Dollars/other money
© Vladimir Trefilov/Sputnik
Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Mensonge.

Le nuage s'est arrêté à la frontière, dormez tranquillement. Mensonge.

Les banques sont solides. Dormez braves gens. Mensonge.

Les exemples sont multiples. Les « fake news » les plus dangereuses sont en réalité les mensonges d'État, et ils sont nombreux. Trop nombreux.

Le coup de tonnerre vient du Financial Times, qui nous explique qu'ils ont délibérément menti sur la gravité de la situation.

Pendant qu'ils écrivaient que tout se passerait bien, les mêmes journalistes faisaient la queue dans leurs banques pour récupérer leur pognon avant que vous ne perdiez le vôtre...

Mais ce mensonge n'est pas grave, car comme le dit ce journaliste du Financial Times, « Le droit à la liberté d'expression ne nous donne pas le droit de crier au feu dans un cinéma bondé ; il y avait le risque d'un incendie, et nous aurions pu allumer l'étincelle en criant à ce sujet ».

Il n'y a pas de censure, il y a le principe de « responsabilité ».

Pour justifier que l'on ne parle pas d'un sujet, il y a ce principe bien pratique de « responsabilité ». Je suis responsable donc je me tais.

Mais responsable de quoi ?

Être responsable est une bonne chose, mais de quoi le système médiatique est-il responsable désormais ?

D'une chose simple.

De la stabilité du système en place.

Fallait-il avoir peur de dénoncer certains errements de ce système économique avant qu'il ne provoque un effondrement mondial avec son cortège de malheurs humains ? Facile d'invoquer la « responsabilité » à la fin quand on a été irresponsable tout au long de la montée d'un processus qui nous menait à une catastrophe prévisible.

La « responsabilité », le cache-sexe de l'irresponsabilité et de la complaisance.

L'affaire Benalla ne devrait pas avoir lieu si tout le système médiatique faisait son travail. Pourtant, il se contente de plaire et de cirer les pompes. Irresponsabilité.

Irresponsabilité du même système quand vous n'entendez personne critiquer ni mettre en garde (ou si peu) contre les politiques monétaires des banques centrales qui sont une fuite en avant particulièrement risquée.

Irresponsabilité toujours quand on voit chaque année la dette de la France grossir inexorablement nous menant à la faillite, et l'on sait quelles funestes conséquences attendent un pays en faillite. Là encore, silence coupable, et quand ceux qui savent iront chercher l'argent de leur contrat d'assurance vie, ils ne vous diront rien... par « responsabilité » pour ne pas... déclencher la panique, parce que vous comprenez, « Le droit à la liberté d'expression ne nous donne pas le droit de crier au feu dans un cinéma bondé ».

C'est beau de savoir se mentir à ce point-là pour encore mieux justifier les mensonges aux autres.

Le mieux c'est de ne pas être irresponsable en camouflant tant qu'il en est encore temps plutôt que d'attendre de devoir être « responsable » quand les conséquences de la vérité pourraient être désagréables. Ce type de problèmes et de dilemmes moraux ne devraient pas se produire.

Voilà ce que dit John Authers, Chief Markets Commentator et Associate Editor pour le Financial Times
« Il est temps d'admettre qu'un jour j'ai délibérément caché des informations importantes aux lecteurs. C'était il y a dix ans, la crise financière était à son comble, et je pense avoir fait ce qu'il fallait. Mais dix ans après la crise de 2008 (nos premières pages de la période sont sur ft.com/financialcrisisis), j'ai besoin d'en parler.

Le moment est arrivé le 17 septembre, deux jours après la faillite de Lehman. Ce mercredi a été - pour moi - le jour le plus effrayant de la crise, lorsque la finance mondiale s'est rapprochée le plus de la faillite totale. Mais je n'ai pas écrit autant dans le Financial Times.

Deux nouvelles cruciales avaient été diffusées mardi soir. Premièrement, AIG a reçu un renflouement de 8,5 milliards de dollars. Elle en avait besoin parce qu'elle devait payer des opérations de swaps sur défaillance qu'elle avait garanties. Sans ces garanties, les obligations figurant au bilan des banques et considérées comme sans risque seraient plutôt considérées comme sans valeur. Cela rendrait instantanément de nombreuses banques qui les détiennent techniquement insolvables. Un échec d'AIG, de l'avis de beaucoup, signifierait un effondrement instantané du système bancaire européen, qui détenait un crédit américain très dégradé.

Le fait que les États-Unis aient craché tant d'argent suggère que les garanties d'AIG ne sont pas dignes de confiance - alors quelle garantie pourrait être bonne pour un prêt ?

Entre-temps, le Reserve Fund, le plus important fonds commun de placement indépendant du marché monétaire américain, a annoncé une perte sur ses avoirs en obligations Lehman. Par conséquent, son prix serait inférieur à 1 $ l'action.

C'était terrifiant parce que les fonds du marché monétaire, qui détiennent des obligations à court terme, étaient considérés comme garantis. Aucun fonds du marché monétaire n'avait jamais « cassé le dollar » (ou n'était tombé en dessous d'un prix de 1 $).

Les fonds étaient des clients essentiels pour la dette à court terme. Sans eux, comment les banques ou les grandes entreprises pourraient-elles se financer elles-mêmes ? Les investisseurs se sont précipités pour retirer de l'argent des fonds monétaires, tandis que les gestionnaires des fonds ont abandonné les obligations de sociétés pour la sécurité des bons du Trésor.

C'était une course sur la banque. La solvabilité des plus grandes banques de Wall Street était en cause. Dans le chaos, le rendement des bons du Trésor est tombé à son plus bas niveau depuis Pearl Harbor. Les gens désespérés avaient besoin de sécurité ; les taux d'intérêt n'avaient pas d'importance.

Contrairement à ce qui s'était passé en 2007 sur Northern Rock au Royaume-Uni, rien de tout cela n'était visible. Il n'y a pas de file d'attente autour du pâté de maisons pour acheter des bons du Trésor. Mais les Wall Streeters, à qui j'ai parlé, pensaient que le système bancaire risquait d'échouer.

En fait, j'avais beaucoup d'argent liquide sur mon compte bancaire, à la Citibank. J'étais au-dessus de la limite couverte par l'assurance-dépôts américaine, donc si Citi faisait faillite, un événement autrefois inconcevable que je pouvais maintenant imaginer, je perdrais de l'argent pour de bon.

À l'heure du déjeuner, je me dirigeais vers Citi, prévoyant de retirer la moitié de mon argent et de le mettre sur un compte à la succursale Chase d'à côté. Cela doublerait l'argent que j'avais assuré.

Nous étions dans le centre de Manhattan, entourés de bureaux de banque d'investissement. Chez Citi, j'ai trouvé une longue file d'attente, tous des Wall Streeters bien habillés. Ils faisaient la même chose que moi. À côté, Chase était aussi plein de banquiers anxieux.

Elle m'a demandé si j'étais mariée et si j'avais des enfants. Puis elle a ouvert des comptes pour chacun de mes enfants et un compte joint avec ma femme. En quelques minutes, j'avais quadruplé ma couverture d'assurance-dépôts. J'étais maintenant exposé à l'Oncle Sam, pas à Citi. Avec un sourire, elle m'a dit qu'elle avait fait ça toute la matinée. Ni elle ni son amie à Chase n'avaient jamais eu de demandes pour faire cela jusqu'à cette semaine.

J'avais un peu de mal à respirer. Il y a eu une ruée vers les banques, dans le quartier financier de New York. Les gens qui paniquaient étaient les Wall Streeters qui comprenaient le mieux ce qui se passait.

Tout ce dont j'avais besoin, c'était d'avoir un photographe pour prendre quelques photos des banquiers bien habillés qui faisaient la queue pour leur argent, et d'écrire une légende pour l'expliquer.

Nous n'avons pas fait cela. Une telle histoire en première page du FT aurait pu suffire à pousser le système à l'extrême. Nos lecteurs n'ont pas été avertis, et le système s'est mis à paniquer sans le produit final.

C'était la bonne décision ? Je pense que oui. Tous nos concurrents ont également évité les photos des succursales de la banque de Manhattan. Le droit à la liberté d'expression ne nous donne pas le droit de crier au feu dans un cinéma bondé ; il y avait le risque d'un incendie, et nous aurions pu allumer l'étincelle en criant à ce sujet... »
Mais ce n'est pas tout et sans doute pas le plus grave...

Le plus grave c'est qu'il recommence et conclut son article en vous disant de dormir... tranquille !
« Dix ans plus tard, les banques américaines sont pratiquement les seuls acteurs du monde financier à être nettement plus sûrs qu'auparavant. Elles ont accumulé du capital, et le risque d'un effondrement soudain est maintenant beaucoup plus lointain.

Le problème aujourd'hui, c'est que l'élimination de ce risque a entravé la réduction des autres risques.
Aujourd'hui, les risques résident dans le gonflement des prix des actifs, dans les investissements à effet de levier et dans les fonds de pension qui les détiennent.

La prochaine crise ne concernera pas les banques, mais les fonds de pension qui, en se dégonflant, laisseront une génération sans assez d'argent pour la retraite.

La mauvaise nouvelle, c'est qu'il s'agit d'une crise dont la solution peut toujours attendre un autre jour.
Les politiciens peuvent l'ignorer.

La bonne nouvelle : je n'ai pas besoin de me taire cette fois-ci. »
Traduction ?

Les banques ne sont pas plus sûres, la bulle des actifs est terrible et ce sont les banques qui financent ces actifs en « bulle », les fonds de retraite sont en faillite et les anciens n'auront plus de pension, les taux sont bas et, remontant, peuvent provoquer un krach d'anthologie... y compris la faillite d'États devenant insolvables, alors que le capital « accumulé » par ces banques est placé... en obligations d'États en faillite virtuelle.

C'est vrai, c'est sûr, cette fois, personne n'est obligé de se taire, raison pour laquelle, semble-t-il, tout le monde se précipite pour vous expliquer les véritables risques qui pèsent sur nos économies, sur votre épargne, et justement la guerre sans merci que livrent les banques centrales pour tenter d'éviter que le pire ne se produise.

Il est déjà trop tard, mais tout n'est pas perdu. Préparez-vous !