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© DREtiquetage obligatoire
Etiquetage de la viande clonée, moratoire sur les aliments contenant des nanomatériaux... la commission Envi [1] du Parlement européen a infligé un camouflet sévère à la Commission européenne au sujet du règlement sur les nouveaux aliments. Un vote sans appel : 57 voix pour, 4 contre, 2 abstentions.

Décidément, le sujet des aliments nouveaux est toujours aussi polémique : en mars 2011, ce projet de règlement avait déjà échoué devant les eurodéputés. Certes, le Parlement européen et la Commission étaient d'accord pour interdire le clonage pour la production alimentaire et la consommation de produits issus d'animaux clonés. Mais la convergence s'arrêtait là : le Parlement était opposé aux produits issus d'animaux descendant de clones, alors que la Commission y est favorable. Craignant d'indisposer ses partenaires commerciaux, notamment américains, celle-ci ne voyait même aucune raison d'apposer un étiquetage spécifique.

Dans l'impasse, il avait été décidé d'exclure la question des aliments clonés du règlement, en leur consacrant des textes séparés. Peine perdue, ils y sont revenus lundi 24 novembre à la commission Envi du Parlement! Et ce via des amendements du groupe Socialistes & Démocrates, qui demande l'étiquetage de tous ces produits, le temps qu'ils disposent de leur propre législation.

Moratoire sur les aliments à nanomatériaux

Autre surprise, un moratoire sur les aliments contenant des nanomatériaux, à l'initiative des groupes Verts et Gauche unitaire européenne. « Les études scientifiques sont de plus en plus nombreuses à montrer les risques de consommer des nanomatériaux qui sont capables, vu leur taille minuscule, de franchir la barrière des cellules ou des mitochondries », expliquent Michèle Rivasi et José Bové dans un communiqué commun [2].

« Le principe de précaution réaffirmé lors du vote de la commission Envi doit être pleinement appliqué et ce n'est pas parce qu'il y des négociations avec les États-Unis pour mettre en place un accord de libre-échange (Tafta) que nous devons commencer à accepter de baisser nos normes alimentaires », ajoutent les deux eurodéputés.

Autre revers pour la Commission, les eurodéputés ont opté pour la définition de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) sur les nanomatériaux, selon laquelle toute substance peut être qualifié de « nano » dès qu'elle contient au moins 10% de particules nanométriques (entre 1 et 100 nanomètres). Un seuil bien plus strict que les 50% prônés par la Commission. Tout en saluant une « atmosphère de coopération », le rapporteur du texte, le Britannique James Nicholson (Conservateurs et réformistes européens, ECR), se dit « pas entièrement satisfait du résultat du vote ».

« Certains amendements sur le clonage des animaux et les nanomatériaux ont été adoptés, alors que mes collèges de l'ECR et moi-même avons voté contre. J'ai été clair depuis le début du processus: vu l'historique des propositions sur les nouveaux aliments, il était essentiel que le clonage et les nanomatériaux soient traités séparément », déplore-t-il.

Des autorisations centralisées

Par nouvel aliment, on entend « toute denrée alimentaire dont la consommation humaine était négligeable au sein de l'Union avant le 15 mai 1997 », rappelle le Parlement. La commission Envi y a ajouté de nouvelles catégories, dont les aliments ayant une structure moléculaire modifiée, les micro-organismes, les champignons, les algues ou encore les insectes. Le but de ce règlement est d'homogénéiser l'autorisation de ces aliments : les demandes seront adressées directement à la Commission européenne, qui devra consulter l'Efsa s'il existe un risque pour la santé humaine.

A l'heure actuelle, de telles demandes d'autorisation sont adressées aux États membres de l'UE, dont les rapports d'évaluation sont transmis aux autres pays: en l'absence d'objection, le produit est mis sur le marché. Sinon c'est la Commission qui tranche, après avis de l'Efsa.

Autre nouveauté, le système sera « générique » : une autorisation vaudra pour les mêmes aliments produits par d'autres entreprises. Celles-ci ne devront donc plus apporter la preuve d'une «équivalence substantielle», un poids pour les PME. Seule exception à cette règle « générique », une entreprise pourra demander la protection de certaines données, pour 5 ans maximum. Objectif, « continuer à favoriser le développement de produits alimentaires réellement innovateurs ».

Le projet de règlement prévoit par ailleurs une procédure allégée pour les aliments traditionnels issus de pays tiers, qui pourront « être utilisés sur le marché de l'UE s'il a été prouvé pendant une période minimale de 25 ans qu'ils peuvent être consommés sans risque », indique le Parlement.

Notes :

[1] Environnement, santé publique, sécurité alimentaire

[2] Michèle Rivasi est membre de la commission Envi, José Bové de la commission Agri.