Pourquoi en dix ans nous sommes passé du président des riches au président des ultra-riches ? Monique Pinçon-Charlot présente son ouvrage aux éditions Zones.

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Alors, on est passé du président des riches au président des ultra-riches, de Sarkozy à Emmanuel Macron, pour deux raisons essentielles.

Pourquoi en dix ans nous sommes passé du président des riches au président des ultra-riches ?

La première c'est l'ampleur des cadeaux fiscaux qui ont été faits aux plus riches dès l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée. Alors, ce qu'on peut remarquer c'est que c'est l'ISF, la suppression de l'ISF, qui a le plus marqué le peuple de France. C'est ça qui est repris par les Gilets jaunes, qui est beaucoup repris dans les cahiers de doléances et dans les revendications.

Bien sûr que c'est un symbole extrêmement important, puisque on supprime l'idée de solidarité des plus riches d'avec le peuple français en matière de fiscalité du patrimoine. Mais en réalité, le vrai cadeau, parce que l'ISF ça représente autour de 4 milliards d'euros en moins dans les caisses de l'Etat, (...) quand on dit, il a supprimé l'ISF, et c'est donc un cadeau qui est favorable aux plus riches, parce que en réalité il n'a pas supprimé l'ISF, il a supprimé de l'ISF les valeurs mobilières. C'est-à-dire tous les produits financiers, les actions, les obligations...

Mais quand on est spécialiste des riches, comme on l'est Michel et moi, on sait que plus on est riche, plus dans votre patrimoine tel qu'il était assujetti à l'ISF il y a de valeurs mobilières. Pour vous donner un exemple, on a eu accès avec Michel, grâce à Laurent Fabius en 1999, aux 100 plus riches de l'ISF (...) et pour les 100 plus riches de l'ISF on arrivait à une moyenne de 97% de valeurs mobilières dans le patrimoine, dès 1999. Là c'est le stock des valeurs mobilières : ce qu'ils ont. Mais ce stock, si élevé, il produit des revenus du capital chaque année ; et des revenus en millions, en milliards d'euros...

Et c'est ça le truc qu'a fait Emmanuel Macron ; lui il a fait un système pour qu'il y ait véritablement un impôt spécial pour les riches, en défiscalisant de façon très forte les revenus du capital, par la flat tax, qu'on appelle prélèvement forfaitaire unique. Donc il a supprimé l'idée de la solidarité en supprimant l'ISF, et chose incroyable qui s'est passée avec lui : il a supprimé la progressivité des impôts sur les revenus du capital. C'est-à-dire, que vous soyez Bernard Arnault, qui touche je ne sais combien de dividendes par an, ou moi si j'avais quelques produits financiers, on serait tous les deux imposés de façon forfaitaire à 12,8%. Et 12,8% c'est en-dessous de la première tranche d'imposition dans laquelle les salariés payent leur premier impôt, qui est à 14%.

Et ça vous ne le saviez pas, peut-être, avant que je ne vous le dise ce soir ! Sauf ceux qui ont lu notre livre avant de venir. Mais, pourquoi vous ne le saviez pas ? Parce que il y a eu une manipulation grossière, toute bête, plus c'est gros plus ça passe, qui fait que quand il s'agit des revenus du capital on donne ordre aux politiciens et aux journalistes d'intégrer la CSG et les cotisations sociales, et donc on dit désormais que le forfait d'imposition sur les revenus du capital est de 30%, parce qu'ils intègrent ce que je viens de vous dire. Tandis que quand on parle de l'imposition des revenus des salariés, bien entendu on ne le fait pas. Parce que sinon ce ne serait pas 14%, ça serait 24 à 25%. alors le salarié dirait : alors moi je paye beaucoup trop d'impôt, c'est dégueulasse et tout ça... Donc vous voyez la géométrie variable dans les escroqueries idéologiques et linguistiques du président des ultra-riches.

La deuxième raison pour laquelle on parle d'ultra-riches par rapport à Emmanuel Macron, c'était au fond une façon de lui renvoyer l'ascenseur, parce que tous les gens qui luttent contre ce système à la faveur des plus riches, contre cette violence de classe, nous sommes traités d'ultra, d'ultra-violents, d'ultra-gauche, donc on s'est dit : un petit clin d'œil ça ne fait pas de mal.

Le reste dans l'entrevue ici bas :