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La Terre pourrait avoir subi un réchauffement climatique global de plusieurs degrés pendant environ 100.000 ans en raison de l'impact à l'origine de la disparition des dinosaures, selon un groupe de géologues. C'est ce que suggère la détermination de la température de l'eau à cette époque en utilisant des isotopes de l'oxygène.

Le cratère de Chicxulub, témoin de l'extinction des dinosaures Il y a environ 65 millions d'années, près de la péninsule du Yucatán, au Mexique, une météorite de plus de 10 km de diamètre s'écrasa sur Terre formant le cratère de Chicxulub. Le choc, équivalent à environ un million de bombes atomiques, serait en partie responsable de l'extinction des dinosaures. Discovery Science revient sur cet événement en vidéo.
La suite de Jurassic World sort la semaine prochaine au cinéma. On peut espérer qu'elle ravira les passionnés de dinosaures mais hélas, la réalité ne semble pas en mesure de rattraper la fiction car on sait aujourd'hui que l'ADN de dinosaures ne peut pas se conserver bien longtemps, même pas dans les restes fossilisés de moustiques qui auraient été piégés dans de l'ambre juste après s'être nourris de sang de dinosaures. Ceux-ci, à part lorsqu'ils sont sous la forme des oiseaux actuels, ont définitivement quitté notre biosphère il y a 66 millions d'années, en grande partie sans doute en raison de la chute d'un petit corps céleste d'une dizaine de kilomètres de diamètre (comète ou astéroïde on ne sait pas encore très bien) qui a laissé un cratère d'impact sous la forme du célèbre astroblème de Chicxulub au Yucatán.

Si l'on ne peut pas écarter l'influence des fameuses éruptions volcaniques basaltiques et fissurales à l'origine des Trapps du Deccan en Inde, qui auraient affaibli la biosphère en changeant le climat suite à des émissions massives de gaz volcaniques, il semble difficile d'imaginer qu'une explosion d'énergie équivalente à cinq milliards de fois celle de la bombe atomique d'Hiroshima et qui a creusé un cratère multiple de presque 180 kilomètres de diamètre, n'ait pas fortement affecté elle aussi la biosphère. On peut donc penser que la formation de ce cratère a eu un rôle majeur dans la disparition, à la fin du Crétacé, de 70 % des espèces vivantes dont les dinosaures bien sûr, mais aussi les reptiles volants et marins de l'époque qui n'en étaient pas.

Reste que l'on ne comprend pas très bien les détails des perturbations sur la biosphère et le climat qu'aurait causé l'impact du corps céleste à l'origine du cratère du Yucatán. On sait qu'il est tombé à l'un des pires endroits possibles, car le lieu de la chute était en partie recouvert par des sédiments riches en sulfates : des évaporites. D'importantes quantités de composés soufrés ont donc été libérées. Comme ces composés peuvent se comporter comme des aérosols fortement réflecteurs de la lumière dans les couches hautes de l'atmosphère, ils ont dû provoquer un refroidissement de la planète. Sans parler de la matière éjectée bloquant temporairement le rayonnement solaire et produisant donc une période d'obscurité empêchant la photosynthèse des plantes, provoquant du même coup l'effondrement de la chaîne alimentaire.

Des paléo-thermomètres avec des isotopes de l'oxygène

Du gaz carbonique aurait également été injecté massivement dans l'atmosphère, d'autant plus que l'on soupçonne que la région du Yucatán à l'époque contenait des réserves de pétrole. Si tel est le cas, ce gaz carbonique aurait conduit après le refroidissement à une phase de réchauffement climatique qui pourrait avoir duré longtemps. Pouvait-on vérifier, ou pour le moins conforter cette hypothèse ? C'est ce qu'a essayé de faire un groupe de chercheurs en géosciences à l'occasion de travaux qui sont aujourd'hui publiés dans le journal Science.

Il se trouve que l'on peut utiliser des mesures de rapports d'abondance d'isotopes de l'oxygène, comme de paléo-thermomètres. En datant les couches dans lesquelles ces mesures sont possibles - ce qui n'est pas toujours le cas - on peut donc remonter parfois à l'évolution des températures dans un environnement, par exemple l'océan.

Les géologues ont finalement trouvé ce qu'ils cherchaient dans des couches de sédiments de la région autour de Le Kef, une ville du Nord-Ouest de la Tunisie. Ils ont ainsi collecté des échantillons dans des couches de deux mètres d'épaisseur en dessous de celle marquant la fameuse limite K-T, il y a 66 millions d'années, et dans des couches postérieures sur une épaisseur de 6,6 mètres, ce qui leur a permis d'étudier une période d'environ 250.000 ans, à cheval sur la grande crise biologique marquant la fin des dinosaures non-aviens.

Dans ces échantillons, ils sont partis à la recherche des dents et des écailles de poissons, là où ils savaient pouvoir faire des mesures adéquates des abondances des isotopes d'oxygène. Ces abondances varient avec la température des océans et donc la température du climat. Il s'est avéré que suite à la crise K-T, la température de l'eau avait augmenté de 5 °C pendant environ 100.000 ans.

On peut penser que le climat mondial était plus chaud de quelques degrés également, ce qui serait la preuve d'un réchauffement climatique conséquent après l'impact du Yucatán. Mais les chercheurs sont prudents. D'une part, il faudrait faire des mesures sur d'autres sites de la même époque avant de pouvoir vraiment en tirer des conclusions sur l'existence d'un réchauffement global, mais surtout il n'est pas encore établi que cette augmentation de température s'est vraiment produite très rapidement après l'impact. Du travail reste à faire...