Nous sommes confrontés quotidiennement à un flux incessant d'informations à traiter. Mais comment notre cerveau fait-il la différence entre ce qui doit absolument être conservé de façon définitive en mémoire et ce qui peut être oublié ? Une étude menée au Centre de Recherches du Cyclotron de l'Université de Liège (ULg) montre que le sommeil joue un rôle primordial dans la mémorisation à long terme des informations qui sont considérées comme importantes. Cette étude de neuroimagerie fonctionnelle, publiée cette semaine dans la revue Journal of Neuroscience, a été menée conjointement par Fabienne COLLETTE (FNRS, ULg) et Pierre MAQUET (FNRS, ULg), en collaboration avec Géraldine RAUCHS (INSERM, France).

Ces chercheurs ont administré à des participants volontaires une tâche de mémoire dans laquelle certains des mots présentés devaient être retenus pour un rappel ultérieur tandis que d'autres devaient être oubliés après quelques secondes. Après avoir été confronté à l'ensemble des mots, la moitié des sujets a pu dormir la nuit suivante tandis que les autres ont été privés de sommeil cette nuit-là. Ils ont ensuite été revus trois jours après l'apprentissage pour un test de mémoire portant sur l'ensemble des mots présentés.

Grâce à l'imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle, les chercheurs ont montré que l'activité du cerveau lors de la phase d'apprentissage permettait de déterminer le devenir des souvenirs après une nuit de sommeil. Ainsi l'hippocampe, une structure clé de la mémoire située en profondeur du lobe temporal, est plus actif lors de la phase d'apprentissage pour les mots à retenir comparés à ceux qui étaient à oublier, mais aussi pour les mots à retenir et qui ont été effectivement mémorisés comparés à ceux qui étaient à retenir mais qui ont été involontairement oubliés. Plus intéressant encore, cette activation de l'hippocampe n'est observée que chez les sujets autorisés à dormir après l'apprentissage.
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Protocole expérimental. a (gauche). Lors de la phase d’apprentissage (jour 1), les sujets voient apparaître successivement 100 mots à l’écran. Ils ont pour instruction de lire mentalement le mot. Chaque mot est ensuite suivi de la consigne "À retenir" ou "À oublier". b. Immédiatement après la phase d’apprentissage, les sujets sont soit autorisés à dormir durant la nuit suivante (groupe Sommeil) soit privés de sommeil durant cette même période (groupe Privation de sommeil). Tous les sujets sont "retestés" au moyen d’une épreuve de reconnaissance portant sur l’ensemble de mots présentés, 3 jours après l’apprentissage, soit après 2 nuits de récupération. Durant cette tâche (a, droite), les sujets doivent indiquer pour chaque mot présenté s’ils l’ont déjà vu ou non, peu importe la consigne (à retenir ou à oublier) donnée lors de l’apprentissage. Des acquisitions en imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle ont été réalisées lors de l’apprentissage et lors de la phase de reconnaissance.
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Régions cérébrales plus activées (1) pour les mots à retenir comparés aux mots à oublier (vert) et (2) pour les mots à retenir qui ont été effectivement mémorisés comparés à ceux qui étaient à retenir mais ont été involontairement oubliés (rouge) chez les sujets du groupe Sommeil, comparés aux sujets privés de sommeil. Les résultats sont présentés sur une coupe sagittale de cerveau au seuil statistique p<0.001
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Ces résultats montrent que l'activation hippocampique lors de la confrontation à des informations en provenance de l'environnement est un signal important indiquant à notre cerveau lesquelles, parmi ces informations, doivent être consolidées au cours du sommeil.

Publication:

Rauchs G., Feyers D., Landeau B., Bastin C., Luxen A., Maquet, P., Collette F. (2011). "Sleep contributes to the strengthening of some memories over others, depending on hippocampal activity at learning". Journal of Neuroscience, 31(7), 2563-2568. http://www.jneurosci.org/