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© AFP PHOTO / THOMAS SAMSONAction de militants de Greenpeace devant le siège du groupe coopératif agricole Invivo, le 13 mai 2015, à Paris, pour dénoncer les conséquences des pesticides sur la santé des agriculteurs
L'association Greenpeace a publié le 13 mai un rapport de synthèse sur la présence des pesticides dans la vie quotidienne des Français. Assourdissant silence au ministère de l'Écologie et au ministère de l'Agriculture dans un pays où les agriculteurs et les jardiniers amateurs en utilisent chaque année près de 80.000 tonnes, avec des répercussions qui peuvent être graves sur leur santé.

Pas étonnant qu'ils prennent une place de choix dans tous nos menus. Présence qui ne fait l'objet d'aucune vérification puisque seuls les produits bio sont étroitement contrôlés pour « mériter » leurs labels biologique français et européens. Pourtant, à en croire la lecture minutieuse des revues scientifiques à laquelle Greenpeace s'est livré pendant des mois, il y en a partout.

Dans les œufs et le lait on trouve des résidus d'insecticides. Ils sont présents dans les fruits de mer qui absorbent et retiennent dans leurs chairs les composés chimiques dispersés par les ruissellements provenant des zones agricoles côtières ainsi que ceux charriés par les fleuves et des rivières. Substances qui s'accumulent dans le corps humain. Phénomène inquiétant constaté chez les gros mangeurs de ces produits dont le sang en contient de grosses concentrations.

Évidemment, les fruits (notamment les pommes et le raisin) en contiennent de grandes quantités. Remarque identique pour les salades. Même respirer constitue à terme un risque car les molécules des pesticides, des herbicides et les fongicides se retrouvent souvent dans l'air que nous respirons, soulevées par le vent, y compris dans les villes.

Bien sûr les doses trouvées sont très rarement létales. Mais les scientifiques s'interrogent sur les effets du mélange entre tous ces produits, sur leurs responsabilités dans l'émergence de nombreux cancers et des maladies respiratoires. Entre autres. Mais comme le sujet est tabou et qu'il ne faut surtout pas fâcher les agriculteurs, il n'existe pas d'étude sur les effets de synergie qui peuvent se produire dans nos organismes, notamment dans le foie, les reins et le pancréas.

Déja 188 produits hors la loi

Pourtant, les Directives européennes ont interdit l'usage de nombreux produits phytosanitaires qui posaient problème. 188 depuis une quinzaine d'années ! Soit, on cite, parce que leur substance active ne correspond pas aux exigences d'innocuité toxicologiques et écotoxicologiques. Soit en raison du refus des sociétés phytosanitaires de déposer auprès de la Commission européenne un dossier complet ou les études complémentaires demandées.

L'interdiction doit ensuite être mise en vigueur « dans un délai raisonnable » par tous les pays membres de l'Union européenne. Le mot « raisonnable » n'étant pas clairement défini, l'usage de la roténone proscrite en 2008 (un exemple entre d'autres) est toujours toléré par la France pour traiter les pommiers, les pêchers, les cerisiers, la vigne et les pommes de terre. En raison de l'opposition de la FNSEA.

Parmi ceux qui ont, au moins officiellement, disparu : le lindane, le bromure de méthyl, la simazine, la strychnine, l'atrazine, le flurénol, l'amitraze ou le paraquat. Curieusement, certains de ces produits sont encore retrouvés dans des produits agricoles. Comme si certains agriculteurs écoulaient régulièrement des vieux stocks ou qu'ils s'en procuraient par des circuits parallèles (le bromure de méthyl pour la culture des fraises par exemple) dans des pays où ils ne sont pas interdits puisque dans la plupart des cas leur production se poursuit...

Il reste donc beaucoup de travail pour éliminer le recours aux pesticides les plus dangereux puisque la liste de pesticides autorisés par l'Union européenne comporte encore le nom de 211 molécules dont les effets sont parfois au moins aussi dangereux que celles qui ont été proscrites après des années de négociations. Ne reste plus qu'à suivre le conseil de Greenpeace à la fin de son rapport : éviter de vivre près des espaces de cultures intensives et manger bio.