astéroïde
Le 15 février 2013, un astéroïde de 7000 tonnes faisait 1.600 blessés à Tcheliabinsk, en Sibérie
Des dizaines de milliers de corps célestes frôlent régulièrement notre planète. Les astronomes les suivent de près, pour éviter que l'espèce humaine ne connaisse le même sort que les dinosaures.

C'était le 15 février 2013. Ce jour-là, par une pure coïncidence, deux rochers venus des profondeurs de l'espace - des astéroïdes - foncent en direction de la Terre. Le plus gros des deux, baptisé 2012-DA14 (parce qu'il avait été détecté un an plus tôt, en février 2012) frôle notre planète à 27.000 km de distance, l'épaisseur d'un cheveu à l'aune du système solaire. Mais l'autre, qu'aucun télescope ni radar n'avait détecté, embrase le ciel de Sibérie, non loin de la ville de Tcheliabinsk. Heureusement, il était beaucoup plus petit : seulement 17 mètres de diamètre pour 7.000 tonnes (contre 45 mètres et 135.000 tonnes pour 2012-DA14). Traversant l'atmosphère à la vitesse de 18 kilomètres par seconde (65.000 km/h), l'astéroïde provoque en explosant en vol un effet de souffle égal à 20 fois celui de la bombe d'Hiroshima. Des immeubles s'effondrent et des dizaines de milliers de mètres carrés de vitres volent en éclat, faisant 1.600 blessés.

Le risque de voir le ciel nous « tomber sur la tête » n'est pas qu'un fantasme hollywoodien. Il est même très réel : un bébé naissant aujourd'hui a statistiquement plus de risques de mourir à cause d'un tel événement astronomique que dans un accident d'avion, selon le physicien David Deutsch. L'« Asteroid Day », dont la deuxième édition aura lieu jeudi, rappellera notamment ce message trop peu entendu des pouvoirs publics et de la société dans son ensemble. Comme l'astrophysicien Stephen Hawking l'a déclaré à l'occasion de cette journée mondiale :
« l'une des plus grandes menaces pesant sur toute forme de vie intelligente dans l'univers est la forte probabilité d'une collision entre un astéroïde et une planète habitable. »
Ces rochers mesurant de quelques dizaines de mètres à quelques kilomètres de diamètre, que leur orbite elliptique autour du Soleil amène à passer régulièrement dans les parages de la Terre, sont appelés des « géocroiseurs », ou « Neo » selon l'acronyme anglais de « Near Earth Objects ».
Formé à 80 % d'astéroïdes et 20 % de comètes, qui, à la différence des astéroïdes, émettent une longue traîne de gaz quand elles sont proches du Soleil, l'ensemble des géocroiseurs se compte en dizaines de milliers. Aux dernières nouvelles, la Nasa, qui publie toutes les statistiques disponibles, mises à jour en temps réel, sur le site neo.jpl.nasa.gov, en dénombre 14.471. Mais les astronomes estiment qu'ils n'ont catalogué que de 10 à 20 % des géocroiseurs, les autres n'ayant pas encore été détectés.
Des monstres aux géocroiseurs

Parmi les 14.471 identifiés à ce jour, 7.185 feraient plus de 140 mètres de diamètre et 873 plus d'un kilomètre. « Il y a quelques années, le Congrès américain a fixé comme objectif à la Nasa de détecter 90 % des géocroiseurs de plus de 140 mètres d'ici à 2020. Comme on le voit, avec seulement un peu plus de 7.000 objets au catalogue, on est encore loin du compte. Mais cette requête explique que l'Agence américaine ait développé de nombreux programmes d'observation dédiés et soit aujourd'hui à la source de la quasi-totalité des données concernant les géocroiseurs », explique l'astronome Christophe Bonnal, du Cnes.

Paradoxalement, les « monstres » de plus d'un kilomètre, dont l'impact aurait des conséquences apocalyptiques sur la biosphère et le devenir de l'espèce humaine, ne constituent pas le principal motif d'inquiétude des spécialistes. « Ce sont les plus visibles et l'on est certain de les avoir presque tous épinglés. Leur trajectoire est surveillée en permanence comme le lait sur le feu », poursuit Christophe Bonnal.

Mais les géocroiseurs plus petits, qui sont aussi beaucoup plus nombreux, réfléchissent une moins grande quantité de lumière solaire et sont donc plus difficiles à détecter. D'autant qu'il existe dans le ciel, de jour comme de nuit, de nombreux cônes de non-visibilité, dûs aux positions relatives du géocroiseur et du Soleil : en ce cas, le bolide échappe aux télescopes comme aux radars militaires... jusqu'au feu d'artifice final signalant son entrée dans l'atmosphère. C'est ce qui s'est produit en février 2013 à Tcheliabinsk.

Le vent du boulet Apophis

La communauté scientifique n'a réellement pris conscience du danger qu'en 2004. Cette année-là, un astéroïde de 250 mètres, baptisé depuis « Apophis », a été détecté ; les premiers calculs de trajectoire ont montré une probabilité élevée ( 1 chance sur 37) que ce poids lourd percute la Terre le 13 avril 2029 - qui se trouve être un vendredi de Pâques, ce qui a aussitôt rallumé la flamme des prophètes de malheur prédisant l'Apocalypse. Ces premiers calculs, comme souvent, étaient rendus inexacts par les imprécisions des observations initiales, comme l'estimation de sa distance, de sa vitesse, etc. Quand tous les télescopes ont été braqués sur lui et que les observations ont été multipliées et affinées, les nouveaux calculs orbitaux ont définitivement conjuré le danger du 13 avril 2029. Mais, pendant un bref instant, la Terre a senti le vent du boulet...

Pour classer les géocroiseurs en fonction de leur dangerosité potentielle, les scientifiques ont élaboré une échelle dite « de Turin », classant les risques de 0 (minimal) à 10 (maximal). Ce classique diagramme d'analyse du risque croise la probabilité d'une collision (en abscisse) avec ses conséquences éventuelles (l'énergie cinétique de l'astéroïde, fonction de sa taille, en ordonnée). Tant que les calculs n'avaient pas été refaits, Apophis s'est trouvé au niveau 4 sur l'échelle de Turin, un record encore inégalé à ce jour.

A l'heure actuelle, aucun géocroiseur n'est haut placé sur cette échelle. Mais cela peut bouger à tout moment. Et cela ne veut pas dire que tout danger est écarté. S'il ne percutera pas la Terre en 2029, Apophis, indiquent les données de la Nasa, présente 12 impacts potentiels entre 2060 et 2105, mais avec une probabilité cumulée bien moindre - de 10-5, soit 1 chance sur 100.000. Ce qui n'est tout de même pas négligeable, si on la rapporte, par exemple, à celle de gagner au Loto...

Face à cette menace, les experts des agences spatiales ont imaginé tout un panel de solutions pour dévier ou détruire un caillou un peu trop menaçant (lire ci-dessous). Toutes ont été étudiées, mais aucune n'est encore livrable « clefs en main » en cas d'urgence...