Souleymani
Tous les projecteurs de l'actualité, au Proche et Moyen-Orient, sont orientés sur l'assassinat du général Souleymani, même si celui du Chef-Adjoint des Hachd el Chaabi ainsi que d'autres officiers supérieurs irakiens sont cités de temps en temps en arrière plan.

Les Hachd el Chaabi ont été créés suite à l'appel de l'ayatollah Sistani face à la déferlante Daech qui avait réussi d'une part à conquérir une très grande partie de l'Irak et menacer directement la capitale Bagdad, d'autre part à provoquer la quasi dislocation de l'armée irakienne pourtant entraînée et équipée par les États-Unis.

Ce sont ces forces de mobilisation populaire qui ont réussi à réduire Daech à sa plus simple expression et a permettre à l'armée irakienne de se recomposer.

Ces forces sont devenues puissantes et n'ont jamais baissé la garde face à Daech qui, après un certain repli, renaissait de ses cendres grâce au soutien logistique des États-Unis, à leur couverture aux interventions israéliennes et aux multiples attaques et blocages sournois par leurs forces armées publique comme privées.

Les forces de mobilisation populaire sont donc devenues particulièrement gênantes pour les desseins américains en Irak et dans la région et une force de résistance significative qui, combinée au Hezbollah libanais et aux forces militaires et paramilitaires syriennes, contrecarrent la suprématie de l'État d'Israël sur le Proche et Moyen-Orient.

Ce sont les raisons essentielles pour lesquelles les États-Unis comme l'État d'Israël ont un besoin absolu de détruire les Hachd el Chaabi comme le Hezbollah.

Privé de ces forces, l'Iran ne serait plus arrimé aussi solidement au Proche et Moyen-Orient et verrait ses liens s'y distendre progressivement.

À travers l'assassinat du général Souleymani, qui est très certainement un trophée symbolique très fort pour Trump, ce sont les Hachd el Chaabi que les États-Unis et l'État d'Israël cherchent à décapiter. Les cinq attaques contre des unités et bases du Hachd el Chaabi dans la nuit du 29 au 30 décembre, ont été une diversion pour faire passer l'assassinat du commandant, de son adjoint et de cinq autres officiers supérieurs des unités mobilisées dans une importante offensive contre Daech.

L'assassinat du Chef-Adjoint et de plusieurs officiers supérieurs des Hachd relève du même type de diversion que l'assassinat du général Souleymani, celui-ci étant, outre le trophée symbolique, le train qui en cache un autre.

C'est aussi un coup porté à l'armée irakienne. Les Hachd el Chaabi ont été intégrés officiellement à l'armée irakienne et en représentent une ossature essentielle. En cherchant à le décapiter, c'est l'armée irakienne que les États-Unis cherchent donc à affaiblir, y compris et surtout moralement.

Si les Hachd, qui ont sauvé l'Irak de la déferlante Daech, sont attaqués et leurs cadres assassinés, sans que le gouvernement ne réagisse autrement que par des déclarations, mêmes fermes (l'attaque contre l'ambassade américaine n'étant en fait qu'un minimum pour servir d'exutoire à la colère ressentie la population et exprimée par les manifestants), il n'y a aucune raison pour que les officiers irakiens ne finissent pas par devenir malléables aux sirènes américaines et israéliennes.

l'Irak pourrat-il se payer le luxe de voir de nouveau son armée en débandade au risque de voir le pays lui-même se disloquer ?

C'est bien donc la déstabilisation de l'Irak, entamée depuis plusieurs années, intensifiée politiquement depuis plusieurs semaines, qui entre dans une phase offensive plus aiguë combinant sabotages armés, assassinats ciblés et manipulations de la colère populaire, paralysie du gouvernement, pour faire plier enfin l'État irakien aux stricts intérêts américains et à la soumission à l'État d'Israël.

Savoir répondre et faire face à un défi devenu existentiel.

Cela fait des mois que le Hachd attire l'attention sur le double jeu américain et demande de façon de plus en plus pressante la fermeture des bases américaines.

Même s'il est compréhensible pour les pouvoirs publics irakiens d'hésiter à aller dans ce sens, Trump vient de leur offrir sur un plateau d'argent la meilleure occasion qui puisse se présenter. Face à des attaques répétées contre leur propre armée, face à l'attaque majeure contre le numéro deux des Hachd et le numéro un des Gardiens de la révolution iraniens qui, plus est, est leur hôte officiel, la meilleure réponse, la plus appropriée et la plus efficace, à cette occasion que leur offre Trump, isolé avec son action, aussi bien au niveau d'une grande partie de l'opinion publique américaine que mondiale, est de demander enfin légalement, dans le respect de toutes les procédures juridiques nationales et internationales, dans les plus brefs délais, la fermeture de toutes les bases militaires américaines publiques comme privées, l'expulsion de toutes les entreprises de sécurité, y compris dans le Kurdistan irakien, la rupture de leur coopération militaire, ainsi que la suspension de leurs relations diplomatiques, et l'évacuation de leur ambassade.

Cela seul permettra à l'Irak d'éviter de sombrer progressivement dans une nouvelle guerre civile encore plus destructrice que la précédente pour ses populations, ses richesses comme pour son unité en coupant, brusquement et radicalement, l'herbe sous les pieds de l'administration américaine et de ses affidés israéliens.

Quant à l'Iran, qui a fait preuve d'une très grande retenue depuis l'attaque de l'État d'Israël contre l'un de ses navires, il serait temps qu'il recommence à riposter, y compris à celle-ci et à celle contre le général Souleymani, en ciblant essentiellement l'État d'Israël, s'il veut avoir quelques chances de stopper la surenchère américaine. Riposte qu'il serait judicieux de réaliser en dehors du territoire irakien, non pour s'en dissocier, mais en toute concertation et coordination.