De multiples grandes sociétés françaises et des gouvernements français successifs participent activement à la répression des masses égyptiennes par la dictature militaire en place. Ils sont des complices actifs d'une surveillance de masse de la population égyptienne, visant à identifier des opposants du régime à torturer ou à faire disparaître, ainsi que de l'armement de la junte militaire du général Abdel Fatah Al-Sissi.
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© InconnuEn fébrier 2017, Le Drian a été décoré par Al Sissi pour « l’essor sans précédent » de la coopération militaire entre les deux pays.
C'est ce qu'affirme un rapport de 64 pages intitulé « Egypte: une répression made in France », publié le 2 juin par un groupe d'organisations humanitaires dont la Ligue des droits de l'homme. Ce rapport montre le développement explosif depuis 2013 des ventes par la France d'armes et de matériel aux fins spécifiques de répression, ainsi que le soutien politique « inconditionnel » des présidents François Hollande (2012-2017) et Emmanuel Macron à Al-Sissi.

Ce rapport constitute un avertissement sérieux. Face à une montée de l'opposition parmi les travailleurs, Macron ne recule pas devant les mesures les plus antidémocratiques et sanguinaires. La France teste en Egypte des dispositifs de surveillance et de répression d'une puissance que la Gestapo nazie aurait enviée. Cela appelle à une vigilance et une opposition déterminée de la part des travailleurs en France comme en Egypte et à travers l'Europe et le Moyen Orient.

Au « cœur du dispositif répressi f» soutenu par la France en Egypte, écrit le rapport, il y a « la surveillance généralisée de la population ». Le rapport souligne l'acquisition frénétique par les services égyptiens de matériel d'espionnage systématique et intrusif et l'interception en masse des communications. Le régime vise une « surveillance massive et constante de l'activisme numérique » et transforme « les réseaux sociaux... en une ressource de renseignement pour les autorités ».

La surveillance soutenue par la France est à l'origine de « violations graves et systématiques » des droits humains:
« Les violations des droits humains consécutifs à la surveillance des communications et des activités numériques exercée par les services de renseignement égyptiens vont de la simple interpellation à la condamnation à de lourdes peines de prison, en passant par des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des exécutions extra-judiciaires, la torture à mort, le viol, et la diffusion publique de conversations privées. »
Elle sert aussi à la « fabrication de preuves » contre les personnes soupçonnées de dissidence.

Le rapport pointe du doigt la vente par les entreprises françaises de matériels spécifiques dont les véhicules blindés Renault Trucks défense; les machines outils Manhurin de fabrication de cartouches; et la vente par Nexa Technologie du système de surveillance hautement intrusif Cerebro, les systèmes Cortex et la base de données Morpho/Idemia permettant la collecte massive de données individuelles et la surveillance de masse.

Selon le rapport, ces matériels sont destinés à identifier tout opposant potentiel, voire tout individu indésiré et à les cibler pour les torturer ou les éliminer. Ils comportent aussi des « Technologies pour le contrôle des foules », drones blindés légers, satellites militaires (Airbus Thales), drones patroller Safran.

En fournissant ces équipements, l'Etat et le patronat français augmentent considérablement les capacités de répression de la junte militaire égyptienne. Le matériel de surveillance exporté « dote ces services [de sécurité] de capacités de surveillance et de fichage bien plus massives et intrusives que le matériel déjà à leur disposition et renforce notablement leurs capacités d'espionnage de la population, dessinant l'armature d'une véritable architecture du contrôle ».

Sissi était arrivé au pouvoir en juillet 2013 à la suite d'un coup militaire sanglant qui a renversé le gouvernement de Mohamed Morsi, mais qui visait avant tout les travailleurs qui s'étaient mobilisés en 2011 et avaient renversé le régime haï de Hosni Moubarak. L'opération contre-révolutionnaire de l'armée avait été soutenue par le parti de pseudo-gauche RS (Socialistes révolutionnaires) et ses affiliés internationaux.

Le rapport accuse l'État français, le gouvernement PS de Hollande et le gouvernement LRM de Macron d'avoir fait « le choix politique » de vendre à Sissi des équipements servant spécifiquement à réprimer les mouvements sociaux.

Il décrit la réalité concrète de ce « choix politique » mentionnant, outre la terreur générale imposée aux Égyptiens par des lois interdisant toute opposition au régime, les arrestations, les incarcérations arbitraires massives, les disparitions forcées, « la torture ... et autres mauvais traitements infligés par les forces de sécurité » et la police dans les « commissariats et les centres de détention » et qui sont « systématiques ».

« L'utilisation d'armes létales et d'armes d'assaut pour disperser des protestations a augmenté de manière significative, » ajoute le rapport.

S'ajoutent à cela les exécutions extra-judicaires et l'application massive et croissante de la peine de mort. Le rapport chiffre à 60 000 les prisonniers politiques et mentionne « 2 811 cas de disparitions forcées aux mains des services de sécurité » entre juillet 2013 et juin 2016, une pratique « devenue un modus operandi des forces de sécurité égyptiennes ».

Le rapport insiste sur le caractère criminel des fournitures françaises au régime Sissi et la violation systématique des lois françaises comme européennes. « Elles [les autorités francaises] ont ... choisi de ne pas respecter les décisions de l'Union Européenne sur les exports d'armes à l'Égypte, notamment en passant outre les conclusions... de l'Union européenne du 21 août 2013 appelant à 'suspendre les licences d'exportation vers l'Égypte de tous les équipements qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne' ».

Fin décembre 2017, le pôle crimes contre l'humanité du parquet de Paris a ouvert une enquête contre la société Nexa pour « complicité d'actes de torture et disparitions forcées en Egypte ».

Le rapport éclaire une partie des coulisses de la collaboration entre le gouvernement Macron et la dictature égyptienne. Il identifie l'ancien ministre de la Défense de Hollande et actuel ministre des Affaires étrangères de Macron, Jean-Yves Le Drian, comme la cheville ouvrière du soutien à Sissi. C'est son influence que les fournitures et contrats militaires avec l'Egypte ont « explosé » depuis 2013. Ces contrats « marquent le début d'un soutien politique sans faille du gouvernement français au nouveau régime militaire égyptien », affirme le rapport.

« Jean-Yves Le Drian (qui entretient des relations notoirement excellentes avec Abdel Fattah Al Sissi) vante en 2014 [après le massacre planifié d'un millier de manifestants en septembre 2014] devant l'Assemblée Nationale 'une relation de grande qualité' ». Jean-Yves Le Drian a été décoré en février 2017 par Abdel Fattah Al-Sissi.

Sissi a été reçu en grande pompe par Emmanuel Macron en octobre 2017. Celui-ci s'était opposé à mentionner publiquement les crimes perpétrés par le régime égyptien, disant qu'il « n'avait pas de leçon à donner » au dictateur.

Le rapport « Une répression made in France » jette une lumière crue sur les activités du gouvernement Macron, qui doit servir d'avertissement aux travailleurs à travers l'Europe. Les faits qu'il révèle témoignent de la descente du patronat et de l'État français, sous la houlette politique du PS, de Macron et de leurs soutiens, dans la pire criminalité politique.

L'UE, France et Allemagne en tête planifient la construction systématique de camps de concentrations sur le sol européen, ostensiblement destinés aux réfugiés mais prêts à servir contre l'opposition massive parmi les jeunes et les travailleurs à l'austérité et au militarisme.

Alors que l'UE et la France se dotent d'un vaste archipel de prisons, ils mettent également en place les mécanismes techniques permettant une surveillance et une répression draconienne des masses. Les politiciens de l'aristocratie financière sont non seulement prêts à démonter les acquis sociaux et les droits civils des travailleurs. Ils se préparent à réimporter les méthodes peaufinées en Egypte en pour tenter de mater l'opposition ouvrière en Europe.