Regardez les projets qui se trouvent sur votre planche et demandez lesquels vous mettent le moins à l'aise. Vous constaterez que ces projets sont habituellement d'une valeur extraordinaire et que votre aversion est causée par le fait qu'ils sont difficiles, frustrants et ambigus. Bien que ces sentiments soient inconfortables, ils sont précisément ce qui rend certaines expériences précieuses.
Pensez également aux conversations que vous vouliez avoir au travail et à la maison. Ceux que vous détestez le plus sont probablement les plus importants. Il en va de même pour les projets de bricolage que vous évitez; les courriels laissés sans réponse dans votre boîte de réception; et les livres que vous vouliez lire, mais qui ont été trop intimidés pour commencer.
N'importe qui peut faire des tâches faciles, mais peu de gens veulent en faire qui les mettent mal à l'aise. En courant vers l'inconfort, au lieu de s'en éloigner, vous faites ce que les autres ne veulent pas - et en conséquence, vous créez une valeur unique. Cela vous donne une longueur d'avance sur les autres qui ne veulent pas faire le travail.
L'autre jour, j'ai terminé The Defiant Ones, une série documentaire en quatre parties sur l'ascension du Dr Dre et de Jimmy Iovine. Ce sont les deux producteurs renommés qui ont co-fondé Beats by Dre et qui dirigent maintenant Apple Music. Dans le documentaire, Jimmy raconte l'histoire fascinante de ses débuts. J'adore cette histoire.
Après avoir abandonné l'université, Iovine a décroché un job de nettoyage dans un studio de disques. Un jour de Pâques, il a été appelé au travail un jour de congé (l'autre nettoyeur était apparemment malade). Lorsqu'il est arrivé au studio, il s'est rendu compte que l'histoire de son collègue qui avait appelé pour dire qu'il était malade était une invention. Il n'a pas reçu l'appel pour pouvoir nettoyer, assis dans le studio il y avait John Lennon. Son patron l'avait appelé pour voir s'il viendrait un week-end de vacances. Iovine a contribué à la production de cet album et plus tard, il a produit des albums de Bruce Springsteen, Lady Gaga, U2, Gwen Stefani et d'innombrables autres.
Quelque chose qu'Iovine m'a dit dans le documentaire m'a marqué: lorsque vous dépassez vos inconforts et vos peurs, votre peur finit par devenir un vent dans le dos plutôt qu'un vent de face. Il vous propulse vers l'avant dans votre quête, jusqu'à ce que vous finissiez par vous retrouver éventuellement face à cette gêne. Vous faites les choses difficiles, vous produisez plus de valeur et, au bout du compte, vous accomplissez plus parce que vous faites ce que tout le monde évite.
Ray Dalio fait écho à cette même idée dans son livre, Principles (que j'ai écrit la semaine dernière). Au lieu d'être frustré et accablé par la douleur et l'inconfort, il a commencé à percevoir ces sentiments comme "le rappel de la nature qu'il y a quelque chose d'important à apprendre". Il poursuit en appelant la réflexion sur la douleur et l'inconfort, l'habitude la plus précieuse qu'il a acquise.
Chasser l'inconfort, la douleur et la peur peut finir par devenir l'habitude la plus importante que vous prenez. C'est un signe que vous êtes en présence de quelque chose d'important.
Chris Bailey
Lorsque j'ai obtenu mon diplôme universitaire il y a quelque temps, j'ai reçu quelques offres d'emploi à temps plein, mais j'ai décidé de les refuser pour consacrer une année entière de ma vie à explorer ma passion bizarre: la productivité. Pendant une année entière, j'ai tout fait pour devenir plus productif. Cela comprenait des douzaines d'expériences de productivité sur moi-même, comme vivre en isolement total pendant 10 jours, n'utiliser mon smartphone qu'une heure par jour, me réveiller à 5h30 tous les matins et travailler 90 heures par semaine. Aujourd'hui, je suis en mission pour partager mon approche plus humaine de la productivité sur ce blog, dans mes conférences et dans mon livre The Productivity Project.
Encore une ode à la mise en compétition des individus, au nom du "développement personnel".
"L'autre jour, (...) une série documentaire en quatre parties sur l'ascension du Dr Dre et de Jimmy Iovine. Ce sont les deux producteurs renommés qui ont co-fondé Beats by Dre et qui dirigent maintenant Apple Music. (...) J'adore cette histoire. "
Cool. Adorons les avatars de la réussite super-compétitive à la Steve Jobs. Un individu sur un milliard pourra réussir en allant sur cette voie, mais l'essentiel c'est bien de mettre tout le onde en compétition... Même si cela signifie mettre des milliards de gens conditionnés par ce discours en échec... au nom de la "victoire sur l'inconfort". Vaincre l'inconfort ce n'est pas, dans ce cas, se dépasser soi-même. C'est se dénier soi-même, vivre dans un désir de reconnaissance tout à fait illusoire et néfaste au monde (les beats de Dre et les iphone de Jobs et co ont vraiment illuminé l'humanité moderne ?).
"Après avoir abandonné l'université, Iovine a décroché un job de nettoyage dans un studio de disques."
Cette nuit j'ai rêvé que je décrochais un travail de ménage dans un magasin (note : je suis un homme). Cela me rendait content car je suis au chômage depuis fort longtemps, bien qu'en réalité mon handicap m'interdit ce genre de travail de toute façon (je ne tiendrais pas deux semaines). La réalité est que nous sommes bien peu à pouvoir prétendre atteindre une quelconque forme de réussite sociale ou encore de notoriété dans le monde profondément malade dans lequel nous vivons, et que de toute façon, cette réussite n'est même pas souhaitable. Réussir dans cette société, c'est avoir échoué humainement.
Il est vrai, sur une autre note, que se dépasser soi-même est positif et constructif, à condition de se respecter. Atteindre ses limites, éventuellement les dépasser, mais pour ensuite revenir à soi et non se perdre dans une fuite en avant, poussé par "le vent dans le dos". Se découvrir, s'accomplir, chercher et explorer ses limites mais sans forcément vivre à l'extérieur de ces limites, ce qui devient dangereux et littéralement pathologique, une fuite de soi.
Ayant une vocation d'artiste, artiste raté selon les critères de la société postmoderne, j'ai fini par comprendre après des décennies que ma quête de reconnaissance à travers la publication était d'une absolue vanité. Certes, s'exposer à un public par le biais de son oeuvre forcément critiquable car personnelle est un effort de dépassement de soi, mais cet effort est perturbé, perverti par la poursuite d'une reconnaissance où l'impulsion socialisante, la volonté d'exister dans le groupe humain sont instrumentalisés par la société marchande qui ne veut pas des artistes, mais seulement des producteurs d'oeuvres... Des fabricants de best sellers, de disques d'or, etc. Le talent n'a pas grand chose à faire là-dedans, ni l'inspiration. Tout n'est, en effet, que travail et qu'inconfort, d'où le fait que les admirateurs de Jobs et compagnie valorisent stupidement cet inconfort. On ne parle pas de l'inconfort extrême de l'artiste, souvent torturé par son travail de création, extrêmement exigeant, parfois violent et même douloureux psychiquement et physiquement. Travail qui n'est que de plus en plus rarement voué à une véritable réussite artistique, à l'inverse de ce que l'on peut avoir tendance à croire, dans un monde où l'édition et la production (musicale, livresque, picturale, etc.) est saturée et soumise aux exigences d'un marché qui ne s'intéresse qu'à la valeur marchande d'un travail, et rarement à sa valeur artistique, humaine, ou autre. Quand de plus en plus de gens sont affichés dans les galeries et de plus en plus d'auteurs publiés par des sous-maisons d'éditions, parce que tout le monde s'est transformé en marchand d'oeuvres (y compris les nombreux sites sur internet qui publient sans même les considérer des centaines d'oeuvres chaque jour), c'est qu'en réalité, de moins en moins d'art est accompli. Alors on nous vante les producteurs, les super-vendeurs d'"art" comme ceux qui sont cités dans cet article, car il n'y a plus que ces fabricants à la chaîne qui sont aujourd'hui en situation de réussir, de présenter une fausse image d'accomplissement. Il n'y a qu'à voir le niveau de l'immense majorité des gens présentés aujourd'hui comme artistes qui sont soit des communicants, soit des esclaves de la société du divertissement, soit en effet des vendeurs d'esclaves dont on ne dit pas le nom, mais qu'on ne cesse de présenter comme de lumineux exemples de réussite. Et il faudrait faire comme eux, surmonter son inconfort et conquérir les habiletés qui permettent de dominer ce marché, au lieu de déployer son humanité, ses qualités, son véritable talent...
Ceci est parfaitement résumé dans cette phrase :
" Vous faites les choses difficiles, vous produisez plus de valeur (...)"
C'est bien aujourd'hui la valeur, qui est mise en avant. C'est à dire ce qui vaut, non pas humainement ou artistiquement, ou du point de vue de l'intérêt supérieur d'une invention, mais en terme purement marchand, où l'humain ne servira que comme visage avenant pour justifier cette ignominie.
Produire de la valeur.
Peut-on dire les choses plus crument pour dévoiler ce qui est vraiment derrière ce projet "positiviste" ? Une belle arnaque et une saloperie de manipulation des masses accros à leurs smartphones sur lesquels on vend ces artistes esclaves du système et leur travail entièrement formaté pour ces masses abruties et embrigadées...
Pareil pour les vendeurs de sagesse et de pseudo-spiritualité new age, cela ne servant qu'à fabriquer une religion absolument inepte pour justifier tout cela, vendre du sourire bon marché et faire passer cela pour de la sagesse et de l'esprit... Méthodes de coaching de bas étage qui trouvent là aussi leur meilleure expression dans les "ressources humaines" des entreprises où l'on exploite bassement la force de travail des gens, jusqu'au burn out. Cette "spiritualité" est vraiment celle que mérite la société de divertissement, de consommation et d'exploitation moderne. Une religion entièrement à son service après-vente.
N'écoutez pas ces fous et ces idiots. Apprenez à vous dépasser vous-mêmes, non pas pour devenir un agent Smith de plus (version sourire de façade, comme il se doit pour faire illusion, un masque de réussite et d'intégration), mais pour découvrir les trésors en vous, y compris votre part d'ombre, qui est celle qui, sans doute possible, suscite le plus d'inconfort. Apprivoisez-la, faites en une force non pas compétitive ou pour écraser les autres ou votre propre faiblesse, mais pour vous reconnaitre vous-même pour ne pas avoir à quêter aussi pathologiquement la reconnaissance d'autrui. Vous grandirez et vous accomplirez bien plus qu'en rêvant devenir le prochain Steve Jobs, super-prédateur de masse.