Traduction : Planète non violence

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« ...Des survivants qui se sont enfuis de l'autre côté de la frontière au Libéria voisin parlent de victimes tuées par balles ou avec des machettes, certaines éventrées vivantes, des femmes violées par des gangs puis égorgées. Plus d'1 million de personnes ont fui de chez elles... »

Des informations commencent à faire surface concernant des attaques systématiques contre des civils dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire la région où les forces loyales au président élu soutenu par l'Occident, Alassane Ouattara, ont lancé une offensive le mois dernier. Des survivants qui se sont enfuis de l'autre côté de la frontière au Libéria voisin parlent de victimes tuées par balle ou avec des machettes, éventrées vivantes de femmes violées par des gangs et égorgées. Plus d' 1 million de personnes ont fui de chez elles. Selon les premières informations au moins 1000 personnes ont été tuées. HRW et la Croix Rouge Internationale ont confirmé la mort de 230 personnes dont des enfants dans la ville de Duékoué. Ils ont indiqué qu'il y avait plusieurs centaines d'autres victimes dans les villages alentours. Le chiffre total n'est pas encore connu car on pense qu'il y a des charniers. Des survivants rapportent que des victimes ont été enterrées par des bulldozers.

La guerre civile a éclaté le mois dernier en Côte d'Ivoire suite à une dispute prolongée sur les résultats des élections présidentielles de Novembre 2010. Le président sortant, Laurent Gbagbo , a refusé de reconnaître que son rival Ouattara avait gagné l'élection. La victoire de Ouattara a été reconnue internationalement. La France l'ancienne puissance coloniale, l'ONU, les US, l'UE et l'UA toutes ont déclaré que c'était lui le vainqueur et ont demandé à ce que Gbagbo quitte le pouvoir. En Mars Ouattara a lancé une offensive majeure contre Gbagbo. Ses forces se sont emparées de la zone de production du cacao dont le centre est Duékoué et ont rapidement pris le contrôle de la capitale commerciale, Abidjan, où ils ont tenté de s'emparer de la résidence de Gbagbo. Gbagbo a repoussé l'assaut et a continué de résister dans un bunker. Pendant le weekend ses forces ont tiré partie d'un cessez le feu pour s'emparer d e positions clés et ont attaqué le QG de Ouattara à l'Hotel du Golf. Le rôle des forces françaises et de l'ONU lors de l'offensive de Ouattara suscite un vif débat. Une vidéo montre d'énormes explosions dans Abidjan, alors que leurs avions touchaient les positions de Gbagbo.

On a rapporté que sa résidence a été bombardée par les avions français et ceux de l'ONU. Ceci est une violation du mandat de l'ONU. L'UNOCI (United Nations Operation in Côte d'Ivoire) est officiellement une force de maintien de la paix et n'a pas de mandat pour cibler Gbagbo. Les Français qui ont gardé une présence militaire en Côte d'Ivoire depuis l'indépendance de celle-ci en 1960 sont mandatés pour aider l'UNOCI. Le ministre des affaires étrangères russe, Sergei Lavrov, a accusé l'ONU d'outrepasser son mandat en Côte d'Ivoire et de prendre partie pour Ouattara. L'UA qui soutenait la victoire électorale de Ouattara a également exprimé son inquiétude concernant les actions de l'UNOCI.

Le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Alain Le Roy, a insisté pour dire que l'UNOCI avait seulement attaqué des positions à partir desquelles il y avait eu des tirs à l'armes lourdes contre des civils et les forces de l'ONU et a affirmé que l'UNOCI n'avait pas visé la résidence de Gbagbo, seulement les armes lourdes à proximité utilisées pour bombarder des zones civiles dans la ville. Mais des diplomates ont exprimé des inquiétudes sur cette implication de l'UNOCI dans ce qui semble être un soutien aérien rapproché de l'attaque de Ouattara contre la résidence de Gbagbo. « Nous soutenons le mandat pour protéger des vies innocentes. Mais nous sommes préoccupés par le fait que la résolution soit strictement appliquée. C'est difficile de le dire car nous n'avons pas d'information précise en terme de cibles » a dit un diplomate africain.

La BBC a fait remarquer que c'était « Mr Sarkozy qui a le premier émis l'idée d'interdire des armes lourdes en Côte d'Ivoire. Ceci, ajouté au rôle principal joué par la France poussant à utiliser la force en Libye , a été perçu par certains comme faisant partie d'une politique militaire musclée pour rehausser sa position en interne dans une année électorale. » Peggy Hollinger a mis en avant dans le Financial Times ce qu'elle décrit comme « les contradictions de la politique étrangère française » en Côte d'Ivoire. « L'opération militaire est la deuxième de la France sur le continent africain en moins d'un mois ce qui suscite chez beaucoup la question de savoir si c'est le signal d'une politique nouvelle plus interventionniste pour débarrasser le continent de dictateurs dérangeants...des frappes aériennes contre le palais résidentiel et la TV nationale ne peuvent pas être décrites comme ayant pour objectif de détruire des armes lourdes. Il ne fait aucun doute que les attaques françaises sont allées au-delà du principe de « responsabilité de protéger » et visaient à aider à chasser Mr Gbagbo et installer Mr Ouattara à la place qui lui revient ».

Hollinger cite Phyllis Bennis du think tank basé à Washington, Institute for Policy Studies, qui fait remarquer que le choix du moment des frappes franco onusiennes « renforce l'argument que les frappes aériennes sont plus une intervention politique qu'humanitaire » . L'opération donne l'impression de viser «à rétablir la présence française en Afrique francophone ». Hollinger se demande si l'intervention de la France en Libye et en Côte d'Ivoire font toujours partie d'une nouvelle politique étrangère car chacune d'elles est née de circonstances différentes. Mais elle reconnait que « l'impression que la France intervient plus ouvertement dans les affaires africaines a une conséquence sérieuse. L'opinion publique est de plus en plus irritée part ce qu'elle considère comme une interférence d'une ancienne puissance coloniale ». Cette perception a des chances de se renforcer par l'association de la France et de l'ONU à des forces qui ont commises des atrocités contre des civils. La responsabilité des massacres de civils doit être imputée à la France et à l'ONU qui ont toléré et éventuellement soutenu activement la campagne militaire de Ouattara.

Des survivants ont décrit des tueries délibérés dirigées contre des groupes ethniques considérés comme soutenant Gbagbo. Des journalistes ont fait un parallèle avec le Rwanda. L'étendue des massacres est pour l'instant moindre mais au Rwanda aussi la France a été impliquée. Le London Times a cité Emmanuel Guer qui a dit : « nous marchions vers une enceinte en ville. Lorsque nous sommes arrivés il y avait 150 personnes dans le hall. Sur le devant ils traînaient des personnes, hommes et femmes, 5 par 5, 5 par 5. A chaque fois qu'ils les faisaient sortir on entendait des tirs » Guer a continué « Comment puis je décrire comment c'était ? Nous étions serrés comme du bétail tout ce que l'on pouvait voir dans le noir c'était des yeux exorbités, des femmes pleuraient hystériquement. Des personnes se battaient pour rester en queue de file. Ils nous tuaient de façon tout à fait préméditée. C'était de l'extermination ».

« Ils leur tiraient dessus derrière la tête et puis ils emmenaient les cadavres « a-t-il dit. « Mais cela leur prenait beaucoup de temps. Finalement moi et six autres personnes nous nous sommes frayés un passage vers l'extérieur par une fenêtre de derrière et nous nous sommes échappés en passant par-dessus la barrière. Alors que nous courions vers l'autoroute la route était remplie de cadavres. Un grand nombre de femmes avaient la gorge tranchée. »

Pierre M'lehi, un planteur de cacao, a décrit un bulldozer creusant des fosses communes dans Duékoué. «Les cadavres alignés le long du bord de route étaient frais et entrain de se décomposer. C'était comme s' ils avaient été placés là en signe d'avertissement ». Une femme a décrit comment des prisonniers âgés étaient sorties chaque jour et tuées. Les personnes âgées semblaient particulièrement vulnérables parce qu'incapables de s'échapper. Dans au moins 10 villages aux alentours de Toulépleu et Bloléqui dans l'Ouest, des récoltes et maisons ont été incendiées. Ceux visés semblaient appartenir principalement à un groupe ethnique le Guere considérés comme des supporters de Gbagbo. Youssoufou Bamba, l'ambassadeur de Ouattara à l'ONU, a affirmé que les forces pro Gbagbo étaient responsables d'atrocités. Selon Bamba, les forces de l'UNOCI et les agences d'aide ont été obligées de quitter la région à cause de la situation sécuritaire précaire sous Gbagbo. « C'est seulement quand les forces d'Ouattara sont venues que toutes les ONG de même que l'UNOCI ont pu revenir pour surveiller la situation », a-t-il affirmé.

Les forces de Gbagbo ont continué à commettre des atrocités a-t-il prétendu alors qu'elles se retiraient. Il a nié que les forces de Ouattara puissent être responsables des violences intercommunales entre différents groupes ethniques dans la région

En fait, les forces de l'ONU étaient présentes dans la région au moment des massacres. Quel a été leur rôle n'est toujours pas clair, mais leur mandat c'est de protéger la population civile et elles ont échoué dans cette mission. Les civils courent également des risques dans Abidjan. On peut voir des cadavres dans les rues. Des milices loyales à Gbagbo et Ouattara agissent dans la ville. On ne sait pas combien de personnes sont mortes dans les attaques aériennes françaises et de l'ONU. D'énormes explosions ont été filmées en vidéo suggérant que le nombre de victimes sera important quand il sera possible de les compter.

Pendant le weekend de nombreuses ambassades ont commencé à évacuer leur personnel alors que la situation dans Abidjan se détériorait. Le département d'état US a répété son alerte au danger de voyager en Côte d'Ivoire car les combats étaient devenus « plus intense dans un certain nombre de quartiers. »