Le rédacteur en chef du mensuel Ruptures s'interroge sur les buts réels des sanctions contre Pyongyang. Inefficace, contre-productive, cette autre forme de guerre s'attaque selon lui avant tout à la souveraineté des États non-alignés à l'Occident.
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Revenant sur le dernier test en date de la Corée du Nord le 29 novembre 2017 - un missile balistique intercontinental Hwasong-15 présenté par Pyongyang comme capable d'atteindre le territoire des États-Unis - Pierre Lévy se propose de renverser la perspective et les questions que posent la crise géopolitique entre Corée du Nord et États-Unis.

Pour le rédacteur en chef du mensuel Ruptures, il n'y a pas de solution militaire au face-à-face entre Pyongyang et l'Occident. « L'aspect militaire serait la pire des perspectives », juge-t-il, dénonçant l'« extraordinaire arrogance » de Washington dans ce dossier. « Si certains veulent empêcher la Corée du Nord d'avoir l'arme nucléaire, ils devraient se poser la question de savoir pourquoi la République démocratique de Corée cherche un traité de paix [avec la Corée du Sud], mais que d'autres ne souhaitent pas », souligne Pierre Lévy, lequel s'interroge sur les buts réels des sanctions et des pressions occidentales sur Pyongyang.

« C'est une manière de guerre, les sanctions. On mène la guerre contre des pays, de manière plus "douce" », analyse-t-il, évoquant l'économie de marché et la libre circulation des marchandises et des capitaux comme condition indépassable et incontournable de l'appartenance à la communauté dite internationale, alias l'Occident sous leadership américain.

De fait, selon Pierre Lévy, ces mesures ont abouti à l'inverse du but escompté : malgré les sanctions et l'isolement, la Corée du Nord se dote bel et bien de l'arme nucléaire et la sécurité de la péninsule coréenne n'est toujours pas assurée. « Il est important de rappeler qu'au fond le crime que reprochent implicitement sans le dire les grandes puissances occidentales à la Corée du Nord, c'est de viser un développement par ses propres moyens, par ses propres forces », estime Pierre Lévy, ajoutant : « C'est un déni de souveraineté. »

Les promesses occidentales : des « chiffons de papier »
« Au fond, les États-Unis sont la première puissance nucléaire du monde [...] c'est même la seule puissance à avoir un jour utilisé l'arme nucléaire [en 1945 contre le Japon] et c'est eux qui se permettent d'être arrogants et agressifs contre un pays qui [...] veut se mettre à l'abri des agressions », note encore Pierre Lévy.

Pour aller vers la paix, le journaliste préconise que les États indépendants se voient reconnaître le droit de se défendre, au même titre que les grandes puissances nucléaires, officielles comme officieuses, notant que l'Inde, le Pakistan ou Israël n'étaient pas inquiétés malgré leur arsenal nucléaire ( non-officiel ). Et Pierre Lévy d'argumenter : « On peut comprendre que les dirigeants nord-coréens, surtout depuis les agressions contre la Libye et d'autres pays, puissent se dire que les belles promesses de non-intervention occidentales soient en réalité des chiffons de papier. »