dancing airstrike damascus
© FB / Rosa GuimarãesDamascènes dansant dans les rues après que l'armée syrienne a repoussé une tentative de bombardement occidentale.
C'est un triste jour pour les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et Israël. Ils ont perdu leur guerre de terreur par procuration en Syrie, et cette dernière manœuvre était une tentative désespérée de sauver la face.

On était bien loin du Shock and Awe (Choc et Stupeur), mais ces frappes étaient néanmoins illégales et inconsidérées. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont produit une « démonstration de force conjointe en Syrie dans la nuit du 14 avril, après une semaine tendue au cours de laquelle les menaces occidentales de bombardement de la Syrie en guise de « punition » pour l'utilisation présumée d'armes chimiques par le gouvernement syrien contre des civils à Douma avaient suscité des interrogations chez un grand nombre de gens : comment la Russie réagirait-elle, et cela déclencherait-il la « Troisième guerre mondiale » ?

Cette fois-ci, la mission déclarée était de « détruire l'infrastructure de recherches chimiques d'Assad , via une frappe militaire équivalant à 103 missiles de croisière - presque deux fois plus que les 59 missiles de croisière lancés par les États-Unis sur la base aérienne de Shayrat il y a presque exactement un an - et ciblant principalement des bâtiments et des aérodromes vides à la périphérie de Damas et d'Alep ». Parmi les cibles, cependant, figuraient aussi des sites présumés « d'armes chimiques » situés dans des « zones autour de Damas et d'Alep ». Pardonnez-moi si je pinaille, mais cela ne signifie-t-il pas que FUKUS (France, UK, US) [jeu de mots ayant une signification sexuelle que l'on vous laisse deviner - NdT] a utilisé des missiles pour faire exploser des sites d'armes chimiques dans des zones résidentielles syriennes afin de s'assurer qu'Assad ne puisse pas, lui, utiliser lesdites armes chimiques contre des civils, en les faisant exploser - par exemple - dans des zones résidentielles ?

Quoi qu'il en soit, les médias syriens rapportent que seules trois personnes ont été blessées. La Russie affirme qu'elle n'a même pas pris la peine d'activer ses propres systèmes antiaériens/antimissiles à Tartous et à Lattaquié, bien qu'elle ait mentionné que, depuis 2016, elle s'efforce de mettre à niveau et de moderniser les systèmes syriens plus anciens.

Illustrant la portée limitée des capacités militaires américaines dans la région, le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a annoncé aujourd'hui [le 14 avril - NdT] que cette opération était un one time shot (un coup unique). Les gouvernements syrien et iranien ont bien sûr condamné cette violation « barbare » et « criminelle » de la souveraineté syrienne, violation qui ne fera qu'enhardir les terroristes encore présents en Syrie - ce qui est effectivement le cas - alors que Poutine a parlé d'une « agression contre un État souverain qui se trouve à l'avant-garde de la lutte contre le terrorisme ».

Le gouvernement britannique a déclaré que ses frappes aériennes avaient été effectuées par quatre Tornado GR4 de la Royal Air Force, qui ont lancé des missiles « Storm Shadow » contre une ancienne base de missiles située à 24 km à l'ouest de la ville de Homs. Pourquoi ont-ils ciblé ce site ? Parce que, affirment-ils, le gouvernement syrien y conserve un stock de « précurseurs » d'armes chimiques, ce qui pourrait bien sûr désigner n'importe quel produit chimique à usages multiples. Une autre des cibles détruites était un « centre de recherche scientifique » à l'extérieur de Damas qui abritait des laboratoires éducatifs et scientifiques civils . Apparemment, tout ce qui pourrait être associé à des « produits chimiques » constituait une cible légitime.

La Coalition occidentale de la Fumisterie a présenté cette opération comme une démonstration de force réussie. La France a diffusé des vidéos du décollage des jets, et le Royaume-Uni a publié une vidéo des préparatifs. Selon eux, la culpabilité d'Assad ne fait « aucun doute » (Macron), et l'attaque était « juste et légale » (May).

Le fait que ces frappes aériennes ont eu lieu quelques heures avant l'arrivée planifiée des investigateurs de l'OIAC (Organisation pour l'interdiction des armes chimiques) sur les lieux de l'attaque présumée aux armes chimiques, à Douma,, près de Damas, montre également à quel point l'Occident est désespéré. Plutôt que d'attendre les rapports des inspecteurs de l'OIAC qui indiqueraient ou prouveraient probablement qu'aucune attaque chimique de ce genre n'a eu lieu la semaine dernière, les Américains, les Français et les Britanniques se sont précipités pour agir militairement avant que des preuves ne viennent invalider la justification d'une telle action. Les enquêteurs de l'OIAC ont désormais atteint Damas, et si on les laisse faire leur travail correctement, ils découvriront ce que leur organisation avait déjà certifié quatre ans auparavant : à savoir que le gouvernement syrien ne possède ni « stocks » ni « usines de production » d'armes chimiques.

Le ministre russe de la Défense a déclaré que 71 des missiles occidentaux avaient été abattus par le système de défense antimissiles syrien. Il a également affirmé que ce système (S-120, S-200, Buk) datait de « la Guerre froide ». Au bout du compte, l'attaque de « précision » menée contre trois usines « d'armes chimiques » était une mascarade. Les Syriens dansaient dans les rues de Damas le matin du 14 avril, alors même que les systèmes de défense aérienne de la ville lançaient des missiles pour intercepter l'un des flamboyants Tomahawks « intelligents » de Trump.




Un soldat de l'armée syrienne à côté d'un missile à terre.


Cette série de frappes aériennes marque deux incidents successifs en l'espace d'une année, au cours de laquelle un false flag - une « attaque chimique » artificielle - en Syrie a suscité des cris d'orfraie chez les médias occidentaux au sujet des « armes chimiques » syriennes, Trump et d'autres dirigeants occidentaux promettant à la Syrie que ça allait lui coûter cher, et les forces de l'OTAN lançant par la suite ce qui équivaut à des frappes aériennes symboliques.

Comme l'année dernière, la Russie et la Syrie étaient informées des frappes aériennes - mais pas des cibles exactes - à l'avance. Cette fois, le chef d'État-major des armées des États-Unis, Joseph Dunford, a déclaré que les États-Unis n'avaient « effectué aucune coordination avec les Russes concernant les frappes, et ne les avaient pas non plus informés au préalable », tout en déclarant que le Pentagone avait « spécifiquement identifié les cibles », afin de « minimiser tout risque d'implication des forces russes ». Qu'il y ait eu ou non « deconfliction » [mot qui peut se traduire en français par le fait que les parties prenantes à un conflit communiquent et échangent des informations pour éviter des incidents entre leurs aéronefs qui interviennent sur un même théâtre d'opération - NdT], le message a été implicitement communiqué par le choix et la portée limités de l'action militaire des Occidentaux.

Faisant écho à la déclaration prématurée de George W. Bush sur l'invasion de l'Irak en 2003, Trump a déclaré « Mission Accomplished ! », a loué « cette action militaire parfaitement exécutée » et a également remercié le Royaume-Uni pour sa « sagesse et la puissance de son excellente armée ». Une vidéo postée sur le compte Twitter du président Assad où on peut le voir se dirigeant tranquillement vers son bureau, comme d'habitude, le matin du 14 avril, met en lumière le caractère fumeux et inefficace des frappes aériennes occidentales.


Cette vidéo montre une interception réussie de l'un des missiles « intelligents » de Trump :


Pas si intelligents que ça, apparemment.

Dans son discours télévisé annonçant les frappes aériennes, Trump a fait référence à deux reprises à la Première Guerre mondiale. Le fait que les rédacteurs de discours du président américain se réfèrent à la « Grande Guerre » pour évoquer cette attaque mollassonne me semble approprié. Les armes chimiques, bien qu'utilisées pour la première fois par l'armée allemande avec des conséquences meurtrières, furent utilisées en grande partie par les forces britanniques et françaises. Porton Down fut créé à cette époque, d'abord en tant que base d'essais, et demeure aujourd'hui un centre majeur de production d'armes chimiques. Bien que les sites d'armes chimiques à Salisbury et dans les environs soient officiellement limités à la production d'armes chimiques « non létales » comme le « gaz lacrymogène », ce n'est pas une coïncidence si des bombes fumigènes estampillées « Made in Salisbury, England » figuraient parmi les arsenaux d'armes découvertes par les forces syriennes tandis qu'elles nettoyaient les enclaves terroristes de la Ghouta le mois dernier.

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© Sputnik'Made in Salisbury, England' - Bonbonne de gaz retrouvée en la possession de terroristes dans la Ghouta le mois dernier.
Mais le point le plus important concernant la Première Guerre mondiale comme cadre de référence de cette attaque américano-franco-britannique contre la Syrie est le fait que cette guerre marqua le début de la domination de ces trois pays - et de l'enfant bâtard qu'ils mirent au monde à cette période : Israël - sur le Moyen-Orient. L'objectif premier était de détruire la compétitivité militaire et commerciale allemande via la « gestion » anglo-américano-française du monde et, dans ce cadre, l'Ordre occidental souhaitait couper court à l'« incursion » allemande et russe au Moyen-Orient, cette région si riche en pétrole. C'est ainsi qu'ils convainquirent les Arabes de s'élever contre la domination ottomane, avant de les trahir impitoyablement en démantelant et en transformant la région en « protectorats » : Syrie, Irak, Turquie, Jordanie, etc. Depuis, ils montent les pays du Moyen-Orient les uns contre les autres. Mais désormais, il y a un nouveau shérif en ville, et celui-ci joue franc-jeu : la Russie a mis de l'ordre dans la région, y annonçant la fin de la domination de l'Occident.

Trump a conclu en ces termes son discours pré-bombardement :
« Quel genre de nation veut être associée au meurtre de multitudes d'hommes, femmes et enfants innocents ? Les nations du monde peuvent être jugées par les amis quelles gardent. Aucune nation ne peut réussir sur le long terme en faisant la promotion de tyrans brutaux et de dictateurs meurtriers »
Des paroles remplies de sagesse. Si seulement l'Establishment américain se les appliquait à lui-même.

La mascarade dont nous avons été témoins en Syrie le 13 avril montre qu'il ne s'agit en rien d'un scénario d'« Armageddon nucléaire ». La Russie et les États-Unis (ainsi que toutes les autres parties impliquées en Syrie) y mènent une sorte de danse. Oui, c'est dangereux, et oui, c'est grave - des gens se font tuer, après tout - mais la situation est loin d'être aussi littéralement dangereuse pour la vie sur Terre qu'ils le prétendent.

L'essentiel pour les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, c'est de donner l'IMPRESSION qu'ils sont puissants. Les fabricants d'armes en dépendent ; leur réputation de « leaders du monde libre » en dépend ; et, plus important encore, l'hégémonie du pétrodollar en dépend. L'essentiel pour la Russie est, apparemment, qu'elle se contente de répondre à ce besoin, à condition d'en rester là - que ça se limite simplement à une DÉMONSTRATION de puissance.

Certains se demandent pourquoi les Russes « n'ont rien fait pour arrêter cela ». Si l'interception des frappes occidentales par la Syrie était aussi réussie que l'affirme le ministère de la Défense russe (et il n'y a aucune raison de croire que ce n'était pas le cas), cela indique que les Russes ont réussi à mettre à jour les systèmes de défense syriens depuis leur arrivée en Syrie il y a trois ans. En outre, le ministère de la Défense russe a affirmé par le passé que des conseillers et du personnel militaire étaient intégrés à l'infrastructure militaire de la Syrie, et que toute l'activité militaire de la Syrie était coordonnée et centralisée depuis la base russe de Lattaquié. Ainsi, dans les faits, la Russie a « fait comme si » la Syrie s'était défendue seule contre les puissances occidentales.

Il n'y aura pas de changement de régime en Syrie. Il n'y aura pas de « guerre chaude » entre les États-Unis et la Russie. On peut affirmer que l'Alliance occidentale a perdu cette opportunité en août 2013, lorsque la première fausse « attaque à l'arme chimique de la Ghouta » n'a pas réussi à galvaniser suffisamment les foules pour une opération Shock and Awe en Syrie. Entretemps, le gouvernement syrien est devenu imperméable à la « décapitation aérienne », et la Russie a acquis la puissance nécessaire pour neutraliser la doctrine occidentale de « la Loi du plus fort ».

Et le reste, comme on dit, n'est que propagande.