Selon Didier Raoult, professeur de microbiologie qui exerce à Marseille, la chloroquine, couramment utilisée contre le paludisme, pourrait permettre de traiter efficacement les pneumonies provoquées par le coronavirus Covid-19.

Didier Raoult
© Les EchosProfesseur Didier Raoult
Selon le site américain expertscape , Didier Raoult, qui exerce à Marseille, est le premier expert au monde en matière de maladies infectieuses. Il nous explique pourquoi la chloroquine, un médicament couramment utilisé contre le paludisme, coûtant peu cher et ne présentant pas de danger, pourrait permettre de traiter efficacement les pneumonies provoquées par le coronavirus Covid-19.

A l'appui de ses dires, les résultats d'une étude parue le 19 février dans une revue chinoise. Ils offrent un premier bilan de synthèse d'une quinzaine d'études thérapeutiques engagées par les chercheurs chinois pour tester l' efficacité de ce traitement anti-paludéen sur le coronavirus à l'origine de l'épidémie mondiale.

Vous avez évoqué la solution offerte par la chloroquine avec le nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran. Comment a-t-il réagi ?

De façon très positive, car c'est un homme intelligent. Je pense qu'il a pris les mesures nécessaires pour faire descendre l'information à la direction générale de la santé afin que celle-ci se penche enfin sur la question. Cependant, le ministre m'a dit que personne avant moi ne lui avait encore parlé de la chloroquine, ce qui montre qu'il y a un problème, en France - en tout cas à Paris -, sur la façon dont sont abordées les maladies infectieuses ...

Vous-même, vous connaissez ce médicament depuis longtemps ?

Très longtemps ! Avec mon équipe à Marseille, nous avons été les premiers, dans les années 1990, à utiliser la chloroquine contre d'autres maladies infectieuses que le paludisme. En particulier, j'ai traité avec elle 4.000 patients atteints de deux infections par bactéries intracellulaires contre lesquelles nous ne disposions pas d'autres traitements : la fièvre Q et la maladie de Whipple.

Par ailleurs, nous savons que la chloroquine peut être efficace contre différents coronavirus. Cette efficacité avait déjà été montrée sur trois d'entre eux, ce qui a naturellement induit les chercheurs chinois à la tester contre Covid-19, d'où la première étude de synthèse parue en ligne le 19 février dans leur revue « Bioscience Trends ».

Que dit cette étude ?

Au moment de sa parution, les Chinois avaient déjà engagé une quinzaine d'essais thérapeutiques sur la chloroquine appliquée à Covid-19. Et ce ne sont pas de simples tests in vitro, comme cela a été dit un peu légèrement par quelques étourdis qui n'y connaissent rien ! La publication dans « Bioscience Trends » s'appuie au total sur plus de 100 patients. Les résultats montrent l'efficacité de la chloroquine pour contenir l'évolution de la pneumonie provoquée par le coronavirus, pour améliorer l'état des poumons des malades et pour leur permettre de redevenir négatifs au virus. La chloroquine est la meilleure réponse à l'épidémie. Il n'y a plus qu'à l'appliquer.

N'a-t-elle pas des effets secondaires ? On évoque parfois à son sujet des atteintes rétiniennes...

La chloroquine est l'un des médicaments les plus sûrs qui existent. C'est d'ailleurs aussi, sous son nom commercial de Nivaquine, l'un des plus prescrits au monde avec l'aspirine : des milliards de gens en ont absorbé quotidiennement dans les pays tropicaux dans le cadre de la prévention contre le paludisme. Quant aux atteintes rétiniennes que vous évoquez, je ne les ai moi-même jamais constatées, alors même qu'il m'est arrivé de prescrire de fortes doses sur de longues durées, 600 milligrammes par jour pendant 2 ans, par exemple.

Quelle serait la dose efficace dans le cas de Covid-19 ?

Les Chinois, dans leur étude, parlent de 500 milligrammes deux fois par jour, pendant dix jours. Ce qui est une dose assez conséquente. A Marseille, où nous avons toute l'expertise nécessaire pour ce faire, nous sommes en train de réfléchir à la dose la plus adéquate.

Comment agit la chloroquine dans le cas du coronavirus ?

Le virus se loge dans un petit sac à l'intérieur de la cellule que l'on nomme la vacuole. L'organisme se défend alors en augmentant l'acidité à l'intérieur de cette vacuole, mais les virus pathogènes, loin d'en être affectés, en tirent bénéfice. La chloroquine, elle, fait diminuer ce niveau d'acidité : le pH remonte d'un point. Cette alcalinisation - l'alcalinité est le contraire de l'acidité - fait que le virus n'arrive plus à activer son système enzymatique et donc à sortir de la vacuole pour infecter la cellule.

Si l'efficacité de la chloroquine est aussi patente que vous le dites, on a du mal à comprendre le relatif silence qui a entouré la publication chinoise... Cela aurait-il été différent si cette étude était sortie dans une grande revue internationale comme « Nature » ou « Science » ?

Les Chinois ont voulu sortir leurs résultats le plus vite possible, raison pour laquelle ils ont privilégié la publication en ligne dans l'une de leurs « revues maison » plutôt que de passer sous les fourches caudines des grandes revues internationales, ce qui prend un temps fou. Cette volonté d'aller vite répond à une exigence éthique, alors même que l'épidémie s'étend et provoque toujours plus de morts.

Cela dit, je suis bien d'accord avec vous pour dire qu'il y a un problème dans notre façon de penser et de gérer les maladies infectieuses. Il faut - comme le ministre actuel le fait - s'appuyer sur les compétences de tout le pays, compétences qui ne sont pas automatiquement localisées à Paris...