PARIS - Moins répandu mais plus restrictif que l'alimentation végétarienne, le régime végétalien, qui exclut tout produit d'origine animale, expose à un risque important de carences, plus sensible encore chez les enfants.

Un couple de végétaliens est jugé cette semaine à Amiens après le décès, apparemment lié à son régime alimentaire, de leur fillette de 11 mois.

Une alimentation exclusivement végétalienne (sans oeufs ni produits laitiers) conduit inévitablement, dans la durée, à des carences multiples, et nécessite une supplémentation, mettent en garde des spécialistes de la nutrition interrogés par l'AFP.

Ils la proscrivent chez l'enfant, dont la croissance entraîne des besoins proportionnellement plus importants en protéines, vitamines et minéraux, et la femme enceinte.

"Il faut savoir que sur le long terme, on n'est pas fait pour ça", indique le nutritionniste Patrick Serog, soulignant que "nous sommes des omnivores". "Inexorablement, après plusieurs années de régime comme ça, on aura des carences assez profondes. Et il faudra des supplémentations". En fer, en calcium, vitamine B12, vitamine A, vitamine D, zinc...

L'apport en protéines peut être suffisant, à condition de bien connaître la complémentarité entre les protéines végétales et de veiller à bien mélanger les céréales et les légumineuses (lentilles, fèves, pois chiches...).

La difficulté est de gérer le long terme et la monotonie. Au fil du temps, on peut craindre "un petit déficit en certains acides aminés", précise le Dr Serog.

"Comme tous les régimes d'exclusion d'aliments, c'est un régime très difficile à équilibrer", souligne pour sa part la diététicienne Anne Marie Adine, co-auteur de "Les régimes font maigrir ou grossir ?".

Mais le vrai danger, estiment les spécialistes, concerne les enfants, et surtout les nourrissons.

Quand on exclut tout produit d'origine animale, une carence en vitamine B12 est inévitable, "puisque la vitamine B12 n'existe que dans les produits d'origine animale", souligne Patrick Tounian, responsable de l'unité de nutrition pédiatrique de l'hôpital Armand-Trousseau (Paris).

Or l'enfant, contrairement à l'adulte, n'a pas de réserve en vitamine B12. Si la mère est végétalienne depuis plusieurs années, il naît carencé et la carence s'accentue lorsqu'il est allaité.

"Très rapidement il peut faire des complications", souligne le Pr Tounian.

La vitamine B12 est en effet nécessaire à la fabrication des globules blancs et rouges et des plaquettes. Si l'enfant n'a pas assez de globules blancs, il fait des infections plus facilement, s'il n'a pas assez de globules rouges, il est anémique, fatigué, et un défaut de plaquettes provoque des saignements.

Au tableau d'une carence en vitamine B12, le médecin ajoute "des anomalies neurologiques sous forme de paralysies". Des complications "rares mais très sévères".

Il met aussi en garde contre les carences en fer (augmentant la susceptibilité aux infections), en calcium (l'enfant a des besoins très importants) ou encore en zinc (qui intervient contre les infections).

En apport en fer, "100 g de viande de boeuf, c'est l'équivalent de 1,25 kilo de lentilles et de deux kilos d'épinards", précise le Pr Tounian.

Pour les plus petits, il recommande d'éviter les substituts du lait à base de végétaux ("lait de riz", "lait d'amande", "lait de noisette"), "qui ne sont pas officiellement destinés aux nourrissons et qui sont fortement carencés, notamment en fer et en calcium".

Il y a une alternative possible avec les "préparations infantiles à base de protéines de soja ou de riz, dont la composition est conforme à la réglementation européenne", précise-t-il.