Egalement un point fort de ce papier paru novembre de l'année dernière : elle ne présente aucun conflit d'intérêt. Les auteurs sont même connus pour être des spécialistes de la restriction calorique et du jeûne intermittent en relation avec les maladies dites de civilisation (diabète, obésité, maladies cardiovasculaires, etc.). Dans cette étude, les auteurs mettent en relation l'évolution de la fréquence (1, 2, 3 repas ou plus) et du rythme (quand mange-t-on ? Le matin, le soir ?) de nos prises alimentaires avec l'évolution des grandes épidémies sanitaires modernes, l'obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires.
Le premier graphique de ce papier, que je vous ai représenté pour l'illustration de cet article, nous indique une forte association entre la prise calorique par jour, l'obésité et des facteurs de sédentarisation (les voitures et les foyers munis d'ordinateur).
Une association qui n'implique pas forcément une relation de cause à effet. Nous sommes d'accord. Il n'empêche que ces courbes sont parlantes, même très parlantes. Quelque part, le manque d'activité physique à cause d'une course à l'automobile et d'un confort de vie pervers, couplé avec une augmentation impressionnante de nos apports caloriques ne pourraient nous conduire que vers la dégradation de notre état de santé.
C'est bien ce que les auteurs constatent, comme tout le monde d'ailleurs. Fortement mis en cause par cette équipe de scientifiques, les aliments à haute densité calorique (comme les céréales raffinées, le sucre blanc, les huiles de cuissons ou le sirop de maïs riche en fructose) auraient permis, selon les auteurs, d'instaurer les fameux 3 repas par jour.
Mais quelle était la norme avant ces repas ?
D'après les auteurs, « pendant des millions d'années en absence de lumière artificielle, l'horloge circadienne ou journalière [...] a imposé des rythmes diurnes avec notamment [...] les cycles alimentation/jeûne ». Pour la plupart de nos ancêtres, « la nourriture était probablement peu abondante et principalement consommée durant les heures de la journée » avance les auteurs. Ils rajoutent que ce rythme « laissait de longue heures de jeûne pendant la nuit ».
Malheureusement, le développement des techniques et du langage aurait permis une meilleure acquisition de la nourriture, et un approvisionnement tout au long de l'année. Selon les auteurs de l'étude, « nos ancêtres agriculteurs ont adopté ce schéma alimentaire de 3 repas par jour car il devait probablement apporter des bénéfices sociaux et pratiques pour le travail journalier et les horaires des milieux scolaires. »
C'est exactement ce que je mentionnais dans mon article sur le jeûne intermittent, où j'y expliquais mon rythme actuel d'un jeûne de24h toutes les semaines. La société avait besoin d'horaires bien déterminés et il fallait donc y associer des repas pour homogénéiser ou standardiser cette organisation.
Il apparait clairement que notre système de prise alimentaire, basé sur des prises multiples de jour comme de nuit, n'est pas l'idéal pour le fonctionnement de notre organisme. Cette phrase est largement discutée dans cette étude publiée en Novembre 2014. Les auteurs listent les bénéfices d'un jeûne intermittent/restriction calorique sous 4 points :
- Les réponses adaptatives de l'organisme faces au stress
- La bioénergétique, avec l'effet de de la prise calorique sur de nombreuses maladies
- Sur l'inflammation
- L'amélioration de la réparation ou de l'élimination des organites ou des molécules endommagées.
Cette liste n'est pas exhaustive, mais montre bien, autant chez l'Homme que chez les modèles animaux, que la restriction calorique intermittente et le jeûne sont des moyens intéressants pour améliorer son état de santé.
- De nombreuses études ont montré qu'une restriction calorique intermittente protégeait les neurones contre les stress oxydatifs, métaboliques et protéotoxiques.
- Chez les modèles animaux, en cas d'infarctus du myocarde, la restriction calorique intermittente protège le cœur contre les dégâts ischémiques.
- Chez la souris et chez l'Homme, le jeûne en jour alterné stimule la production de différentes protéines neuro-protectrices et peut fortement augmenter la sensibilité à l'insuline.
- Les modèles animaux montrent de manière constante que la restriction calorique intermittente inhibe et même inverse la croissance de certaines tumeurs, comme les cancers des ovaires, du sein et les neuroblastomes.
- Plusieurs études ont montré que le jeûne peut diminuer les symptômes chez les patients atteints d'arthrite rhumatoïdes.
- La restriction calorique intermittente peut également contrer les effets des maladies auto-immunes, comme les scléroses multiples, les lupus érythémateux et le diabète de type 1.
- Finalement, une restriction énergétique chez le rat aurait montré une diminution de l'accumulation de protéines qui endommagent les organites et les cellules, ainsi qu'une augmentation de l'autophagie dans les parties périphériques, entraînant un « nettoyage » plus performant de l'organisme.
Alors, recommander le jeûne est-il possible ?
C'est bien évidemment la question que posent les auteurs : Arrivera-t-il un jour où les autorités sanitaire, les gouvernements et les professionnels de la santé recommanderont des formes de restriction calorique et de jeûne ?
L'équipe de Baltimore nous répond que cela pourrait arriver : si les preuves scientifiques favorables s'accumulent et si les forces en action (aussi législative que commerciale) jouent plutôt en faveur qu'en défaveur de telles recommandations. Ainsi les auteurs identifient les 3 forces qui auront un rôle clé dans la validation de ces modifications des prises alimentaires.
- Le point le plus important selon les auteurs demeure la « tradition culturelle ». Durant les 50 dernières années, la norme alimentaire est devenue le fameux 3 repas par jour plus des snacks.
- La deuxième force avec un rôle majeur est bien évidemment l'industrie agroalimentaire. Les auteurs incluent l'agriculture, les grossistes, les restaurateurs et toutes les sociétés qui ont des intérêts financiers à ce que l'on mange toujours plus. Ces acteurs pourraient fortement freiner une évolution des recommandations vers le jeûne et la restriction calorique.
- Finalement, ce sont bien les autorités sanitaires et les systèmes de santé qui devront, selon les auteurs, montrer leur « bonne volonté et capacité » à encourager l'amélioration des moyens et des techniques de prévention.
Patience, patience...
Au final, ce genre de publication de très haute qualité et sans conflit d'intérêt est très encourageante pour la suite et pour donner aux idées alternatives des bases scientifiques solides pour argumenter et défendre leurs positions. Quoi qu'il en soit, les comportements évoluent. Je ne peux que constater le nombre grandissant de nouveaux jeûneurs dans mon entourage ou non. Certains d'entre eux étaient pourtant très dubitatifs sur ce mode particulier de prise alimentaire.
Je profite de cet article pour vous inviter à découvrir l'ensemble de mes écrits sur le jeûne. Vous pourrez y lire des témoignages, des récits d'expériences, trouver des références scientifiques, des bienfaits pour la santé, etc., etc.
Références :
Mattson, M. P., Allison, D. B., Fontana, L., Harvie, M., Longo, V. D., Malaisse, W. J., ... & Panda, S. (2014). Meal frequency and timing in health and disease. Proceedings of the National Academy of Sciences, 111(47), 16647-16653.
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