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Nos données suggèrent que (le dioxyde de titane) devrait être utilisé avec une plus grande prudence qu'il ne l'est actuellement" © Schnitzler / Caro Fotos/Sipa
Utilisé dans la construction, l'alimentation, la cosmétologie ou les médicaments, ce nanomatériau produit des effets similaires à l'amiante.

Il est partout, ou presque. Dans les colorants alimentaires, dans certains médicaments, dentifrices, crèmes solaires, dans la composition de nombreux produits à usage courant... Le dioxyde de titane est l'un des nanomatériaux les plus utilisés actuellement avec plus de deux millions de tonnes produites chaque année dans le monde. Or, selon les conclusions d'une équipe de chercheurs suisses et français, ces particules employées comme pigment et opacifiant produisent, dans les poumons, des effets inflammatoires similaires à ceux de l'amiante.

Ce n'est pas la première fois que des travaux font état des problèmes posés par ces substances. En mars dernier, une expertise de l'Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, depuis intégrée dans l'Anses) avait soulevé le cas du ciment qui acquiert, grâce à l'adjonction de dioxyde de titane nanométrique, des propriétés autonettoyantes. Or l'usure des bâtiments entraîne une dissémination de ce produit. En cas de très fortes doses, "des inflammations pulmonaires et des tumeurs ont été déclenchées chez des rats", notaient les experts. Selon eux, il est évident que "les personnes souffrant d'une pathologie respiratoire constituent des populations sensibles".

Risque de cancers

L'agence s'était aussi intéressée aux crèmes solaires contenant du dioxyde de titane nanométrique pour filtrer les rayons ultraviolets. Les fabricants ont toujours affirmé que ces nanoparticules ne franchissaient pas la barrière cutanée. Or, selon les experts, "certaines études récentes montrent qu'elles peuvent se retrouver dans la couche profonde de l'épiderme". Les peaux blessées, brûlées, allergiques ou celles des enfants sont particulièrement vulnérables. Chez des souris, ces particules peuvent atteindre la rate, le coeur et le foie, et causer des lésions.

L'étude des chercheurs du Département de biochimie de l'université de Lausanne (UNIL), de l'université d'Orléans (F) et du Centre national français de la recherche scientifique (CNRS) va plus loin puisqu'elle décrit les mécanismes par lesquels cette substance peut être toxique. Selon eux, ces nanoparticules produisent des effets inflammatoires similaires à ceux de deux autres irritants environnementaux bien connus, l'amiante et la silice. "Comme eux, elles activent la production de molécules toxiques capables de s'attaquer à l'ADN, aux protéines et aux membranes cellulaires", estiment les chercheurs qui ont travaillé sur des cellules humaines et sur des souris. Ils mettent en garde contre un risque possible de cancers engendrés par l'inflammation, en particulier chez les personnes exposées à d'importantes concentrations de ces nanoparticules.

Traçabilité

"Nos données suggèrent que ce produit devrait être utilisé avec une plus grande prudence qu'il ne l'est actuellement", écrivent-ils. Une conclusion à laquelle étaient déjà arrivés les experts de l'Afsset, qui regrettent aujourd'hui encore de ne jamais avoir pu connaître la proportion de crèmes solaires contenant cette substance (leur étude ne portait pas sur les dentifrices ni les médicaments). Au nom du principe de précaution, ils proposaient déjà de rendre obligatoire - sans attendre ! - la traçabilité des nanomatériaux, de mettre en place un étiquetage pour les consommateurs ainsi que d'harmoniser les règles françaises et européennes...