Le « Daily Telegraph » soutient que plusieurs hommes politiques anglais seraient impliqués dans des affaires de pédophilie depuis les années 1970.

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© MANUEL COHEN / THE ART ARCHIVE / THE PICTURE DESK / AFP Photo d'illustration
Scandale à Westminster ? Selon le Daily Telegraph, une dizaine d'hommes politiques apparaitraient sur une liste de personnes soupçonnées d'abus sexuels sur des enfants, étudiée actuellement par Scotland Yard. Certains faits remonteraient aux années 1970. Plusieurs de ces hommes d'État seraient toujours en poste. Et des dossiers - 114, d'après le quotidien conservateur - auraient disparu opportunément.

Le Daily Telegraph - repris par le Courrier International - précise que le député libéral Cyril Smith, décédé en 2010, serait au coeur de l'affaire. Deux ans après sa mort, ses pratiques pédophiles avaient été révélées au grand jour. Alors que, dans le même temps, des soupçons d'abus sexuels sur mineurs avaient toujours émaillé sa carrière, sans qu'aucune enquête ne soit jamais ouverte.

Des « pédophiles opérant aux alentours et dans Westminster »

Le quotidien britannique raconte encore qu'un dossier impliquant Cyril Smith avait pourtant été rédigé par un député voilà plus de trente ans. Remis à Lord Leon Brittan, alors ministre de l'Intérieur, il avait étrangement disparu en 1983. Lord Brittan qui fait l'objet d'une enquête pour viol présumé, commis en 1967. Ce dossier du député Geoffrey Dickens, qui s'était évaporé, aurait impliqué plusieurs hommes politiques, décrits comme « pédophiles opérant aux alentours et dans Westminster ». Aujourd'hui, un autre député, Simon Danczuk, s'insurge contre le système britannique qui a permis à Cyril Smith et consorts d'être « protégés par des personnes haut placées ».

L'affaire en cours a finalement commencé la semaine dernière, lorsque le député travailliste Simon Danczuk a pressé le conservateur Lord Brittan d'expliquer ce qu'il avait fait des documents reçus en 1983 des mains du député conservateur Geoffrey Dickens. Dans ces documents, ce dernier, très engagé dans la lutte contre la maltraitance des enfants et décédé depuis, entendait prouver l'implication de plusieurs députés et autres figures politiques dans un réseau pédophile. Leon Brittan s'est défendu lundi en expliquant qu'il avait effectivement reçu « un paquet de documents contenant des accusations sur des comportements sexuels gravement inconvenants », mais il a aussi assuré qu'il avait bien remis le dossier aux autorités compétentes.

Une pétition recueille 75 000 signatures en un jour

Un nouveau choc pour la Grande-Bretagne, après le scandale Jimmy Savile, animateur de la BBC décrit par Scotland Yard comme le « pire prédateur sexuel de l'histoire du pays ». David Cameron a ordonné au ministère de l'Intérieur en fin de semaine dernière de « faire tout son possible » pour découvrir ce qu'il était advenu de la centaine de dossiers disparus. Quant au député travailliste Tom Watson, il a lancé une pétition dimanche pour demander l'ouverture d'une enquête nationale, car « chaque piste non exploitée laissera un sentiment de malaise dans les institutions du pays ou, pire, un soupçon de dissimulation », explique-t-il. En l'espace d'une journée, elle a recueilli plus de 75 000 signatures.

Le gouvernement britannique a promis ce lundi de « faire toute la lumière » sur de nouvelles accusations de pédophilie secouant le Royaume-Uni. Après plusieurs figures du show-business telles que Jimmy Savile ou Rolf Harris, coupables d'abus sexuel sur des mineurs, Westminster se trouve à son tour visé. Pour le Parlement, cette affaire intervient cinq ans après le scandale des notes de frais consécutif à un audit indépendant. Il a révélé que plus de la moitié des députés de la précédente législature avaient commis des irrégularités dans leurs défraiements et devaient rembourser plus d'un million d'euros au total.

Une volonté d'enterrer l'affaire ?

Un audit lancé en 2013 a finalement permis d'identifier « treize éléments faisant référence à des abus sur mineurs présumés » entre 1979 et 1999. Neuf étaient connus de la police, qui a été immédiatement saisie des quatre autres. Mais l'audit a également constaté que 114 documents relatifs à des accusations d'abus sexuels à l'encontre d'enfants avaient disparu, relançant les spéculations sur une volonté d'enterrer l'affaire à l'époque. « À cette époque, je pense que la majorité des gens estimaient qu'il était plus important de protéger le système que d'aller fouiller trop loin », a ainsi commenté dimanche Norman Tebbit, une autre figure du thatchérisme.

Mais, devant les pressions de plus en plus fortes, la ministre de l'Intérieur Theresa May,a chargé lundi Peter Wanless, président de la Société nationale de protection de l'enfance, de conduire un nouvel audit sur le rapport de 2013 et sur la façon dont ont été utilisées les informations qu'il a révélées. La ministre a également annoncé l'ouverture d'une enquête plus générale sur la façon dont les institutions publiques gèrent les cas d'abus sur des enfants. Le Premier ministre britannique David Cameron a, de son côté, promis « de faire toute la lumière » et d'« explorer toutes les pistes pour découvrir la vérité sur ce qui s'est passé ».

L'absence de prescription du droit anglais

« C'est essentiel que tout le monde tire les leçons de ce qui a mal tourné », a poursuivi le dirigeant conservateur, dont le pays est encore traumatisé par l'affaire Jimmy Savile, soupçonné d'avoir commis des centaines d'agressions sexuelles en toute impunité. Le retentissant scandale Savile a conduit dans la foulée à des enquêtes sur des célébrités du show-business pour des agressions sexuelles, souvent sur mineurs et remontant à plusieurs décennies. Des enquêtes facilitées par l'absence dans le droit anglais de prescription en matière de crime.

Deux autres vieilles gloires ont ainsi été récemment condamnées, dont l'artiste australien Rolf Harris, 84 ans, star du petit écran depuis les années 60, qui a écopé vendredi de cinq ans et neuf mois de prison. Lundi, Theresa May a également évoqué les cas d'abus de jeunes filles vulnérables, issues de foyers et tombées dans les griffes de prédateurs sexuels. Un panel d'experts indépendants sera donc chargé de se pencher sur « la faillite des pouvoirs publics, que ce soit la police, les services sociaux ou l'école, pour protéger certaines victimes ». Mais les conclusions ne sont attendues qu'après les élections générales de 2015.