Hôte de la Commission européenne des droits de l'homme (CEDH), le Conseil de l'Europe — dont l'Assemblée parlementaire avait déjà fustigé la surveillance de masse, a publié ces derniers jours un résumé des positions du Commissaire aux droits de l'homme (.pdf) sur la lutte contre le terrorisme et le respect des droits fondamentaux. Le Commissaire balaye les différentes stratégies mises en oeuvre par les états pour affronter le terrorisme, et l'impact qu'elles peuvent avoir sur les droits de l'homme.
Les boîtes noires mises en place en France par le projet de loi Renseignement y sont assez nettement visées, dans un passage consacré à la protection des données personnelles qui condamne l'utilisation d'algorithmes qui visent à détecter quelques individus suspects en interceptant les métadonnées d'une foule immense.
"La technologie de surveillance se développe à une vitesse à couper le souffle", constate le Commissaire, qui explique que les techniques utilisées consistent désormais à observer les "traces de données" laissées par l'activité des internautes, et à constituer d'importantes bases de données, publiques et privées, d'informations personnelles qui sont collectées par l'État, ou accessibles par l'État.
Violation de la vie privée et risque de discrimination
"Le stockage de quantités énormes de données personnelles dans des bases de sécurité sociale, médicales, de police, de tourisme, ou de "mode de vie" de consommateurs, construites par des entreprises spécialisées dans l'exploitation de données, est un sujet de grande inquiétude", écrit-il. "Combiner ces bases de données et les lier avec d'autres bases crée une image détaillée qui était autrefois inimaginable de nos vies et de nos centres d'intérêts, y compris des aspects financiers et médicaux, et des affiliations culturelles, religieuses et politiques".
Par exemple en France, les services de renseignement pourraient être tentés de détecter de terroristes potentiels en regardant entre autres informations à croiser qui se connecte sur des sites de prêches islamistes, ce qui est une intrusion dans la liberté de conscience. Pour le représentant du Conseil de l'Europe, le simple fait de pouvoir le faire présente un risque important de discriminer les individus en fonction de leur religion, ce qui est strictement interdit par la Convention européenne.
"Les tentatives d'identifier des incidents ou des cibles très rares depuis un ensemble très vaste de données sont mathématiquement certaines de résulter dans des nombres importants et inacceptables de "faux positifs" (identifier des gens innocents en tant que suspects) ou un nombre bas et inacceptable de "faux négatifs" (ne pas identifier de vrais criminels ou terroristes", prévient le protecteur des droits de l'homme. "La recherche étendue n'a pas démontré d'effet positif significatif sur la baisse du taux de crimes, et particulièrement pas pour les crimes liés au terrorisme, comme résultat de la rétention de données obligatoire".
Ce qui permettra, quand les technologies auront progressé, en particulier la biométrie et le domaine cybernétique en général, à un gouvernement réellement autoritaire (ce sera un totalitarisme beaucoup plus hypocrite que ce que l'on a connu par le passé, là aussi en se plaçant dans la continuité de ce que l'on observe aujourd'hui en matière de dictature soft par le contrôle social tentaculaire) d'avoir toutes les cartes en main pour savoir comment procéder et comment ne pas procéder.
Nous assistons seulement aux premiers tâtonnements dans le domaine des excès dits "sécuritaires". Si ce moment de l'histoire n'est pas accompagné d'une nécessaire prise de conscience, il est presque inévitable que cela conduise à une dérive de grande ampleur de type chinois en pire. Nous sommes déjà sur cette voie.
Aujourd'hui nous cherchons (prétendons chercher) les terroristes. Demain il sera très commode de pister les nouveaux juifs avec ces techniques, qu'ils soient musulmans, anti-système, radicaux, puis en suivant cette pente, les chômeurs, travailleurs au noir, immigrés de telle ou telle couleur, clandestins ou pas, pourquoi pas les communistes, les anarchistes, les fumeurs de hashich, les joueurs de casino, les membres d'associations spirituelles ou alternatives qualifiées de sectes, et d'une manière générale tous les marginaux, ceux qui ont des idées ou opinions différentes (pas Charlie, anti-capital, anti-sioniste, anti-immigration, anti tout ce que vous voulez), etc.etc. La seule limite étant la volonté de celui qui désigne ses ennemis.