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© Pixabay / Pezibear
Les chercheurs ont longtemps spéculé que plus l'environnement dans lequel nous grandissons est « sale » - avec beaucoup de germes - plus notre système immunitaire devient robuste. Une nouvelle étude publiée lundi dans les Actes de la National Academy of Science suggère qu'un tel environnement pourrait également être bénéfique pour notre santé mentale.

L'hypothèse de l'hygiène - ou théorie hygiéniste - comme on l'appelle, stipule que notre système immunitaire doit être en contact avec des germes relativement inoffensifs et des substances étrangères dans ses premières années. Le but est qu'il puisse se calibrer, sans quoi il pourrait devenir trop sensible et réagir de façon excessive à certaines substances, comme la poussière et le pollen, entraînant alors des allergies et de l'asthme. De nombreuses recherches ont en effet montré que le fait de grandir dans un environnement rural - ou avec des animaux de compagnie - est associé à des taux plus faibles de maladies auto-immunes, tandis que les taux d'allergies et de maladies auto-immunes augmentent régulièrement dans les zones urbaines.

Christopher Lowry, professeur de physiologie à l'Université de Colorado à Boulder (États-Unis), théorisait il y a dix ans qu'un monde trop hygiénique pourrait également influencer notre risque de développer certaines maladies psychiatriques, comme la dépression et le stress post-traumatique. L'hypothèse pourrait ici expliquer pourquoi les taux de maladies psychiatriques sont plus importants chez les personnes vivant en milieu urbain. Le chercheur a récemment collaboré avec des chercheurs de l'Université d'Ulm en Allemagne pour tester directement cette théorie.

Les chercheurs ont pour cette étude recruté 40 jeunes hommes allemands en bonne santé et âgés de 20 à 40 ans. La moitié des hommes ont expliqué avoir été élevés (jusqu'à l'âge de 15 ans environ) dans une ferme avec beaucoup d'animaux, tandis que l'autre moitié avait été élevée en milieu urbain et sans animaux. Des échantillons de sang et de salive ont été prélevés dans les deux groupes 5 minutes avant et 5, 15, 60, 90 et 120 minutes après le test. Les volontaires ont ensuite été invités à accomplir une série de tâches normalement stressantes : ils devaient dans un premier temps prononcer un discours devant des gens en blouse blanche sur la raison pour laquelle ils méritaient leur emploi de rêve. Ils ont aussi été invités à compter en arrière par intervalles de 17 à partir de 3,079, le tout en étant chronométrés.

Après ces tests, les individus élevés dans les villes avaient des niveaux significativement plus élevés de composants du système immunitaire appelés cellules mononucléaires du sang périphérique (PBMC). Ils ont également montré une élévation prolongée du composé inflammatoire interleukine 6 et une activation atténuée du composé anti-inflammatoire interleukine 10. «Les personnes qui ont grandi dans un environnement urbain ont eu une induction exagérée de la réponse immunitaire inflammatoire au facteur de stress, et elle a persisté tout au long de la période de deux heures», note Christopher Lowry.

Étonnamment, alors que leurs corps réagissaient au stress, ces anciens citadins se sentaient moins stressés que leurs homologues ruraux. «Cette réaction inflammatoire exagérée est comme un géant endormi dont ils ignorent totalement l'existence», poursuit le chercheur. Des études antérieures ont montré que ceux qui ont une réponse inflammatoire exagérée sont plus susceptibles de développer une dépression et un trouble de stress post-traumatique (TSPT) plus tard dans la vie. L'expérience a également montré que notre réponse immunorégulatrice au stress se développe au début de la vie, et est en grande partie façonnée par notre environnement microbien.

Rappelons que plus de 50% de la population mondiale vit désormais dans des zones urbaines, ce qui signifie que les humains sont exposés à beaucoup moins de micro-organismes qu'auparavant, notent les auteurs.

«Si vous n'êtes pas exposé à ces types d'organismes, alors votre système immunitaire ne développe pas un équilibre entre les forces inflammatoires et anti-inflammatoires. Vous pouvez alors développer une inflammation chronique et une réactivité immunitaire exagérée qui vous rend vulnérable aux allergies, aux maladies auto-immunes et, comme nous le proposons, à des troubles psychiatriques», explique le chercheur, qui préconise de «manger des aliments riches en bactéries saines ou en probiotiques, de passer du temps dans la nature et d'adopter des animaux de compagnie à fourrure».

Il sera en revanche nécessaire d'étendre l'étude à des échantillons plus importants, et plus diversifiées, puisque n'étaient impliqués dans cette étude que des hommes. «Beaucoup de recherches doivent encore être faites, mais il semble que passer autant de temps que possible, de préférence pendant l'enfance, dans des environnements offrant une large gamme d'expositions microbiennes a de nombreux effets bénéfiques», conclu le chercheur.

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