Dix ans après la pandémie H1N1, le coronavirus de Wuhan inquiète les autorités planétaires. Faut-il d'ailleurs l'associer à Wuhan, au risque de donner une image négative à cette ville, comme ce fut le cas pour de l'image du Mexique lorsqu'au début de l'épidémie, les médias parlaient de grippe mexicaine ?
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© REUTERS/Kim Kyung-HoonFaut-il s’inquiéter ?
Ayant suivi de près l'odyssée du H1N1 et même publié un livre, je peux donner un avis sur cette épidémie.

Il y a dix ans, je fus un lanceur de non alerte qui, à l'inverse du lanceur d'alerte, signale qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Début novembre 2009, le livre sortait dans l'indifférence médiatique, analysant la mécanique sanitaire en livrant des conclusions qui depuis n'ont pas été démenties. La machine s'est bien emballée, comme elle semble le faire actuellement, mais est-ce justifié ?

Quelques éléments

En épidémiologie, quelques paramètres sont déterminants. La contagiosité est un paramètre du genre espace qui définit la capacité d'un virus à se transmettre d'un individu à un autre et surtout produire chez le patient infecté la pathologie qui le rendra contagieux une fois le temps d'incubation passé.

Ce qui donne un second paramètre du genre temps, l'incubation, évaluée entre deux et dix jours pour le coronavirus actuel. Et maintenant quelques chiffres permettant d'y voir plus clair en comparant avec l'épidémie de grippe ou de gastro dont le seuil épidémique est fixé à quelque 200 contaminations pour 100 000 habitants.

Avec ce taux, l'équivalent d'une épidémie de grippe pour Wuhan se chiffrerait à quelque 25 000 cas, chiffre qui pourrait être atteint d'ici un mois. Alors que la mise en quarantaine ne résout rien puisque dans cette Chine de 2020, les habitants se déplacent comme jamais auparavant et qu'il est impossible de mettre à l'arrêt le pays. Rien que pour la ville de Wuhan, le nombre d'habitants ayant quitté la zone depuis la détection du virus en décembre se chiffre en millions, avec une bonne partie de travailleurs ayant rejoint leur lieu d'origine à l'approche du nouvel an. L'autre souci étant que cette pneumopathie devient détectable chez un patient après un temps d'incubation conséquent ce qui laisse à la personne infectée la possibilité de transmettre le virus avant qu'elle n'ait été placée en isolement.

En 2003, le coronavirus pandémique était responsable d'une pathologie lourde, le SRAS, syndrome respiratoire aigu, 8 400 cas de contamination, 650 décès. L'agent pathogène était considéré dans la catégorie des virus à mortalité élevée mais à contagiosité assez faible et du reste contenue par les mesures sanitaires. La grippe bien moins mortelle fait bien plus de victimes sur une saison car elle affecte un nombre considérable de patients. Les décès causés par la grippe affectent des personnes très âgées ou en mauvaise santé. Néanmoins, les décès répertoriés par les autorités ne sont pas forcément liés à la grippe. Ils sont juste enregistrés en tant que décès avec symptômes grippaux sans que le virus de la grippe ne soit présent. Pour comptabiliser les décès avec la présence du virus, il faudrait faire des prélèvements sur chaque dépouille (de mémoire, des études sur échantillons de population ont montré que la présence du virus est minoritaire).

En 2020, le coronavirus est moins mortel que celui de 2003 (3 pour cent et sans doute moins après réévaluation contre 10). Il semble moyennement contagieux. Les quelques 80 décès concernent principalement des patients fragiles ou en mauvaise santé dans une ville à la qualité de l'air assez douteuse. On pourrait supposer que les autorités chinoises cachent la réalité. En fait, il semblerait que ce soit l'inverse. La Chine, suspectée d'avoir minimisé la gravité en 2003, décide en 2020 de jouer cartes sur table au risque d'affoler le pays et la planète. Vue depuis mon angle de vue, cette pandémie ressemble dans son déroulement social et politique à celle de 2009. Rappelons que la directrice de l'OMS qui avait déclenché le seuil 6 d'alerte pandémique H1N1 n'était autre que Margaret Chan, en charge de la gestion du SRAS à Hong Kong en 2003. Chat échaudé... etc. Une seule différence de taille, il n'y a pas de vaccin cette fois. Et donc aucun risque d'avoir une « bourde de Roselyne ».

Toujours depuis mon angle de vue, le coronavirus de 2019 est guère plus inquiétant qu'une grippe saisonnière ordinaire. Le problème paraît être d'ordre politique et Xi Jinping gère la situation en haut lieu, de peur d'être pris en grippe par la population chinoise et pris en défaut par les autorités planétaires de la santé publique. Gestion de la peur, gestion du risque de panique, précautions à prendre contre les fake news. Les États doivent rassurer les populations dont la peur est aussi véhiculée par la surmédiatisation de cette pneumopathie assez ordinaire semble-t-il. Les quelques centaines de revenants de Wuhan vont être mis en quarantaine, comme en d'autre temps les marins venant des mers douteuses.

A notre époque, un problème sanitaire assez « courant » se transforme en problème politique majeur. N'étant pas à la place des autorités, je ne m'avancerai pas à donner des conseils sur ce qu'il est bon de faire. N'étant pas prophète, je n'ai aucune certitude sur une éventuelle mutation du virus et n'étant pas virologue, je ne peux évaluer la probabilité de mutation. Les autorités appliquent le principe de précaution. Il reste la sagesse et la justesse pour évaluer le rapport risque bénéfice permettant d'arbitrer les décisions des machines sanitaire étatiques. Apparemment, ce rapport n'a pas été envisagé et le principe de précaution est adopté par défaut pour que les autorités ne soient pas prises en défaut. L'affaire relève du politique. Trump a sauté sur l'occasion pour proposer à M. Xi ses bons et loyaux services pour aider à contenir le virus. En France, l'un des ennemis jurés de Macron, Jordan Bardella du RN, a salué la réponse des autorités étatiques face à la situation. Tous unis contre le virus. Et pour conclure...

On peut lire cette dépêche sur le site de 20 minutes (reprise du reste par la journaliste de « C à vous » sur la cinq) : « 11h35 : Des scientifiques de l'Université de Hong Kong (HKU) estiment que 40 000 personnes pourraient avoir été contaminées à ce jour. « Nous devons nous préparer au fait que cette épidémie particulière devienne une épidémie mondiale », a déclaré Gabriel Leung, le chef de cette équipe de chercheurs de la HKU. « Des mesures importantes et draconiennes pour limiter les mouvements de population doivent être prises, le plus tôt possible. » Il a ajouté que le nombre d'infections pourrait doubler tous les six jours, pour atteindre un pic en avril et mai dans les zones déjà confrontées à une épidémie, tout en reconnaissant que des mesures efficaces de santé publique pourraient diminuer le rythme de contagion »

Faites le calcul. 40 000 personnes contaminées, doublement tous les six jours. A la mi-avril, cela ferait quelque 200 millions de cas. Faut-il s'en inquiéter. A mon avis non. Une panique mondiale est plus inquiétante et déjà, elle se dessine en Chine. Il est envisageable que tout rentre dans l'ordre d'ici quelques semaines, ou alors que la situation évolue très lentement jusqu'à la phase d'extinction. Au vu des éléments connus, la pneumopathie causée par le coronavirus de 2019 est nettement moins grave que le SRAS de 2003 et sans doute comparable à une infection grippale ou bactérienne, avec une différence de taille car il n'y pas de traitement antiviral contrairement aux bactéries que l'on peut éradiquer avec les antibiotiques. Rien de bien affolant. Mais si vous avez des doutes, il est préférable de consulter un médecin.

Pour être complet il faudrait réfléchir au rôle de la science qui a produit tellement d'avancées utiles à la vie mais qui dans de rares cas produit des effets indésirables comme dans cet épisode viral. Ce sont les résultats des analyses qui ont fait paniquer les autorités. Le virus étant de la même famille que celui qui causa le SRAS en 2003. Pour la grippe H1N1 de 2009, il s'est passé une chose similaire puisque ce sont les analyses qui ont détecté les antigènes chez les patients mexicains et les autorités ont tout de suite fait le rapprochement, H1N1 comme pour la grippe espagnole qui fit des morts par millions mais dans un contexte très différent. Autre thème de réflexion, la panique des Chinois. Une grande puissance terrassée par une épidémie à peine plus grave qu'une grippe, cela fait réfléchir. Mais qu'aurions-nous fait si une situation comparable s'était produite en France ? Le fait que les Chinois vivent dans un contexte de peur lié à la pression du régime a sans doute amplifié la psychose dans ce pays. On retrouve les trois ingrédients dans les crises psychiques de notre époque. La médiatisation parfois déformante, une science qui produit des données que les experts ne parviennent pas à décoder parfaitement et les États dont les machines sanitaires sont tendues voire crispées. Bref, une crise psychosociale et psycho-politique.

Il faudra attendre deux ou trois semaines pour s'assurer que cette affaire peut être classée comme on le pressent, avec des chiffres concernant cette fois la phase épidémique. Allez, portez-vous bien et surtout n'oubliez pas d'acheter un masque, les festivités du carnaval approchent.
À propos de l'auteur

Bernard Dugué réside à Bordeaux, il est écrivain-chercheur, diplômé de l'ENS des Mines de Saint-Étienne, docteur en pharmacologie et docteur en philosophie. Après avoir enseigné la biologie et la physiologie à l'université, il s'est consacré à des recherches transversales couvrant la physique, les sciences de la vie, l'évolution, la systémique et la philosophie. (...)