À défaut de pouvoir examiner des centaines de vraies comètes, des scientifiques en fabriquent en laboratoire pour étudier ce qu'elles ont dans le ventre. Une équipe, qui avait déjà découvert des « briques moléculaires » dans une comète artificielle, vient de détecter du ribose, constituant clé de l'ARN et de l'ADN. « Un argument supplémentaire à la théorie des comètes comme source de molécules organiques qui ont rendu la vie possible sur Terre. »
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Un large éventail de matière organique a été identifié au sein de la nébuleuse d’Orion – fameuse région de formation d’étoiles à environ 1.400 années-lumière de la Terre – sondée par les télescopes spatiaux Herschel et Spitzer : formaldéhyde, méthanol, diméthyle éther, cyanure d’hydrogène, oxyde de soufre, dioxyde de soufre, eau. Ces molécules peuvent être à l'origine d'une chimie menant à des composés plus complexes, comme les alcools, les sucres ou les acides aminés. Esa, Hexos, HIFI Consortium


Comment la vie est-elle apparue sur Terre ? Nombreux sont les scientifiques à mener l'enquête pour tenter de reconstituer ce qui a pu se passer, il y a environ 4 milliards d'années, juste avant que les premières formes de vie ne colonisent ce monde. Parmi les scénarios envisagés, celui de la panspermie, du moins à l'échelle moléculaire, retient l'attention des chercheurs.

L'idée est que les ingrédients de base de la chimie de la vie, c'est-à-dire les molécules organiques, comme les acides aminés, les sucres et autres hydrocarbures, proviennent de matière extraterrestre, apportée par des comètes, des astéroïdes ou encore des poussières (les micrométéorites représentent aujourd'hui 10.000 tonnes par an). Ces corps furent légion à pilonner les jeunes planètes en ces temps troublés du jeune Système solaire. Un bombardement massif tardif soupçonné aussi, d'ailleurs, d'avoir apporté une partie de l'eau de nos océans et celle que l'on boit aujourd'hui (l'origine de l'eau terrestre est toujours discutée).

Les comètes portent les ingrédients du Système solaire primitif

C'est pour ces raisons, entre autres, que les chercheurs ont très à cœur de rendre visite aux noyaux cométaires. Agrégats de glaces et de poussières, ces corps sombres qui croisent, pour la plupart (elles sont des dizaines de milliards), dans les régions les plus reculées du Système solaire, sont considérés comme de véritables fossiles. En effet, ils ont en quelque sorte échantillonné et conservé la matière de la nébuleuse primitive au centre de laquelle se sont développés le Soleil et ses planètes. Quoi de mieux donc que de pouvoir se rendre sur place pour renifler les molécules organiques ? Six missions ont déjà tenté l'aventure, non sans difficultés. La dernière en date, Rosetta (toujours en cours), est un très beau succès en dépit des péripéties de son atterrisseur Philae. Certes, il n'a pas pu faire tout ce qu'il aurait voulu (comme forer le sol et travailler durant des semaines), mais il a dérobé, en presque trois jours, de précieuses informations sur le sol.

En attendant d'autres Rosetta (dont le nom fait référence à la fameuse pierre de Rosette), des missions coûteuses qui peuvent être très longues, plusieurs laboratoires s'essaient à la cuisine cosmochimique : fabriquer des minicomètes comparables à celles que l'on connaît, pour étudier ce qu'il peut s'y produire, selon les conditions auxquelles elles sont soumises.

Tous les ingrédients prébiotiques sont réunis

Dans un article qui vient de paraître dans la revue Science, une équipe internationale raconte comment le ribose, sucre à la base de l'ARN (c'est le « R » de cet acronyme, donc le « ribo » d'acide ribonucléique) et de l'ADN (acide désoxyribonucléique), est apparu au sein d'un exemple artificiel créé dans des conditions réalistes. Jamais cette molécule n'a été détectée dans une véritable comète ou un astéroïde, mais l'expérience montre que c'est possible.

Pour faire une microcomète factice, les chercheurs de l'Institut d'astrophysique spatiale ont réuni dans une chambre à vide à - 200 °C les ingrédients suivants : de l'eau (H2O), du méthanol (CH3OH) et de l'ammoniac (NH3), pour simuler la formation de grains de poussières enrobés de glaces. Ensuite, cette matière première a été irradiée d'ultraviolets (UV), à l'image de ce que l'on peut observer, ailleurs, dans des « nébuleuses où se forment ces grains ». Et enfin, le périple autour du Soleil a été reproduit en modifiant la température de l'environnement.

« Sa composition a ensuite été analysée à l'Institut de chimie de Nice grâce à l'optimisation d'une technique très sensible et très précise (la chromatographie multidimensionnelle en phase gazeuse, couplée à la spectrométrie de masse à temps de vol) », explique le CNRS dans son communiqué de presse. Résultat : « Plusieurs sucres ont été détectés, parmi lesquels le ribose. Leur diversité et leurs abondances relatives suggèrent qu'ils ont été formés à partir de formaldéhyde ». Or, le formaldéhyde (CH2O), créé à partir de méthanol et d'eau, et aussi plusieurs macromolécules sont observés dans les nébuleuses où de nouvelles étoiles sont en train de naître, comme celles d'Orion.

« [...] Cette découverte complète la liste des "briques moléculaires" de la vie qui peuvent être formées dans la glace interstellaire. Elle apporte un argument supplémentaire à la théorie des comètes comme source de molécules organiques qui ont rendu la vie possible sur Terre... et peut-être ailleurs dans l'Univers », conclut le CNRS.