L'aveu des Iraniens selon lequel leur armée a abattu l'avion d'Ukraine International Airlines près de Téhéran met un point final à l'affaire d'un point de vue diplomatique et médiatique.
Site du crash de l'avion de l'Ukrainian airlines
© Inconnu
L'histoire officielle des événements

Il est 2 heures du matin le 8 janvier 2020 et l'opérateur iranien est installé devant le système de missiles de défense aérienne Tor-M1, à environ 10 kilomètres au nord-ouest de l'aéroport international Imam Khomeini, situé à l'ouest de Téhéran.

Au cours de la demi-heure précédente, une vingtaine de missiles balistiques iraniens avaient été tirés depuis l'ouest de l'Iran sur deux bases états-uniennes en Irak, et l'enterrement du général Soleimani avait eu lieu la veille.

Toute l'armée iranienne est en état d'alerte et le niveau de stress est particulièrement élevé. Une probable réponse états-unienne aux tirs de missiles iraniens ayant largement été évoquée, plusieurs équipes d'opérateurs ont été positionnées autour de Téhéran et chargées d'abattre tout ce qui sur leurs écrans radars correspondrait à ce profil. Mais alors que les heures passent sans incident, l'opérateur en question commence à se dire que rien ne va se produire — du moins, pas cette nuit.

À 6 heures du matin, les seuls éléments qu'il peut signaler avoir vue sur son écran radar sont les 9 vols réguliers qui ont quitté l'aéroport voisin cette nuit-là. Il les a vus prendre des trajectoires de vol normales à partir de la piste nord-ouest, monter dans le ciel nocturne dégagé, pour ensuite virer vers le nord ou le nord-est. Il a même pu voir leurs indicatifs d'appel puisque le système Tor-M1 qu'il utilise est équipé de la fonction IFF (Identification Friend or Foe) [identification ami ou ennemi - NdT]. L'avant-dernier de ces 9 vols était le QR8408 de Qatar Airways à destination de Hong Kong.
Vols de l'Ukrainian Airlines au départ de Téhéran
© flightradar24.comCliquez pour agrandir - Trajectoires des 10 vols qui ont quitté l'aéroport de Khomeini cette nuit-là (avant, pendant et après les frappes aériennes iraniennes)

Vols de l'Ukrainian Airlines au départ de Téhéran
© flightradar24.comCliquez pour agrandir - Trajectoires des 10 vols qui ont quitté l'aéroport de Khomeini cette nuit-là (avant, pendant et après les frappes aériennes iraniennes)
Le dernier vol de cette nuit-là serait donc le vol PS752 d'Ukraine International Airlines à destination de Kiev. Parti à 6h12 avec une heure de retard, il a toutefois suivi une trajectoire de vol initiale parfaitement similaire à celles des vols précédents. Vers 6h14, soit 2 minutes environ après le décollage, et alors que l'avion s'élève dans les airs à une altitude de 1 400 mètres, son transpondeur cesse subitement d'émettre. L'avion effectue ensuite un virage serré à droite vers l'est, fait demi-tour en direction de la ville de Téhéran, et parcourt encore 15-20 kilomètres en 4 minutes avant de s'écraser dans une zone proche d'un terrain de football et d'exploser à l'impact.

Pour une raison encore inconnue, l'opérateur est soudainement convaincu que le Boeing 737 est une « cible ennemie ». Suivant le protocole, il requiert l'autorisation de tirer, mais en raison « d'un problème avec le réseau de communication », il ne peut joindre ses supérieurs. Selon ce même protocole, il dispose d'une fenêtre de 10 secondes pour décider s'il doit tirer ou pas. Toujours convaincu que le Boeing 737 est un missile de croisière ou un avion ennemi, il lance les deux missiles qui scellent le sort des 178 personnes à bord.

Le gouvernement et l'armée iraniens ont assumé l'entière responsabilité de la frappe qui a détruit le vol PS752, mais personne n'a encore expliqué pourquoi un opérateur de système de missiles probablement bien formé a pu être convaincu — après avoir cette nuit-là identifié sur ses écrans 9 avions de ligne commerciaux — que le 10e était une cible ennemie au point de prendre la décision — de son propre chef — de l'abattre.

L'Iran a acheté 29 systèmes de défense aérienne Tor-M1 à la Russie à la fin de l'année 2005. En 2012, Wikileaks révélait que leur efficacité pourrait avoir été rapidement compromise :
Jerusalem Post TOR-M1 codes Russia Iran
Wikileaks : La Russie a donné les codes iraniens à Israël - La dernière série de fuites suggère que la Russie a donné à Israël les codes pour accéder au système de défense aérienne Tor-M1 de l'Iran.
Malheureusement pour l'Iran, deux ans après leur importante acquisition de plusieurs systèmes Tor-M1, les Russes ont déployé le Tor-M2E doté d'une considérable amélioration comprenant une « protection contre le spoofing ». Associé à l'utilisation générale d'Internet, le terme « spoofing » est ainsi décrit :
« Usurper l'identité d'un utilisateur ou d'un appareil en réseau pour faire croire aux utilisateurs ou aux systèmes qu'ils communiquent ou interagissent avec une autre personne ou un autre site Web. »
Toutefois, d'un point de vue militaire, le terme spoofing désigne généralement le radar-spoofing qui consiste à capturer des signaux radar ennemis et à les renvoyer dans un format modifié afin de confondre l'opérateur radar adverse quant à ce qu'il voit sur son écran.

Il y a quelques années, les fabricants d'armes états-uniens ont commencé à déployer ces équipements de guerre électronique à des fins opérationnelles pour la marine et l'armée de l'air états-uniennes :
US Navy dispositifs de guerre électronique spoofing
La marine continue d'acheter à Mercury Systems des équipements de guerre électronique de piratage de radar
Notez bien le dessein de cette technologie :
« Les experts en guerre électronique aéroportée de la marine états-unienne maintiennent leur soutien à la technologie de guerre électronique de Mercury Systems Inc. qui permet de leurrer les radars ennemis avec de fausses cibles mobiles à l'apparence trompeuse. »
La fonctionnalité antispoofing intégrée à la dernière version expose de fait une vulnérabilité dans le système Tor-M1 qui a abattu l'avion ukrainien — une faille qui permet à un ennemi de virtuellement « se faire passer pour une autre [cible] sur un réseau, en abusant les [opérateurs] qui pensent communiquer ou interagir avec un [avion] différent ».

L'altération des signaux d'identification envoyés par le transpondeur de l'avion de ligne ukrainien est une autre méthode par laquelle le système Tor-M1 — et son opérateur — ont pu cette nuit-là être « mystifiés ». Les derniers systèmes de transpondeur ADS-B dont sont pourvus aujourd'hui la plupart des avions de ligne sont notoirement considérés comme vulnérables au piratage informatique. Les autorités des transports s'inquiètent surtout des possibles injections dans le service de contrôle du trafic aérien d'« avions fantômes » par des pirates informatiques, mais un pirate informatique peut tout autant injecter des données directement dans l'ADS-B de l'avion afin qu'il transmette de fausses données sur son identité, sa position, sa vitesse et sa direction.

Diverses attaques par « fausse injection de données » peuvent être rapidement codées avec une grande facilité sur une simple radio logicielle disponible dans le commerce et lancées depuis le sol ou les airs avec une antenne bon marché, comme démontré en 2012 par des chercheurs de l'Institut de technologie de l'armée de l'air états-unienne. Les attaques pourraient faire croire aux avions qu'une collision est imminente, inonder l'espace aérien de centaines de fausses transmissions ou empêcher la réception de messages légitimes.

La jeunesse fortunée de Téhéran

Le récit officiel de l'avion ukrainien abattu en vol contient une autre facette insolite dans laquelle toute une clique d'Iraniens a pour mission de documenter et distribuer des séquences vidéo du lancement du missile, de son impact sur l'avion et du crash de ce dernier tout comme des photographies de ce qui constituerait les vestiges du missile Tor-M1.

Se décrivant comme « un compte de média social populaire dédié aux jeunes iraniens fortunés exhibant leurs fortunes et leurs jets à travers le monde », le compte Instagram appelé « Rich Kids of Tehran » a publié le 9 janvier une vidéo montrant ce qui était apparemment une explosion en plein vol. Le même jour, et après avoir contacté l'administrateur de ce même compte, le New York Times a reçu la vidéo en haute résolution avant d'en confirmer l'authenticité.
D'autres séquences ont été ultérieurement diffusées par des sources inconnues, notamment des images de caméras de surveillance en circuit fermé provenant des environs du lieu de l'accident et qui ont saisi le moment de l'impact. Quelqu'un a diffusé le jour suivant des images supposées provenir du missile qui a frappé l'avion.
Tor missile 1
© Inconnu
Tor missile 2
© Inconnu
Après avoir procédé à l'analyse de ces séquences vidéo, le site Web Bellingcat a conclu que les deux vidéos ont été tournées dans un quartier résidentiel de Parand, une banlieue à l'ouest de l'aéroport international Imam Khomeini. Parand est une « ville nouvelle » construite à l'extérieur de Téhéran pour y loger des familles à faible revenu. Bellingcat affirme également que les images du missile proviennent probablement de la même zone de Parand.

Personne ne peut vraiment savoir pourquoi une ou plusieurs personnes associées à « la jeunesse fortunée de Téhéran » — dont la réputation en Iran est de « conduire avec ostentation des Porsche et des Maserati sous le regard des pauvres à travers Téhéran » — se trouvaient dans un quartier de logements sociaux à la périphérie de la ville à 6 heures du matin le 8 janvier, avec leurs caméras pointées vers la partie droite du ciel juste à temps pour capturer un missile frappant un avion de ligne ukrainien. Mais c'est en soi quelque peu suspect.

Qui inciterait l'Iran à manœuvrer ainsi ?

Si l'on veut interpréter correctement la destruction en vol de l'avion de ligne civil ukrainien, il est nécessaire de la considérer comme un incident politique plutôt que militaire. Quelques jours auparavant, les États-Unis avaient éliminé le général Soleimani, dans une attaque flagrante contre la fierté nationale iranienne. Une fois la réponse de l'Iran envoyée par le biais de tirs de missiles précis sur deux bases états-uniennes en Irak, le « score » était pour les deux parties concernées plus ou moins égal : un point partout, la balle au centre.

En fait, on pourrait dire que l'Iran est sorti de cet « échange » plus fort et plus respectueux que lorsqu'il y est entré. Mais la destruction en vol de l'avion ukrainien a tout fait voler en éclats. Forcé de présenter ses excuses au monde entier, l'Iran apparaît désormais militairement incompétent et les groupes de protestation dans le pays exploitent cette tragédie pour accroître leurs appels à un « changement de régime ».

En fin de compte, il n'est pas raisonnable d'affirmer que « la panique et un mauvais entraînement » ont conduit l'opérateur du système de missiles à tirer sur un avion de ligne civil, surtout lorsqu'il existe une explication plus rationnelle. Toutefois, les méthodes probablement utilisées pour tromper l'opérateur iranien n'ont laissé aucune trace ni aucune preuve pouvant être présentée a posteriori, ce qui est bien sûr problématique. Des données temporaires et convaincantes ont durant quelques petites minutes été présentées à l'opérateur qui a manœuvré en conséquence.

Ainsi, bien que l'Iran ait abattu l'avion ukrainien, il n'en est pas l'instigateur. Si vous cherchez les responsables, il serait logique de s'intéresser à ceux qui depuis longtemps s'expriment le plus haut et le plus fort sur la menace iranienne, ceux qui en faisant paraître l'Iran comme le « grand méchant » ont le plus à gagner, ceux-là même qui ont l'habitude faire la guerre ou d'atteindre leurs objectifs géopolitiques par la tromperie qu'ils ont élevé au rang de devise.

Nous pourrions aussi revenir 19 ans en arrière et consulter un rapport produit par l'École des études militaires supérieures de Fort Leavenworth qui décrit en détail un plan visant à faire appliquer un important accord de paix israélo-palestinien qui nécessiterait la présence d'environ 20 000 soldats bien armés stationnés sur tout le territoire d'Israël aussi bien que sur celui d'un État palestinien nouvellement créé.
MOssad wild card
Traduction :

Le document du SAMS tente de prédire les événements de la première année d'une opération de maintien de la paix, et voit les dangers possibles pour les troupes états-uniennes des deux côtés.
Les forces armées israéliennes y sont qualifiées de « gorille de 230 kilos en Israël [expression qui désigne une personne ou un organisme qui est si imposant (un gorille pèse en moyenne 150 kilos) ou si puissant qu'il peut poursuivre ses objectifs sans se préoccuper des besoins ou des désirs des autres, des conventions sociales, ou même de la loi - NdT]. Bien armé et entraîné. Il opère dans les deux Gaza [à la fois la ville et la bande de terre qui l'environne - NdT]. Connu pour ne pas tenir compte du droit international en vue d'accomplir sa mission. Très peu susceptible de tirer sur les forces états-uniennes. Le fratricide est un problème, surtout dans la gestion de l'espace aérien. »
À propos du Mossad, le service de renseignement israélien, les officiers du SAMS disent : « Imprévisible. Impitoyable et rusé. A la capacité de cibler les forces états-uniennes et de faire passer l'attaque pour un acte palestino-arabe. »
L'article original a été publié le 13 janvier 2020