en camionnette et avec divers équipements, se livrer à des activités de décontamination.

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Ils travaillent en masque et en combinaison, comme ici dans la zone interdite de Tomioka, coupant les herbes aux abords des maisons. Des kilomètres carrés à traiter pas à pas : la tâche paraît immense.

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On ne rentre pas dans la zone interdite. Le taux de radioactivté y est trop élevé.

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On ne peut qu'observer, à la lisière, la ville se défaire lentement dans le silence empoisonné.

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Mais la radioactivité se joue souvent des frontières tracées par l'administration, et les « points chauds » abondent. Comme cette ancienne ferme, à Yonomori, près de Tomioka, où nous conduit Matsumura. L'endroit est paisible, le vent souffle doucement, la végétation est en pleine forme. Mais quand on pose le radiamètre, ici et là, la sérénité disparaît.

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5,54 micro-Sievert à l'heure (en fait, on a aussi relevé 5,69, mais je n'ai pas fait la photo). Un taux extrêmement élevé, alors que le « bruit de fond » de la radioactivité en condition normale est dans la région de 0,10 micro-Sv/h, et que l'on relève entre 0,24 et 0,46 dans les lieux que nous avons visités (une autre pointe à 1,56 du côté d'Iitate). On ne traine pas à Yonomori...

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Pourtant, on relève des taux très élevés non loin de Tomioka, dans la ferme de Naoto Matsumura : 0,84 micro-Sv/h et jusqu'à 1,51. Peut-être ce nom vous dit-il quelque chose : Naoto Matsumura est venu en France récemment. Il a décidé de ne pas quitter sa ferme, située en zone interdite, après l'accident. Une situation illégale, que tolère l'administration, en raison de la notoriété acquise par cet homme de 54 ans. En fait, ému par le sort de tous les animaux de ferme que l'on abandonnait au moment de la catastrophe, il a décidé de s'occuper de ceux qu'il récupérait, dont... une autruche, rescapée d'un zoo voisin.

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La ferme est ainsi devenue une improbable arche de Noé, abritant une quinzaine de bovins, un cheval, une autruche, donc, et des chats et des chiens, au milieu d'un bazar désordonné alimenté par tous les dons envoyés par des particuliers ou des associations animalières. En fait, M. Matsumura avoue volontiers ne pas être le héros que certains ont voulu faire de lui. Il se sent maintenant engagé par la confiance qu'on lui fait - et tout ce qu'on lui envoie pour les animaux, qu'il nourrit soigneusement jour après jours. Mais il avoue : « Mon avenir m'échappe. Que vais-je devenir ? » Car vivre dans une zone contaminée, abandonnée de tous, sans vrai possibilité de travail et d'une existence normale, ne peut être une perspective durable.

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