Commentaire : Criminalisation toute ! La pression s'accentue sur la population française. Petit à petit, avec la multiplication des épisodes répressifs, s'installe dans l'esprit du citoyen comme une présence permanente. Celle d'un État, entité toute-puissante, qui peut fondre à tout moment sur n'importe qui, n'importe comment, pour n'importe quel motif. Jusqu'à installer une peur diffuse et une auto-censure progressive des paroles, des actes et des comportements. Un rêve caressé sans aucun doute par l'ensemble de la classe politique, certes déviante mais terrorisée elle-aussi par tout ce qui pourrait lui ôter sa bien fragile légitimité.


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En condamnant huit salariés accusés de séquestration à des peines de prison ferme, fait inédit dans l'histoire des luttes syndicales des dernières décennies, le gouvernement a fait le choix de la confrontation sociale avec le monde du travail. Le parquet a ainsi maintenu les poursuites malgré le retrait des plaintes déposées par la direction de Goodyear suite à l'accord de sortie de crise signé le fin janvier 2014 avec les syndicats. L'objectif de ce coup de force politique est clairement d'intimider les salariés qui voudraient défendre leur outil de travail, enjeu crucial à l'heure où les « plans sociaux » se multiplient.

De fait, rarement un gouvernement se sera attaqué avec une telle énergie aux droits des salariés : démantèlement programmé du Code du Travail, cadeaux fiscaux au patronat avec le Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi, précarisation accrue des salariés avec l'Accord National Interprofessionnel, toujours moins de droits pour les salariés et plus de libertés pour les entreprises avec les deux lois Macron qui généralisent le travail du dimanche, facilitent le travail de nuit, réduisent les droits des victimes de licenciement économiques, privatisent le secteur du transport de voyageurs et des aéroports, dépénalisent du droit du travail et contribuent à faire de la France un véritable paradis fiscal pour les entreprises et un enfer social pour les salariés.

À l'inverse de ce qu'il en est pour les travailleurs en lutte, la classe politique semble bénéficier d'un droit protecteur : à l'heure où des salariés défendant leur outil de travail sont menacés de prison ferme, le sénateur Jean-Noël Guérini et le député socialiste Jean-David Ciot, poursuivis pour détournement de fonds publics, ont obtenu une relaxe. On savait la justice nettement plus clémente pour les cas d'illégalismes financiers mais la quasi-simultanéité des deux affaires a de quoi laisser perplexe...

Véritable cheville ouvrière d'un gouvernement totalement acquis aux intérêts de la finance et du patronat, Manuel Valls se distingue par une totale intransigeance vis-à-vis des débordements liés aux mouvements sociaux. En bon admirateur de Georges Clémenceau, briseur de grèves patenté et ennemi juré des syndicalistes, il n'avait pas hésité à fustiger violemment les salariés en lutte pour défendre leur emplois et leur salaires. Loin de comprendre la colère des employés d'Air France menacés de licenciement, Manuel Valls s'était contenté de traiter de « voyous » ceux qui avaient molesté les cadres de l'entreprise, prenant fait et cause pour la direction. Briseur de grèves et récidiviste : il y a tout juste un an, il avait déjà fait échouer un précédent mouvement social d'Air France en refusant la mise en place d'un médiateur déclarant que cette grève « insupportable » devait s'arrêter et s'en prenant à l' »attitude égoïste » des pilotes grévistes.

Dans ce contexte de casse sociale et de raréfaction des conflits sociaux, l'extrême sévérité du jugement à l'encontre des huit anciens salariés de l'usine Goodyear était prévisible : 24 mois de prison dont 9 fermes pour avoir séquestré sans violence en janvier 2014 deux cadres dirigeants de cette entreprise promise à la fermeture (le DRH et le directeur de la production). Rappelons que ces salariés ont lutté pendant 7 ans pour tenter d'éviter la fermeture d'un site industriel dont le groupe a fait 2,5 milliards de profit par an et qui a reversé 800 millions d'euros de dividendes l'année de la fermeture

Totalement à rebours des promesses de campagne du candidat Hollande qui, lors d'une visite sur le site d'Amiens entre les deux tours des primaires socialistes, s'était engagé à tout faire « pour éviter la fermeture de l'usine s'il était élu » et à traduire dans la loi la jurisprudence sanctionnant les licenciements dits « boursiers » dans des groupes bénéficiaires « sur le seul principe du rendement » (voir ici la vidéo), la politique du PS peut se résumer à une simple formule : « faible avec les durs, dur avec les faibles ».