Comment peut-on reprocher à une génération qui ne sait plus lire correctement des livres de ne pas saisir la dérision ou le second degré ? Ou qui ne comprend pas les intentions d'une phrase ? Qui y voit soit du racisme, du sexisme ou de l'homophobie ? Pierre Desproges était il y a trente-six un des humoristes préférés des français. Il ne respectait aucun tabou, tirait sur toutes les cibles, se moquait des bons sentiments.
derision
© Vuillemin
Il aurait procès sur procès de nos jours. Le présentateur d'une émission que ne regarde que les retraités et les « chômistes », Tex, a été viré après une blague que l'on trouve aussi dans un sketch de Coluche, une pas très fine, mais drôle au moins contrairement à de nombreux éditoriaux d'humoristes de France Inter, par exemple.


A chaque texte lui déplaisant, telle ou telle « communauté » judiciarise le rire, le porte en justice. Et l'aseptisation généralisée menace tout ce qui reste de l'humour français. Il faut voir qui en sont les vedettes en 2017 ! Avec cette mièvrerie métastasant tout le monde et partout naît aussi une autocensure de tous les instants chez de nombreux auteurs, par peur de ne plus passer dans les salles de spectacle ou sur les ondes.

Le bourgeois, l'oligarque, le bien-pensant ayant un bon magot en général et ce d'où qu'il parle déteste la dérision. Il lui préfère la littérature ou l'analyse politique « aux mains jointes ». Celle qui se met à genoux très rapidement, très docilement. Il aime la révérence qu'il pense nécessaire de lui porter. Il est convaincu d'être honorable faut-il avouer, à moins qu'il ne sache très bien être grotesque par ses prétentions insanes qu'il croit légitimes de par les privilèges matériels dont il dispose. Il favorise sa progéniture dans ces idées, l'encourage au masochisme mémoriel, au « citoyen », à adopter quelques alibis « équitables » ou « durables ».

Mais il est toujours le même que ses ascendants positivistes en habit noir. Rien n'a véritablement évolué. Il est toujours dans la même pudibonderie mêlée à la même hypocrisie morale qu'auparavant.

Il a il est vrai un peu changé depuis ses ancêtres « louisphilippards », des changements cosmétiques. Il va en salle de sports, il prend soin de son apparence, cultive son côté « coule » et moderne. Il se fait toujours pousser la barbe, entretenue soigneusement. Il a décidé que le gluten c'était le diâââble, que la cuisine populaire d'avant était un truc de ploucs aimant les graisses saturées. Il compte bientôt interdire la viande au petit peuple après lui avoir interdit la cigarette. Et s'il boit du vin, il faut bien entendu que là aussi, ce soit dans une perspective « citoyenne ». Il vit dans la certitude que cela suffit à cacher son comportement ridicule originel.

S'il n'aime pas la dérision c'est par peur de se faire moquer de lui, qu'on lui dise son fait, sa prétention, sa fatuité de nanti. Et puis il aime bien les certitudes, ça lui permet de ne pas trop avoir de scrupules en consommant biens et personnes...

Il a donc imposé dans la plupart des esprits et dans les médias un code de convenance. C'est une convenance qui se veut moderne et tolérante bien entendu, c'est pour notre bien, puisqu'on vous le dit ! Celui ou celle ne s'y pliant pas est très vite psychanalysé sauvagement, ou rejeté tout simplement. C'est du négativisme maladif la dérision affirme-t-il. Les esprits critiques ne sont que des esprits chagrins, des esprits méchants. Ils ne sont pas gentils, ils n'aiment pas la lueur de joie dans les yeux des n'enfants à Noël, ils n'aiment pas le regard tellement n'émouvant des petits z-oiseaux, des petits agneaux...

Le bourgeois se voulant pédagogue impose également un conformisme assez abject de comportements selon les périodes avec en parallèle un code de bonne conduite, de convenance là encore.

A Noël il est d'usage de faire risette à tous ceux qui habituellement vous snobent et qui continueront à vous snober après. Car c'est l'esprit de Noël, il convient d'être gentil et respectueux, de ne surtout pas dire ce que l'on n'a parfois au bout de la langue. Il ne faut pas choquer, pas scandaliser, encore moins mettre les pieds dans les plat. Ce ne serait pas convenable. Cela ne veut pas dire que l'on accepte plus la différence et le hors-norme, non c'est juste pour se sentir gêné et surtout ne pas culpabiliser.

Sic Transit Gloria Mundi, Amen