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© Eric Gaillard Source: ReutersInfirmière portant un masque FFP2 en France. Image d'illustration.
Le manque de masques engendré par le coronavirus a mis à jour les vices de l'internationalisation de la production industrielle dans l'hexagone où a resurgi le souvenir d'une usine bretonne capable de produire 100 millions de masques par an en 2018.

Alors que la polémique sur l'impréparation du gouvernement devant la crise du Covid-19 se poursuit, l'histoire d'une usine bretonne de confection de masques fermée en 2018 est remontée à la surface, symbole de la désindustrialisation française

Situé à Plaintel, près de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), l'usine Spérian, rachetée en 2010 par l'américain Honeywell, pouvait, avant sa fermeture définitive en octobre 2018, produire 100 millions de masques par an sur des machines fabriquant 4 000 masques à l'heure.

«Les sections syndicales CGT et CFDT de l'usine de Plaintel avaient à l'époque, lancé un cri d'alarme pour empêcher la fermeture du site et la destruction de leur outil de production [...] Elles s'étaient même adressées au Président de la République Emmanuel Macron et au Ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Mais ces derniers ce sont contentés d'accuser réception de leurs courriers mais se sont bien gardés d'intervenir», a dénoncé le 26 mars un communiqué de Solidaires Côtes-d'Armor sur Facebook.
Communiqué de presse

Que se cache-t-il derrière la fermeture de l'usine Honeywell de
Plaintel ? Un scandale d'Etat !

Fin 2018 le groupe multinational américain Honeywell fermait son site
de production industriel de Plaintel pour le délocaliser en Tunisie
licenciant en même temps 38 salarié(es). Cette entreprise, créée il y a
une cinquantaine d'années et qui compta jusqu'à 300 salarié(es) avant
son rachat en 2010 par Honeywell, au groupe Spirian fabriquait des
masques respiratoires jetables et des vêtements de protections
sanitaires en quantité considérable. Sa production était de 200 millions
de masques par an, soit près de 20 millions par mois, fabriqués sur des
machines ultras-modernes pouvant produire chacune 4000 masques à
l'heure.

Non contente de faire appel aux aides de l'Etat pour financer les huit
plans sociaux que la multinationale Honeywell à mis en œuvre pour se
débarrasser de ses salariés, Honeywell a pris la décision irresponsable
en novembre 2018 de détruire ses huit machines en les faisant concasser
par la déchetterie située sur la zone industrielle des Châtelet à
Ploufragan.

Les sections syndicales Cgt et Cfdt de l'usine de Plaintel avaient à
l'époque, lancé un cri d'alarme pour empêcher la fermeture du site et la
destruction de leur outil de production. Elles avaient multiplié les
actions et les démarches pour éviter le pire. Elles s'étaient même
adressées au Président de la République Emmanuel Macron et au Ministre
de l'Economie Bruno Le Maire. Mais ces derniers ce sont contentés
d'accuser réception de leurs courriers mais se sont bien gardés
d'intervenir. Ils pensaient sans doute en bon libéraux, qu'une
intervention de l'Etat ne servirait à rien, puisque que dans un monde
mondialisé et heureux, la main invisible du marché finirait par montrer
son efficience pour préserver l'intérêt général.

Aujourd'hui, le retour au réel est brutal et c'est avec stupeur que le
pays tout entier découvre avec la catastrophe sanitaire du coronavirus
qu'il ne possède pratiquement pas de stocks de masques, pourtant
indispensables pour protéger les personnels soignants, l'entourage des
malades et tous les salarié(es) obligé(es) de travailler pour éviter
que le pays tout entier ne s'écroule. Pour l'union syndicale Solidaires
des Côtes d'Armor, la fermeture de l'usine Honeywell de Plaintel et la
destruction de ses outils de production, comme l'inaction des autorités
publiques représentent un scandale qui doit être dénoncé. La chaine des
responsabilités dans cette affaire doit aussi être mise en lumière. Les
Dirigeants d'Honeywell et les autorités de l'Etat doivent aujourd'hui
rendre des comptes au pays. D'ores et déjà Solidaires a demandé à
plusieurs Parlementaires de la Région d'interpeller le Gouvernement sur
ce scandale. Solidaires propose également que le site industriel de
fabrication de masques de protection sanitaire de Plaintel soit récréé
en urgence sous un statut d'Etablissement Public Industriel et
Commercial (EPIC) ou sous la forme d'une Société Coopérative Ouvrière
de Production (SCOOP). Le personnel compétent et disponible existe et ne
demande que cela. De l'argent il y en a. La Banque Centrale Européenne
vient de débloquer 750 milliards de liquidités. Que cet argent soit mis
en priorité au service de l'urgence sanitaire et de l'intérêt général,
plutôt que de laisser aux seules banques privées le privilège de le
prêter ou pas.

Saint Brieuc le 26 mars 2020.

Le Bureau Départemental de
Solidaires des Côtes d'Armor
L'entreprise spécialisée a bénéficié d'une commande de 200 millions de masques par l'Etat dans le cadre de la créations de stocks stratégiques après la crise du virus H1N1 en 2009, rappelle France 3 Bretagne. Ces commandes lui ont permis d'acheter de nouvelles machines et de recruter jusqu'à 280 salariés.

Avec le changement de stratégie de l'Etat en 2011, l'entreprise s'est retrouvée en forte difficulté financière et a enchaîné quatre plans sociaux jusqu'à la fermeture de son site à Plaintel et la délocalisation d'une partie de la production en Tunisie. Quant aux machines, encore récentes, elles ont été pour la plupart détruites sur ordre du propriétaire américain de l'usine.

«Solidaires propose également que le site industriel de fabrication de masques de protection sanitaire de Plaintel soit récréé en urgence sous un statut d'Etablissement Public Industriel et Commercial (EPIC) ou sous la forme d'une Société Coopérative Ouvrière de Production (SCOOP)», a réclamé Solidaires dans son communiqué du 26 mars.

Plus d'un milliard de masques commandés à l'étranger

Pris de cours par l'épidémie de Covid-19, l'Etat rencontre de fortes difficultés à répondre à la demande de masques : environ 40 millions par semaine pour une capacité de production nationale de 8 millions.
Je veux que d'ici la fin de l'année nous ayons obtenu cette indépendance pleine et entière
«Je peux vous annoncer un chiffre qui dépasse désormais le milliard [de masques commandés à l'étranger]», a déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran lors d'une conférence de presse commune avec le Premier ministre Edouard Philippe le 28 mars. Deux jours plus tard, un premier avion en provenance de Chine a débarqué 8,5 millions de masques médicaux en région parisienne dans le cadre du pont aérien mis en place entre la Chine et la France.

«Fin avril nous serons à plus de 10 millions» de masques fabriqués en France et «nous continuerons cet effort», a déclaré Emmanuel Macron ce 31 mars depuis l'usine de masques de la PME Kolmi-Hopen en périphérie d'Angers (Maine-et-Loire). «Je veux que d'ici la fin de l'année nous ayons obtenu cette indépendance pleine et entière», a-t-il déclaré à cette occasion par ailleurs.