Traduction: Julie Lévesque pour Mondialisation.ca

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Les États-Unis sont sur le pied de guerre. Si un scénario de Troisième Guerre mondiale fait partie des plans du Pentagone depuis plus de dix ans, une action militaire contre la Russie est désormais envisagée au « niveau opérationnel ». De même, le Sénat et la Chambre des représentants ont présenté un projet de loi légitimant une guerre contre la Russie.

Il ne s'agit pas d'une « guerre froide ». Aucune des garanties de la guerre froide n'est en vigueur.

Il y a eu une rupture dans la diplomatie Est-Ouest, accompagnée d'une abondante propagande de guerre. Les Nations Unies ont pour leur part fermé les yeux sur de nombreux crimes de guerre commis par l'alliance militaire occidentale.

L'adoption d'un important projet de loi par la Chambre des représentants des États-Unis le 4 décembre (H. Res. 758) donnerait de facto (si elle est adoptée au Sénat) le feu vert au président et commandant en chef étasunien de lancer - sans approbation du Congrès - un processus de confrontation militaire avec la Russie.

La sécurité mondiale est en jeu. Ce vote historique, pouvant potentiellement affecter la vie de centaines de millions de personnes dans le monde, n'a reçu pratiquement aucune couverture médiatique. Il règne un silence médiatique total.

Le monde est à un carrefour dangereux. Moscou a réagi aux menaces des États-Unis et de l'OTAN. Ses frontières sont menacées.

Le 3 décembre, le ministère de la Défense de la Fédération de Russie a annoncé l'inauguration d'une nouvelle entité militaro-politique qui prendrait le relais en cas de guerre.
La Russie lance un nouveau centre de défense nationale, destiné à surveiller les menaces à la sécurité nationale en temps de paix, mais qui prendrait le contrôle de l'ensemble du pays en cas de guerre. (RT, le 3 décembre, 2014)
Chronologie des préparatifs de guerre

En mai 2014, la Loi sur la prévention d'une agression russe (Russian Aggression Prevention Act of 2014, RAPA ) a été présentée au Sénat des États-Unis (S 2277). Elle appelle à la militarisation de l'Europe de l'Est et des États baltes, ainsi qu'au stationnement de troupes des États-Unis et de l'OTAN aux portes de la Russie :
S.2277 - Loi sur la prévention d'une agression russe de 2014

Demande au président de : (1) mettre en œuvre un plan visant à augmenter l'appui des États-Unis et de l'OTAN aux forces armées de la Pologne, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, et d'autres membres de l'OTAN ; et (2) demande au représentant permanent des États-Unis auprès de l'OTAN de se pencher sur la possibilité de baser définitivement des forces de l'OTAN dans ces pays.

Demande au président de soumettre un plan au Congrès pour accélérer les efforts de défense antimissile de l'OTAN et de l'Europe.
Alors que la résolution S 2277 a été envoyée à la Commission des relations étrangères du Sénat pour examen, ses prémisses essentielles sont déjà mises en œuvre. À la mi-juillet, le commandant de l'OTAN en Europe, le général Philip Breedlove, en consultation avec le Pentagone et le ministère britannique de la Défense, a appelé à « stocker suffisamment d'armes, de munitions et autres approvisionnements sur une base militaire en Pologne afin de soutenir un déploiement rapide de milliers de soldats contre la Russie ». (RT, 24 juillet, 2014.)

Selon le général Breedlove, l'OTAN a besoin de « fournitures et de capacités pré-positionnées, et d'une base prête à accepter rapidement des forces de remplacement » :
« Il a l'intention de recommander la mise en place de fournitures - des armes, des munitions et des boîtes de rations - au quartier général pour permettre un afflux soudain de milliers de troupes de l'OTAN ». ( Times, 22 août 2014, c'est l'auteur qui souligne.)
Lors du Sommet de l'OTAN en septembre dernier au pays de Galles, Breedlove a réaffirmé son « scénario de guerre éclair », pouvant potentiellement conduire à une escalade militaire. Un soi-disant plan d'action de l'OTAN contre la Fédération de Russie a été mis sur pied et le Sommet du pays de Galles a donné le « feu vert » à une telle action.

À peine un mois plus tard, en Octobre, des exercices militaires des États-Unis et de l'OTAN ont eu lieu dans les États baltes. Au début novembre, une seconde série d'exercices a eu lieu à la fois dans les pays baltes et en Europe de l'Est.

Les exercices militaires de l'OTAN Épée de fer 2014, impliquant la participation de neuf pays membres de l'Alliance Atlantique, ont été lancés en Lituanie au début novembre dans le cadre de cette série de plus grande envergure :

« Des chars d'assaut étasuniens sont entrés en Lituanie au début du mois dans une démonstration de force à l'endroit de la Russie, une opération qui n'est pas la bienvenue dans la région. »

Les exercices militaires ont été explicitement dirigés à l'endroit de la Russie. Selon Moscou, ils consistaient à « augmenter la capacité opérationnelle » ainsi que le transfert de l'« infrastructure militaire de l'OTAN aux frontières russes ».

En réaction aux déploiements de l'OTAN aux frontières de la Russie, celle-ci a également mené au début novembre à d'importants jeux de guerre dans la mer de Barents. Les exercices russes consistaient à essayer « toute la triade nucléaire composée de bombardiers stratégiques, de sous-marins [et du] missile balistique intercontinental en silo Topol-M lancé à Plesetsk en oblast d'Arkhangelsk » le 1er novembre 2014.

La résolution H. Res. 758 de la Chambre des représentants des États-Unis

Le 18 novembre, une importante résolution, H. Res. 758, a été déposée à la Chambre des représentants. Son principal objectif consiste à dépeindre la Russie comme un « pays agresseur », qui a envahi l'Ukraine, et à appeler à une action militaire contre la Russie :

Vous pouvez regarder le discours en Chambre du Rep. Kinzinger sur la législation (en anglais)

H.RES.758 - considérant que lors de son entrée en fonction en 2009, le président Barack Obama a annoncé son intention de « réinitialiser » les relations avec la Fédération de Russie, décrite par l'ancien ambassadeur des États Unis ... (Présenté à la Chambre - IH)

HRES 758 IH

113e CONGRÈS

2e Session

H. RES. 758

Condamnant fermement les actions de la Fédération de Russie, sous la présidence de Vladimir Poutine, lequel a mené une politique d'agression contre des pays voisins dans le but de dominer sur les plans politique et économique.
(Le texte intégral de la résolution H. Res. 758 figure dans l'annexe à cet article)

H. Res. 758 accuse non seulement la Russie d'avoir envahi l'Ukraine, il invoque également l'article 5 du Traité de Washington, à savoir la doctrine de la sécurité collective de l'OTAN.
Une attaque contre un membre de l'Alliance atlantique est une attaque contre tous les membres de l'Alliance.
Le discours sous-jacent s'appuie sur une série d'accusations sans fondement contre de la Fédération de Russie. La résolution accuse la Russie d'avoir envahi l'Ukraine, affirme sans preuve que la Russie était derrière l'attentat du MH17 de Malaysia Airlines et accuse la Russie d'agression militaire.

Elle accuse par ailleurs ironiquement la Fédération de Russie d'avoir imposé des sanctions économiques non seulement à l'Ukraine, mais à la Géorgie, à la Moldavie, ainsi qu'à plusieurs États de l'Union européenne dont les noms ne sont pas mentionnés. La résolution accuse la Fédération de Russie d'avoir utilisé « l'approvisionnement énergétique à des fins de coercition politique et économique ».

Bref, si elle devenait une loi, la résolution 758 fournirait de facto le feu vert au président des États-Unis pour déclarer la guerre à la Fédération de Russie, sans l'autorisation formelle du Congrès étasunien.

À cet égard, elle pourrait être interprétée comme « légèrement inconstitutionnelle » en ce qu'elle contrevient à la substance de l'article 1, section 8, de la Constitution étasunienne conférant au Congrès « le pouvoir de déclarer la guerre [...] »

La résolution presse le président des États-Unis en consultation avec le Congrès étasunien à :
Procéder à un examen de la position de force, de la capacité opérationnelle et des responsabilités des forces armées des États-Unis et des forces des autres membres de l'OTAN afin de déterminer si les contributions et les actions de chacun sont suffisantes pour satisfaire aux obligations de la légitime défense collective en vertu de l'article 5 de Traité de l'Atlantique Nord et de préciser les mesures nécessaires pour remédier aux faiblesses.
Le paragraphe ci-dessus suggère que les États-Unis envisagent d'utiliser la doctrine de sécurité collective de l'OTAN en vertu de l'article 5 dans le but de déclencher un processus de confrontation militaire avec la Fédération de Russie.

La structure des alliances militaires est d'une importance cruciale. L'intention de Washington est d'isoler la Russie. L'article 5 est un mécanisme pratique imposé par les États-Unis sur l'Europe occidentale. Il oblige les États membres de l'OTAN, dont la plupart sont membres de l'Union européenne, à faire la guerre pour le compte de Washington.

Par ailleurs, un référendum sur l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN est envisagé. Si l'Ukraine devient membre de l'OTAN et/ou redéfinit son accord de sécurité avec l'OTAN, l'article 5 pourrait être invoqué pour justifier une guerre appuyée par l'OTAN contre la Russie.

« Adoption expéditive »

La vitesse à laquelle la résolution 758 de la Chambre des représentants a été adoptée est inhabituelle dans l'histoire du Congrès étasunien. La législation a été présentée le 18 novembre, on l'a précipitée à la commission des Affaires étrangères et rapidement retournée à la plénière de la Chambre pour le débat et l'adoption.

Deux semaines (16 jours) après avoir été présentée par le député Kinzinger (Illinois) le 18 novembre, la résolution a été adoptée lors d'un vote presque unanime dans la matinée du 4 décembre, par 411 voix contre 10.

Les membres du Congrès sont des marionnettes. Leur vote est contrôlé par les groupes de pression de Washington. Pour les entrepreneurs du secteur de la défense, Wall Street et les géants texans du pétrole, « la guerre est bonne pour les affaires ».

Pour reprendre les propos de Dennis Kucinich dans une lettre ouverte publiée le 2 décembre :
La résolution demande que l'on isole la Russie [...] Autrement dit: « Soyons prêts pour la guerre contre la Russie. »

C'est exactement le type de fanfaronnades qui a donné naissance à la guerre froide et mené à son escalade. Il est temps que nous exigions que les États-Unis favorisent la diplomatie au lieu des dépenses militaires accrues dans la quête de l'ordre international.
Silence médiatique

On s'attendrait à ce que cette décision historique fasse l'objet d'une vaste couverture médiatique.

Nous avons plutôt eu droit au silence médiatique.

Les médias du pays n'ont pas couvert le débat à la Chambre des représentants et l'adoption de la résolution 758 le 4 décembre.

Les grands médias avaient reçu l'ordre de ne pas couvrir la décision du Congrès.

Personne n'osait relever ses implications dramatiques, ses impacts sur la « sécurité mondiale ». « La Troisième Guerre mondiale ne fait pas les manchettes. »

Sans couverture médiatique concernant les préparatifs de guerre des États-Unis et de l'OTAN, le grand public ne connaît toujours pas l'importance de la décision du Congrès.

Passez le mot. Renversez la tendance guerrière.

Brisez le silence médiatique.