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« Le prétendu droit d'intervention ne peut être envisagé que comme manifestation d'une politique de force qui , dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves » - Cour internationale de justice de La Haye en 1949.

« En l'an 1999 une bombe française, démocratique, civilisée s'abat sur la capitale d'un pays, Belgrade, avec lequel la France n'est pas en guerre. La France avait le choix pourtant : prendre parti pour une nation qui fut sa sœur d'armes en 14 et en 39, la Yougoslavie, condamner expressément le bellicisme américain, s'entremettre, négocier, jouer les médiateurs... La France a choisi de servir de valet d'armes de Clinton et de Albright. Quant aux Serbes, eux n'ont jamais eu le choix puisque la proposition de l'Otan était insultante et inacceptable : occupation de la Serbie, du Monténégro et du Kosovo. Ce même Otan déclenchera en boule de neige une catastrophe humanitaire à la fois chez les Kosovars, les Albanais et les Serbes. Accusateur, juge et bourreau, certes l'Otan ne faisait pas la guerre au peuple serbe mais au tyran Milosevic. Mais alors, pourquoi bombarder Pristina alors que le dit tyran n'y est pas ? ». Vladimir Volkoff à propos de la guerre du Kosovo - Paris1999.

Ainsi assistons-nous à « L'opération de désinformation Kosovo » (1) jugée par Volkoff la plus ambitieuse à avoir jamais été tentée.

Étudiant la désinformation depuis bientôt 20 ans, Volkoff propose de n'utiliser le mot « désinformation » que dans le cas d'une manipulation de l'opinion publique à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés tout en précisant que la désinformation peut s'exercer à propos de mensonges, mais ce n'est pas la notion de mensonge qui prime ; c'est la notion de manipulation de l'opinion publique où l'acquiescement de l'opinion débouche sur une psychose collective.

Arrivent ensuite les caisses de résonance que sont les organes qui propagent la désinformation : les médias principalement (et aujourd'hui : les réseaux sociaux). On peut désinformer à partir d'un mensonge comme à partir d'une vérité, un mélange vrai-faux fournissant généralement le support le plus efficace. Volkoff en 1999 prédit d'ailleurs que les choses iront en s'empirant puisque nous assistons à une double colonisation des médias de l'information : les annonceurs qui les colonisent et l'économie qui colonise le politique. Et pour finir, aucune opération de désinformation ne peut se dérouler sans diabolisation de l'adversaire.

L'Otan, la coalition et la manœuvre américaine autour des événements yougoslaves

Analyse de Samuel L. Blumenfeld dans Le Monde des 2-3 mai 1999 :
« La Russie est la cible privilégiée de l'Otan, car c'est non seulement le pays le plus grand du monde mais c'est celui qui détient les ressources naturelles les plus importantes de la planète. Sa faiblesse actuelle présente à l'Occident une occasion unique pour imposer son contrôle sur cet immense pays qui devra ensuite être fragmenté en des États mieux gouvernables... »

« Le bombardement de Belgrade fut la première salve dans cette nouvelle guerre mondiale dont le but premier est le démembrement de la nation la plus grande du monde. L'Otan espère accomplir ceci avec l'aide des Musulmans à l'intérieur de la fédération russe... raison supplémentaire d'appuyer les Musulmans contre les Serbes chrétiens... »
On peut poursuivre l'analyse ; Volkoff n'hésite pas, prophétique : « Une fois la Russie achetée à coups de milliards de dollars, morcelée, peut-être occupée, elle doit être mise en exploitation sauvage par les transnationales. » Poutine résistera à cette humiliation et au pillage des richesses. C'est bien là ce que l'Otan ne lui pardonne pas aujourd'hui et tous les médias dominants atlantistes, publics comme privés.

Un diplomate américain confiera à Volkoff à propos du projet européen de l'après guerre :
« Nous souhaitons que l'Europe se fasse mais qu'elle se fasse mal ».
Comme un fait exprès, Volkoff se manquera pas de remarquer que « plus l'Europe se dénationalise, plus elle fournit à l'Amérique une domesticité dévouée ». Et Volkoff de conclure en 1999 : "L'Amérique en plein épanouissement, ambitionnant de s'étendre à la planète entière ; l'Europe apparaît aujourd'hui comme mort-née ; et les divers pays européens comme suicidés dans leur souveraineté. Dans ce contexte, les Russes et leurs alliés en tête, qui ont l'impudence de résister (en 1999 il s'agissait des Yougoslaves serbes), doivent être mis hors d'état de nuire."

1 - Se reporter à Clap 36 à propos de son documentaire : Propagande de guerre, propagande de paix


Commentaire : Voici le-dit documentaire :



Volkoff était trop heureux de saluer en son temps le cynisme des USA durant la guerre froide : lutte contre le communisme oblige ! pour mieux déplorer dans son ouvrage sur la désinformation ce même cynisme à propos du conflit du Kosovo en particulier et de la Yougoslavie en général qui frappa de plein fouet les Serbes et leur allié russe et orthodoxe impuissant (les références culturelles de Volkoff), oublieux du fait suivant : le maître des lieux n'est pas pour ou contre, anti ou pro, il pense ce qu'il faut penser... il est ce qu'il faut être pour rester le maître des lieux en toutes circonstances.

Les USA introduisirent le Việt Minh en Indochine pour en chasser les Français ; ils feront la guerre en Corée puis au Vietnam une fois les Français hors jeu contre le communisme et son allié tantôt chinois, tantôt bolchévique...

Pro-communiste en Indochine, anti en Corée et au Vietnam, pro-orthodoxe contre l'URSS puis anti-orthodoxe contre la Russie une fois l'URSS vaincue...

Pro-islam en Europe (en Bosnie notamment, jusqu'à souhaiter l'entrée de la Turquie dans l'U.E), anti-islam au Moyen-Orient contre le Hamas ; pro-islam au côté de l'Arabie Saoudite ; anti à nouveau quand il s'agit de l'Iran...

Leçon amère pour Vladimir Volkoff donc, le russe orthodoxe anti-communiste « blousé » par les USA dont les analyses gardent néanmoins, dans son ouvrage écrit en 1999, toute sa pertinence à propos de la guerre en Yougoslavie, au Kosovo et des mécanismes de la désinformation ; analyses qui n'ont jamais été autant nécessaires aujourd'hui.