Ce qui s'est passé dans notre pays le 1er mai a livré par un étonnant dévoilement la radiographie d'un système macronien à nu. Se pose maintenant la question des conséquences immédiates, et en particulier celle des suites judiciaires qu'appelle à l'évidence le comportement des gens du pouvoir et ceux qui les soutiennent. Occasion supplémentaire d'interpeller la Justice française sur le fait qu'elle pourrait ainsi et enfin manifester sa volonté de faire respecter l'État de droit.
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© Christopher Furlong/Getty Images
Nous avons assisté à la production de mensonges d'État relayés par un dispositif de communication hégémonique et qui se sont cependant fracassés sur la réalité et la vérité produite grâce à Internet et aux réseaux, outils que précisément Emmanuel Macron veut faire taire. Révélation irréfutable de plusieurs choses à commencer par la duplicité liberticide d'un pouvoir qui porte atteinte aux libertés d'expression et de manifestation en prétendant les protéger. Cette fois-ci, toutes les ficelles sont à nu.

Comme est désormais irréfutable l'existence d'intolérables violences policières délibérées, depuis que dans ses vœux du nouvel an Emmanuel Macron a annoncé son refus d'une solution politique à la crise. Pour s'en remettre exclusivement aux répressions violentes et punitives telles que les ont déployées police et justice contre une partie du peuple français. Mais cette fois-ci, des secteurs entiers de la société se sont cabrés devant l'énormité du mensonge, et précipités sur les réseaux qui dévoilaient non seulement la fake news d'État, mais étalaient au travers de vidéos et témoignages irréfutables, la réalité d'une violence policière aussi dangereuse et irresponsable que délibérément organisée.

Alors bien sûr, tout ceux, gauche politique en tête, qui avaient appelé en mai 2017 à faire barrage se précipitent à la recherche d'un bouc émissaire. Ce sera la cible facile, du calamiteux et presque toujours grotesque ministre de l'intérieur Christophe Castaner. Il le mérite largement et on ne va pas s'apitoyer sur l'amateur de vodka. En revanche il conviendra de ne pas oublier un Premier ministre dont on a fini par constater l'absence totale de culture démocratique, et tous ces ministres et parlementaires LREM, accompagnés des supplétifs médiatiques du pouvoir macronien qui se sont précipités pour relayer le mensonge. Nous permettant par la suite d'assister au spectacle de leur recul en désordre fait d'éléments de langage standard, de raisonnements tortueux, de contorsions, et d'analyses sémantiques hilarantes. Jamais d'excuses en revanche, il ne faut pas trop en demander.

Menteurs mais aussi délinquants

Alors qu'ont donc fait tous ces braves gens qui devraient connaître des suites judiciaires, si depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron l'État de droit dans notre pays n'était pas à ce point devenu à géométrie variable ? On ne parlera pas des violences policières largement documentées, et qui provoquent le pieux silence de parquets occupés à poursuivre d'ignobles criminels qui ont osé scander « Castaner assassin » dans une manifestation. Ce sera pour une autre fois.

En revanche il y a au moins trois infractions pénales qui devraient encourir les sanctions prévues par la loi, tant pour l'auteur principal du mensonge que pour ceux qui l'ont délibérément relayé ou utilisé.

La première est celle qu'incrimine l'article L 97 du Code électoral, puisque nous sommes à quelques jours d'un scrutin national :
« Ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros ».
L'intention frauduleuse des menteurs est assez évidente au regard de la campagne menée par Nathalie Loiseau. Aucun programme, simplement un appel au barrage des vilains populistes antisémites, homophobes et factieux que sont les gilets jaunes. Mais si on lit bien le Code on constate que l'intention frauduleuse n'est pas nécessaire et qu'il suffit que le mensonge ait eu pour conséquence cette altération de la sincérité du scrutin. La propagande mensongère est sanctionnée. À notre sens, mais nous ne sommes pas le juge, l'infraction est constituée.

Il y a ensuite le droit pénal général qui avec l'article 322-14 du Code n'aime pas trop que l'on crie « au loup ! » de façon injustifiée.
« Le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information dans le but de faire croire qu'une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuse pour les personnes va être ou a été commise est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »
Laissons de côté tous les relais empressés de la fausse nouvelle qu'il faudra pourtant poursuivre, (n'est-ce pas Monsieur le procureur) pour nous concentrer sur Christophe Castaner. Que nous dit Libération le 2 mai à 7h32 :
« en déplacement à l'hôpital, où un CRS a été admis pour une blessure à la tête, le ministre de l'Intérieur a évoqué une « attaque» par des dizaines de militants anticapitalistes d'ultragauche «black blocs ». « Des infirmières ont dû préserver le service de réanimation. Nos forces de l'ordre sont immédiatement intervenues pour sauver le service de réanimation ».
Mensonge total confirmé dans un tweet du même ministre :
« Ici, à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger. Indéfectible soutien à nos forces de l'ordre : elles sont la fierté de la République ».
Franchement, si le parquet faisait son travail républicain, on ne voit pas comment le ministre de l'intérieur pourrait échapper à une saisine de la Cour de justice de la république, à une incrimination bonne et due forme et à une condamnation. Pour les supplétifs ce devrait être les tribunaux ordinaires.

Enfin, tournons-nous à nouveau vers le droit pénal spécial c'est-à-dire vers la loi du 29 juillet 1881 qui organise la liberté d'expression notamment par le droit de la presse. Il y a l'article 27 de cette loi qui dit ceci :
« La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d'une amende de 45 000 euros. »
La première observation sera de rappeler que le droit positif permettait très bien de lutter contre les fausses nouvelles, et que la loi fake news avait donc bien pour but exclusif de porter atteinte à la liberté d'expression sur les réseaux au profit du pouvoir macronien. La deuxième observation pour constater que Christophe Castaner est bien entendu concerné comme tous ceux qui se sont précipités pour relayer ses mensonges. Et qu'il n'est pas nécessaire que ces mensonges aient troublé la paix publique mais été seulement susceptibles de le faire. Concernant l'excuse de « bonne foi » qu'avancerait un des hommes les plus informés de France, on se contentera de sourire...

Que doit faire le parquet ?

Pour conclure, on se tournera vers les autorités du parquet et notamment celles du tribunal de grande instance de Paris. On sait les conditions dans lesquelles le successeur de François Molins a été, grande première dans l'histoire de la République française, choisi directement par Emmanuel Macron. Et que celui-ci, face à la mansuétude dont ses amis font l'objet et au zèle déployé dans la répression des gilets jaunes, n'a eu qu'à se féliciter de son choix. Mais il se trouve que la trentaine de gardes à vue consécutives aux incidents de la Pitié-Salpêtrière ont été très rapidement levées face à l'ampleur du mensonge, l'inanité des motifs des arrestations et la violence qui les avait accompagnées.

Sage décision, et il serait peut-être opportun de confirmer ce retour à une certaine rectitude juridique en ouvrant les procédures qu'exige le respect de la loi, contre les policiers gifleurs, lanceurs de pavés, matraqueurs sans raison, jusqu'ici soigneusement préservés. Et surtout en poursuivant tout ceux, ministre de l'intérieur en tête, qui se sont permis de prendre de telles libertés avec les lois qui protègent la paix publique et l'expression démocratique en période électorale.

À ceux qui me disent qu'il ne faut pas rêver, je réponds que l'on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise.