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Le degré de sensibilité de chaque individu à la solitude serait variable et, pour partie, héréditaire. © Jaubert / Sipa
Une équipe de chercheurs américains a récemment mis en évidence le caractère délétère d'une solitude mal vécue.

Se sentir seul nuirait sérieusement à la santé, autant que de fumer des cigarettes, de ne pas faire d'exercice physique ou encore d'être obèse. C'est du moins ce que tendent à prouver de récentes études menées par une équipe de chercheurs américains de l'université de Chicago dans l'Illinois, dirigée par le psychosociologue John Cacioppo. La corrélation entre solitude, mauvaise santé et mortalité n'est, en elle-même, pas nouvelle, mais le scientifique y ajoute une nuance de taille.


Commentaire :
Propagande anti-tabac oblige, la cigarette figure toujours dans le top 3 des pratiques réputées « mauvaises pour la santé ». En réalité, fumer peut s'avérer bénéfique, comme le montre cet article.


Jusqu'ici, c'est la solitude objective, à savoir le fait d'être peu entouré, qui était jugé néfaste. Pour John Cacioppo, en revanche, seuls le sentiment de solitude et la souffrance qu'il engendre comptent. Certains individus disposant d'un solide réseau amical ont tendance à se sentir esseulés, tandis que d'autres personnes, solitaires, seront tout à fait à l'aise avec un cercle restreint de relations. Pour mener ces études, le psychosociologue utilise donc une échelle du sentiment de solitude basée sur un questionnaire.

À partir de là, les chercheurs ont pu repérer une série de changements physiologiques chez les individus souffrant le plus d'isolement, notamment susceptibles de fatiguer anormalement leur coeur et d'user prématurément leurs vaisseaux sanguins. Ces personnes présentaient également, dans leur salive et leurs urines, des taux élevés de cortisol et d'adrénaline, deux marqueurs du stress dont l'effet délétère sur la santé n'est plus à prouver.

État d'alerte

L'équipe de John Cacioppo, associée à celle du chercheur en génétique Steve Cole, a aussi mis en évidence un impact négatif de l'expérience durable du sentiment de solitude sur le système immunitaire. Sur le long terme, la souffrance induite par l'isolement activerait l'expression de gènes induisant une réaction inflammatoire, réprimerait celle des gènes censés jouer un rôle de pompiers face à l'inflammation et diminuerait également l'activité de ceux responsables des défenses de l'organisme face aux virus. Le sentiment de solitude mettrait en quelque sorte l'organisme dans un état d'alerte, censé pousser l'individu à adopter un comportement social plus favorable à la perpétuation de son espèce.

Comment se prémunir contre le sentiment de solitude ? Le psychosociologue ne donne aucune formule magique, d'autant qu'il a, à la suite d'une étude menée conjointement avec le généticien néerlandais Doret Boomsma sur 8.683 jumeaux et leur famille, acquis la conviction que la tendance à se sentir seul relèverait pour partie de l'hérédité. Au titre de la prévention, John Cacioppo recommande toutefois de s'appliquer à rester ouvert aux individus qui nous entourent. Enfin, certaines thérapies peuvent aussi permettre de prendre conscience de notre plus ou moins grande sensibilité à la solitude afin de mieux gérer le sentiment d'isolement.