Pain, pâtes, viande: l'envolée des cours des matières premières agricoles va se traduire dans les mois à venir par une valse des étiquettes pour le consommateur et raviver la guerre entre la grande distribution et l'industrie agroalimentaire.

«Dans les prochains mois, les prix de la baguette de pain, des pâtes, de la farine, de l'huile, de tous les produits de première nécessité, de la viande, vont bien entendu augmenter», a déclaré jeudi le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire. La hausse est «inéluctable», selon lui.

Coup de pouce aux industriels dans leurs négociations

Depuis un an, les cours mondiaux des principales matières premières comme le blé sont à la hausse. La pression s'est encore accentuée depuis l'été après plusieurs catastrophes climatiques (sécheresse, inondations,...) qui ont mis à mal les récoltes dans plusieurs pays producteurs.

Selon les experts, la situation ne devrait pas changer dans un avenir proche en raison du développement de la demande mondiale, en Chine par exemple, et des interventions de fonds spéculatifs sur les marchés. Les propos directs de M. Le Maire apportent du baume au cœur des industriels de l'agroalimentaire, bien en peine de faire accepter des hausses de tarifs à la grande distribution. Mais en donnant ce coup de pouce, M. Le Maire entend que les industriels rémunèrent au «juste prix» les agriculteurs.

Les agriculteurs en situation précaire

Le «langage de vérité» du ministre, pour reprendre les termes d'un professionnel, intervient alors que distributeurs et fournisseurs sont en pleines négociations pour définir les nouveaux tarifs annuels. Toujours tendues, les négociations sont cette année particulièrement âpres: «aucun contrat significatif» n'a encore été signé alors que d'ordinaire c'est déjà le cas, a indiqué jeudi à l'AFP, Jean-René Buisson, président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania).

Dans une lettre ouverte au président de la République publiée mardi, l'Ania a dénoncé les distributeurs qui «refusent systématiquement» les demandes d'augmentation de tarifs. Ce refus met «en péril l'équilibre de nombreuses entreprises» et, par ricochet, les agriculteurs déjà dans une situation précaire. Pour les industriels, pas question de réitérer l'expérience de l'an dernier. «En 2009 nous avons baissé nos prix aux distributeurs en moyenne de 8% et eux n'ont baissé (les leurs) que de 0,1% vis-à-vis du consommateur», souligne M. Buisson.

«Limiter la casse»

Et ce d'autant moins, que la hausse des matières premières devrait durer: «nous sommes désormais dans une situation où le consommateur va devoir accepter l'idée, comme il le fait pour l'essence, qu'il peut y avoir une augmentation des prix alimentaires mais aussi une baisse», prévient-il. Les distributeurs veulent voir dans les déclarations de M. Le Maire «une information faite aux Français et pas une volonté de l'Etat d'intervenir» dans leurs relations avec les industriels, selon Jérôme Bédier, président de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD).

Les enseignes se disent prêtes à «passer les hausses inéluctables» mais ne souhaitent pas «s'installer dans une ambiance d'inflation généralisée». Les industriels ont demandé des hausses qui se situent en moyenne entre 5 et 8%. «C'est évidemment trop élevé (...) il nous reste un mois pour parvenir à des accords», selon M. Bédier. Chez Système U, on reconnait que «l'augmentation est inéluctable». «Mais il ne faut pas que ce mouvement général serve d'alibi à des augmentations qui ne seraient pas réelles» selon le porte-parole du groupe, Thierry Désouches. «Nous ferons tout pour limiter la casse», a-t-il ajouté.