black holes
© SXS, the Simulating eXtreme Spacetimes (SXS) projectCapture d'écran d'une simulation de fusion de trous noirs.
Pour la cinquième fois, les chercheurs ont saisi les petits soubresauts de l'espace-temps qui nous traversent de temps à autre quand des événements extrêmement énergétiques surviennent dans l'univers. Il s'agit encore une fois d'une fusion de trous noirs.

Cela ne fait que deux ans que les chercheurs de la collaboration internationale LIGO-Virgo ont détecté les premières ondes gravitationnelles et l'on commence déjà à s'y habituer. Pour preuve, l'annonce mercredi d'une cinquième détection est passée relativement inaperçue (soumise à l'Astrophysical Journal Letters, prépubliée sur le site arXiv). Cette science, pourtant nouvelle et enthousiasmante, vient déjà de basculer dans une certaine forme de «banalité».

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© LIGO/VIRGOLes cinq fusions de trous noirs détectées à ce jour par ondes gravitationnelles, ainsi qu'un sixième signal putatif en pointillé qui n'a pas pu être confirmé. La 5e détection, GW170608, correspond aux trous noirs de plus faibles masses
Si la quatrième détection, annoncée il y a un mois exactement, avait suscité un engouement extraordinaire, c'est avant tout parce que l'événement qui avait secoué l'espace-temps était la fusion de deux étoiles à neutrons. Et cet événement avait produit un feu d'artifice de lumières, depuis les ondes radio jusqu'aux rayons gamma en passant par le spectre visible, fournissant aux astronomes du monde entier un cas d'étude unique en son genre. Une nouvelle fenêtre s'ouvrait pour eux sur l'univers.

Cette fois-ci, c'est une nouvelle fusion de trous noirs, la quatrième, qui a donné naissance au signal détecté par les deux instruments LIGO installés aux États-Unis. Les deux trous noirs sont assez petits. Ils pèsent respectivement 7 et 12 fois la masse de notre Soleil, et sont situés à un milliard d'années-lumière environ. Leur fusion a donné naissance à un trou noir de 18 masses solaires, la masse manquante s'étant dissipée sous forme d'ondes gravitationnelles, ces vibrations très ténues de l'espace-temps qui nous ont traversés à la vitesse de la lumière.

Cet événement est similaire à celui qui avait été enregistré le 26 décembre 2015. Il a cette fois-ci été enregistré en juin 2017, peu avant que le détecteur européen Virgo ne soit pleinement opérationnel. C'est une des raisons pour lesquelles il a fallu un peu plus de temps aux chercheurs pour confirmer cette détection (l'un des détecteurs LIGO n'était par ailleurs pas en mode de détection automatique à cet instant ce qui a compliqué l'analyse). Deux autres événements survenus après cette date ont en effet déjà été confirmés: la première détection de l'européen Virgo, et la fameuse fusion d'étoiles à neutrons.

Il y a fort à parier pour que l'on n'entende plus parler de nouvelles détections d'ici l'automne prochain, quand les détecteurs LIGO et Virgo redémarreront après une nouvelle mise à niveau. Quelques phases de test ponctuelles pourraient donner lieu à des détections d'ici là, mais les probabilités sont minces. Après le redémarrage des deux détecteurs, les découvertes devraient en revanche s'accumuler à toute vitesse. Leur sensibilité accrue va multiplier leur périmètre de recherche. Peut-être d'un facteur 5 à 10. Ce seront des détections mensuelles, voire hebdomadaires, auxquelles il faudra s'attendre. De quoi banaliser un peu plus le phénomène pour le grand public...
Vers une statistique des ondes gravitationnelles

Mais pour les scientifiques, cette accumulation de données est extrêmement importante. L'astronomie moderne repose en effet beaucoup sur l'analyse statistique pour affiner les modèles d'évolution de l'univers par exemple. La détection des exoplanètes (3700 connues à ce jour !) a connu la même trajectoire. Chaque nouvelle observation ne fait plus les gros titres. Une détection un peu particulière peut néanmoins rappeler de temps à autre que la traque est loin d'être terminée.

Il en sera de même avec les ondes gravitationnelles. Les chercheurs sont toujours à l'affût de trois événements au moins : les ondes émises par une explosion d'étoiles ; la détection du «bruit de fond» gravitationnel, sorte de brouhaha cosmique formé par la superposition de toutes les fusions dans l'univers observable ; et enfin celles émises par la fusion de trous noirs supermassifs de plusieurs millions à milliards de masses solaires (mais il faudra d'autres méthodes de détection pour les déceler).