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© PhanieSelon l’ANSM, depuis 2001, une trentaine de femmes ont été victimes de la migration d’un de ces implants.
« Un corps étranger se baladait en moi » : quatre victimes d'un implant contraceptif témoignent

C'est un acte supposément anodin. Chaque année, près de 200 000 Françaises se font poser un implant contraceptif dans le bras. Pour certaines, pourtant, ce rendez-vous chez le médecin a marqué le début d'une longue période d'inquiétudes, voire de souffrances.

Alors que l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) alerte ce vendredi sur les dangers de l'implant contraceptif Nexplanon, seule marque commercialisée en France, qui présente des risques de migration du bras vers les poumons, quatre femmes confrontées à une telle situation racontent leur parcours auprès du Parisien.

Manque d'écoute des médecins, examens sans fin, risques d'embolies pulmonaires et pour certaines douloureuses opérations... toutes font un récit similaire des mois qui ont suivi la disparition de leur implant. Et elles ne sont pas les seules : selon l'ANSM, depuis 2001, une trentaine de femmes ont rapporté une situation similaire.

« On m'a tout de suite dit qu'il y avait un risque d'embolie »

Olivia, 31 ans, Gironde

« Vous vous rendez compte, on l'a cherché pendant quatre ans et demi... » Olivia (nom d'emprunt) a encore du mal à y croire. Son calvaire dure depuis 2013, année où cette mère de 31 ans décide de se faire poser un implant contraceptif. Un an plus tard, lors d'un contrôle, son gynécologue ne retrouve plus le bâtonnet diffusant des hormones, qu'il avait inséré sous la peau de son bras. « Il m'a dit qu'on verrait au moment où je voudrais l'enlever », relate cette habitante de la région de Bordeaux. En 2015, Olivia souhaite se lancer dans une nouvelle grossesse et prend rendez-vous pour retirer l'implant. « Là, il n'était plus du tout localisable. » Scanners, radiographies... Entre 2015 et 2016, elle fait l'objet de plusieurs examens, pour le retrouver. En vain.

« C'était un coup de massue à chaque fois. Je me disais que je n'allais pas passer ma vie avec un corps étranger qui se baladait en moi et continuait à diffuser des hormones », témoigne la conseillère bancaire. Son implant est finalement découvert à l'été 2019 dans une artère pulmonaire. Et la situation est préoccupante : « On m'a dit qu'il y avait un risque d'embolie. » Les médecins essaient d'abord de l'extraire avec une sonde. Mais c'est un échec. Finalement, une thoracotomie, une incision chirurgicale de la paroi thoracique, s'impose. Une opération conséquente. « On vous coupe dans le muscle du dos, on sort le poumon pour récupérer l'implant », résume Olivia, qui s'en sort avec une cicatrice de 20 cm.

Elle assure avoir ressenti pendant les deux mois qui ont suivi l'opération de vives douleurs dans le dos, qui se réveillent encore parfois aujourd'hui. Le laboratoire MSD, qui fabrique le Nexplanon, l'a contactée et a pris en charge ses frais de transport jusqu'à l'hôpital. Mais pour Olivia, cela ne suffit pas : « C'est absurde de commercialiser des produits qui mettent en danger des vies », s'insurge cette mère de famille qui clame qu'elle ne reprendra plus jamais de contraceptif.

Elle veut alerter sur les risques : « J'aimerais faire de la prévention, pour que les médecins préviennent les patientes que cette pose est risquée. Il faut qu'elles agissent en connaissance de cause et non pas qu'elles subissent comme moi. »

« Ça fait un an et je n'ai pas retravaillé »

Elise, 31 ans, Oise

Lorsqu'elle se fait poser un implant, en juillet 2016, Elise (nom d'emprunt), 31 ans, a déjà connu un premier implant et un stérilet. En janvier 2018, cette mère de trois enfants de l'Oise constate qu'elle ne sent plus son implant. Un rendez-vous avec son gynécologue en mai confirme ses craintes : impossible de retrouver trace de son contraceptif. Dès lors, la mère de famille enchaîne les examens médicaux. Radio, échographie... « A l'hôpital, on ne me croyait pas, on pensait qu'on me l'avait retiré et que je ne m'en souvenais plus. » Ce n'est qu'en septembre 2018 qu'un pneumologue lui fait passer un nouveau scanner. Son implant est retrouvé, comme pour Olivia, dans son artère pulmonaire gauche. « Alors qu'on me l'avait posé dans le bras droit. Ça veut dire qu'il a traversé la moitié de mon corps... », s'alarme-t-elle aujourd'hui.

Le laboratoire, avisé de la situation, la renvoie alors vers un gynécologue parisien et en novembre, Elise subit une première intervention chirurgicale avec une sonde. Sans succès. Deux jours plus tard, elle subit elle aussi une thoracotomie. L'implant lui est enfin retiré. Mais elle raconte les mêmes douleurs qu'Olivia, une fois réveillée. « J'ai fait beaucoup de séances de kiné, et aujourd'hui mes muscles du dos et mes côtes sont toujours douloureux. Je prends encore beaucoup de médicaments et je suis toujours arrêtée car je n'ai pas retrouvé toute la mobilité de mon bras », déplore la trentenaire. Elle vit très mal la situation. « Ça fait un an et je n'ai pas retravaillé. Moralement c'est très compliqué. Je ne vois plus personne et je ne sais pas à quoi ressemblera mon avenir professionnel. »

Elle fustige aussi l'attitude du laboratoire, qu'elle a assigné en justice. Elise est déterminée à faire changer les méthodes des médecins. « On ne m'a rien dit, je ne trouve pas ça normal de ne pas être prévenue des risques alors qu'il s'agit de notre corps. Je veux me battre pour que ça n'arrive plus à d'autres femmes. »

« J'avais l'impression d'avoir les côtes cassées »

Alice, 33 ans, Val-d'Oise

Dès la pose de son implant, en février 2017, Alice, une assistante commerciale de 33 ans, a senti que quelque chose n'allait pas. « Je l'ai mal supporté, j'étais anémiée et j'avais mes règles constamment, relate cette mère de famille du Val-d'Oise. En avril, je retourne voir mon gynécologue et je lui dis qu'il faut m'enlever cet implant. » Le spécialiste palpe son bras. « Il me charcute et ne le trouve pas. Il me dit que ça arrive. » Alice repart du cabinet avec une ordonnance pour faire un scanner de son bras. Mais là non plus, l'implant n'est pas détecté. Elle passe un nouveau scanner, du thorax cette fois. Toujours rien.

« À aucun moment je n'ai été prise au sérieux, souffle la trentenaire. Mon médecin m'a seulement dit d'éviter de faire du sport et des mouvements brusques pour ne pas que l'implant ne bouge trop. » Il a fallu attendre un nouvel examen, en août, pour que le contraceptif soit détecté dans son artère pulmonaire. Comme pour Olivia et Elise, une première tentative de retrait est effectuée sous anesthésie locale. Sans succès. Alice a alors deux choix : « Soit on le laisse là où il est et on attend qu'il vide ses hormones dans mes poumons », soit, comme pour les deux autres femmes, elle subit une thoracotomie. Alice préfère cette option et ressort de l'hôpital avec une cicatrice de 20 centimètres dans le dos.

Commence alors un nouveau calvaire. « Je suis rentrée avec une douleur telle que j'avais l'impression d'avoir les côtes cassées. » Elle a bénéficié de deux mois d'arrêt maladie. « Mais je n'ai pu lever les bras qu'au bout de six mois... » Aujourd'hui, cette mère d'une adolescente dit ne pas être en colère contre son médecin. « Même s'il n'a pas voulu reconnaître une erreur médicale de sa part, au fond je ne lui en veux pas. Je sais qu'il n'y a pas assez de formation, ni d'information. » Elle a aussi contacté le laboratoire MSD, qui se serait selon elle « déchargé de toute responsabilité ». « Ils m'ont seulement renvoyé la notice de l'implant, sur laquelle il est évoqué un risque migratoire... » Au-delà des souffrances physiques, Alice dit souffrir désormais d'un manque de confiance en elle. « Je me suis sentie très seule, je ne pouvais pas parler de ça à grand-monde... » Elle ne veut pourtant pas se lancer dans une procédure judiciaire. « Il y a tellement de personnes atteintes de problèmes de santé aujourd'hui, mon cas reste minime », s'attriste la trentenaire.

« Les médecins ne savaient pas quoi faire »

Sabrina, 39 ans, Hérault

Elle est la seule, parmi celles qui se sont confiées au Parisien, à avoir refusé de se faire opérer. Sabrina, mère de trois enfants, dont la dernière a 14 mois, dit ne pas pouvoir se permettre une opération chirurgicale qui l'empêcherait de s'occuper de sa progéniture. Comme nos trois autres témoins, l'implant que cette habitante de Béziers s'est fait poser en février 2019 a quitté son bras pour se nicher dans ses poumons. « En octobre, mes règles ont duré en continu pendant trois semaines et j'avais des crises de douleur au niveau des côtes », raconte cette agente d'entretien. Inquiète, elle consulte son généraliste qui lui a posé l'implant. « Je lui ai demandé de me le retirer, mais après avoir palpé mon bras, il ne l'a pas trouvé. » Le médecin lui prescrit une échographie. Mais cette dernière ne permet pas de détecter l'implant.

Suivront une radio des poumons et un IRM, tout aussi infructueux. Il faudra attendre que Sabrina passe un scanner pour enfin détecter la présence de son contraceptif, « caché derrière une artère, près des poumons ». « Les médecins ne savaient pas quoi faire, je suis le premier cas de ce type dans l'Hérault », souligne-t-elle. Depuis, la trentenaire a rencontré un pneumologue, qui lui a proposé une opération. Car elle risque à tout moment de faire une embolie pulmonaire.

Un dilemme s'offre alors à elle : se faire opérer pour retirer l'implant, avec une lourde rééducation du dos pendant six mois et l'impossibilité de travailler et de s'occuper de ses enfants, ou continuer à se voir injecter des anticoagulants tous les matins comme elle le fait actuellement, pour éviter l'embolie et vivre avec cet implant en mouvement. Aujourd'hui, Sabrina a choisi la seconde solution. Mais elle veut attirer l'attention sur sa situation. « On est combien de cas ainsi ? Il faut que toutes les femmes aillent faire contrôler leurs implants ! »