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Le général Stanley McChrystal a démissionné l'an dernier suite à l'article publié par le magazine Rolling Stone. Crédits photo : © Kevin Lamarque / Reuters/REUTERS
Un général est soupçonné d'avoir manipulé psychologiquement des élus du Congrès pour obtenir plus de fonds dans la guerre en Afghanistan. Le Pentagone va ouvrir une enquête.

La manipulation psychologique employée en temps de guerre par l'Armée américaine contre l'ennemi a-t-elle été utilisée contre des élus du Congrès pour obtenir des centaines de millions de dollars supplémentaires en Afghanistan?

C'est ce que suggère le magazine Rolling Stone qui se fonde sur les révélations du colonel Michael Holmes, chef de l'une des cellules dites «PSYOPS» ou «Pyschological operation» déployées en Afghanistan. Le général David Petraeus, commandant des forces américaines sur place a pris suffisamment au sérieux cette affaire digne d'un roman de science-fiction pour ordonner une enquête. Il faut dire que le journaliste à l'origine du scoop est Michael Hastings, auteur du portrait du général Stanley McChrystal qui a conduit ce dernier à la démission l'an dernier.

Dans son article, le journaliste met en cause un général de corps d'armée, William Caldwell, le supérieur hiérarchique d'Holmes, qui selon lui aurait ordonné cette opération «illégalement» l'an dernier. Caldwell aurait demandé à Michael Holmes, de rassembler des dossiers sur des personnalités politiques. Parmi les cibles de ces techniques de propagande, l'ancien candidat à la présidentielle contre Barack Obama, John McCain, ainsi que d'autres sénateurs influents, Joe Lieberman, Al Franken, Jack Reed et Carl Levine, mais aussi le chef d'état-major interarmées Mike Mullen, le ministre allemand de l'Intérieur et l'ambassadeur tchèque en Afghanistan.

Jouer avec le cerveau des gens

Caldwell voulait savoir quel type d'informations «enfoncer dans le crâne» des sénateurs afin d'obtenir plus de fonds». La distinction est peut être ténue entre «l'information» que peuvent donner et obtenir des militaires sur des élus américains en visite sur le terrain et une possible «manipulation» psychologique, mais Holmes va plus loin: «Mon travail de psy-op est de jouer avec le cerveau des gens, afin d'amener l'ennemi à agir comme nous le souhaitons. Si on me demande d'utiliser ces capacités sur des sénateurs, on franchit la ligne rouge.» En théorie, ce n'est pas le rôle des officiers psychologues de l'Armée d'informer des élus du Congrès. Holmes affirme avoir résisté à la pression de Caldwell au delà de la rédaction de biographies complètes incluant les votes passés des sénateurs. Pour justifier son refus d'aller plus loin, il s'est fondé sur le Smith-Mundt Act, loi adoptée en 1948 interdisant l'usage contre son propre peuple de techniques de propagande de style soviétique.

Pour Rolling Stone, l'affaire montre « à quel point le commandement américain en Afghanistan est prêt à tout pour obtenir le soutien des dirigeants civils pour une une guerre de plus en plus impopulaire ». Si elle a vraiment été mise en pratique, la stratégie ressemble étrangement à du trafic d'influence.

Pas de preuves concrètes

Les méthodes d'influence psychologique sont, elles, largement pratiquées depuis la Seconde Guerre mondiale contre l'ennemi. Les exemples les plus connus sont l'amplification de bruits de chars par haut-parleur pour faire peur à l'Armée allemande ou encore la dispersion par avions de messages censés démoraliser les troupes ennemies en Corée du Nord et dans la Guerre du Golf. L'article ne donne pas de preuves concrètes de désinformation ou de manipulation des sénateurs, mais il raconte qu'après s'être plaint à la hiérarchie, Michael Holmes a fait l'objet d'une campagne de calomnie et d'un rapport disciplinaire. Il précise aussi qu'en janvier 2011, le commandement de Caldwell a demandé deux milliards de dollars supplémentaires à l'Administration Obama pour former 70.000 troupes afghanes et que l'un des plus fervents défenseurs de cette initiative n'était autre que Carl Levine, l'une des «cibles», reçu à plusieurs reprises par le même Caldwell et ses agents «PSYOPS» en Afghanistan.