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© DRL'entrée du site d'enfouissements de déchets nucléaires de Yucca Mountain
Les Etats-Unis ne possèdent aucun site pour enfouir les déchets nucléaires les plus radioactifs, qui sont entreposés le plus souvent aux abords des centrales. Un projet de stockage de ces déchets est dans les cartons, celui du centre d'enfouissement à Yucca Mountain, dans le Nevada. Mais il fait figure de serpent de mer depuis plus de trente ans. Les Républicains, aujourd'hui majoritaires au Congrès, espèrent le voir enfin aboutir. Selon des anti-nucléaires, la sécurité de ce projet n'est que "pure fiction".

Les Etats-Unis concentrent sur leur territoire le plus grand parc nucléaire du monde: 100 réacteurs, répartis dans 31 Etats et qui produisent 20% de l'énergie du pays. Pourtant, il n'est assorti d'aucune solution d'enfouissement des déchets à haute valeur radioactive. Un projet, controversé depuis une trentaine d'années, refait surface: celui de Yucca Mountain, dans le Nevada. Barack Obama, qui en avait fait un argument de campagne en 2008, et les élus démocrates locaux ont tout fait pour le bloquer jusque-là. Mais ils n'ont plus la majorité au Congrès.

Séisme et infiltration d'eau, deux risques majeurs

Début octobre, la Commission en charge du nucléaire (NRC) a ouvert à la consultation une partie d'un rapport mis aux oubliettes depuis 2010. Sur 800 pages, il certifie que Yucca Mountain est un site parfaitement sûr. "Le site est exposé aux séismes", rétorque Marta Adams, l'une des représentantes du bureau du procureur général du Nevada, mobilisée de longue date contre ce projet. "Je suis allée à l'intérieur du tunnel expérimental déjà creusé et j'avais de l'eau jusqu'aux chevilles à certains endroits", témoigne de son côté Mary Olson, de l'organisation anti-nucléaire Nuclear Information and Resource Service, pour qui la sécurité de ce projet n'est que "pure fiction".

70 000 tonnes de déchets à haute valeur radioactive

Pour se rendre à Yucca Mountain, il faut quitter Las Vegas par le nord et rouler deux heures jusqu'à atteindre des montagnes désertiques. C'est là, dans ces sous-sols aussi utilisés pour tester des bombes nucléaires, que pourraient être stockées 70000 tonnes de déchets à haute valeur radioactive et de combustible usé, à 300 mètres sous terre.

Ce scénario diffère de celui imaginé en France avec le projet Cigéo sur un point crucial: "Les États-Unis ont fait le choix de stocker les combustibles usés directement. En France, ils sont retraités. L'une des conséquences est une diminution importante du volume à stocker. Par ailleurs, dans le projet français, il n'y a pas de matière fissile stockée, donc il n'y a pas de risque d'intrusion pour récupérer les matières à d'autres fins, par exemple le terrorisme", détaille Gérald Ouzounian, directeur international de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

L'ouverture de Yucca Mountain a initialement été prévue en 1998. Puis réenvisagée en 2017. Mais tous les travaux ont été officiellement stoppés en 2010. "Avec la nouvelle majorité républicaine au Congrès, dont deux élus ont déjà exigé un vote au Sénat sur ce dossier, le projet a des chances d'être relancé", confirme Everett Edmond, représentant du lobby pro-industrie nucléaire Nuclear Energy Institute.

Les déchets en attente s'accumulent

En attendant, les déchets sont entreposés dans 74 sites, le plus souvent à proximité des réacteurs où ils sont produits. "Nous avons par endroit l'équivalent de 30 ou 40 ans de déchets accumulés dans des piscines conçues pour durer cinq ou dix ans", s'alarme Mary Olson, qui n'hésite pas à parler de "Fukushima en puissance".

Cette situation à haut risque environnemental coûte par ailleurs très cher aux États-Unis. Car dans une loi de 1982, l'État s'est engagé à fournir une solution d'enfouissement aux opérateurs privés qui gèrent les réacteurs. Il collectait pour cela une redevance. Une cagnotte jamais utilisée et que les principaux groupes nucléaires sont allés réclamer devant la justice. Ils ont obtenu gain de cause, l'État pourrait leur rembourser jusqu'à 20 milliards de dollars.

Pour sortir de l'impasse, le ministère de l'Énergie a dessiné un plan de bataille qui remet tout à plat: depuis la nécessité d'établir de nouveaux critères de sécurité jusqu'à l'obligation de trancher la question du transport des déchets. L'idée d'un "lieu de stockage géologique permanent" est maintenue, avec une livraison envisagée pour 2048. Mais le nom de Yucca Mountain n'est pas cité. Et une nouvelle certitude est apparue: le processus de décision devra être basé sur le "consensus".