Alors que la France a franchi le cap des 3.500 morts du coronavirus en milieu hospitalier, l'infectiologue Didier Raoult et ses équipes assurent que la mortalité est moindre à Marseille, grâce au protocole médical développé à l'IHU Méditerranée Infection. Que disent les chiffres ?
Marseille
Le vieux port à Marseille
"On meurt moins du coronavirus à Marseille, et encore moins à l'IHU Méditerranée Infection"

Faute d'essai clinique irréfutable pour l'instant, le célèbre infectiologue Didier Raoult et ses équipes brandissent les statistiques régionales de mortalité, pour attester l'efficacité du protocole à base d'hydroxychloroquine développé par leurs soins. Lundi soir sur LCI, l'épidémiologiste Eric Chabrière était venu jouer les ambassadeurs de cet antipaludique — commercialisé sous le nom de Plaquenil — que l'IHU avait déjà administré à 1.283 malades du coronavirus, en association avec l'antibiotique azythrocimine, à la date du 31 mars. Selon les chiffres de l'IHU, un seul de ces patients, un homme de 84 ans, est décédé après avoir suivi le traitement pendant au moins trois jours.

La déclaration choc du proche collaborateur de Didier Raoult repose-t-elle sur une réalité tangible ? S'il faudra attendre les résultats de l'essai clinique européen Discovery pour connaître précisément les effets de l'hydroxychloroquine sur le virus, les statistiques de Santé publique France permettent toutefois d'évaluer la mortalité causée par le coronavirus dans la région. À l'échelle du département tout du moins, car il s'agit de la localisation la plus fine communiquée par l'agence nationale de santé, en fonction des données hospitalières remontées par les établissements hospitaliers locaux.

Une part infime du total des décès nationaux

Dans les Bouches-du-Rhône, troisième département le plus peuplé de France avec environ 2 millions d'habitants, 862 patients (dont 193 en réanimation) étaient hospitalisés à la date du 31 mars. On peut imaginer qu'une partie importante d'entre eux l'étaient à Marseille, ville qui concentre une grande partie des capacités hospitalières du département. Et ce, grâce aux établissements de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) tels que La Timone ou La Conception, mais aussi à l'IHU Méditerranée Infection. Selon les chiffres de Santé publique France, on déplorait 47 décès dans le département à la date du 31 mars. Seuls 5% des 862 patients atteints du coronavirus qui ont été admis dans les établissements de santé locaux sont morts. Une part infime (1%), donc, du total de 3.523 décès recensés dans le pays.

Comment situer la mortalité des Bouches-du-Rhône par rapport aux autres départements "comparables" en termes de population ? Largement en deçà de Paris, foyer majeur de l'épidémie, où l'on dénombre 362 décès hospitaliers depuis le début de la crise, soit 10% du total à l'échelle national. La situation est également dramatique pour les départements voisins de la Seine-Saint-Denis, qui a enregistré 161 décès, des Hauts-de-Seine (149), du Val-de-Marne (148) ou du Val d'Oise (143). Les départements du Grand Est ont, eux aussi, payé un très lourd tribut à l'épidémie, qu'il s'agisse du Haut-Rhin (411 décès) de la Moselle (193 décès) ou du Bas-Rhin (180 décès / 963 ph / 19%).

Une exception marseillaise ?

Dans les hôpitaux du Rhône, les autorités locales ont recensé 132 décès. Département le plus peuplé de France, le Nord est, pour l'instant, moins durement frappé : il ne compte "que 573 patients (289 de moins qu'à Marseille) hospitalisés pour 66 décès. Parmi les "gros départements relativement épargnés, on peut également citer la Loire-Atlantique (31 décès, 159 hospitalisations) et la Gironde (30 décès, 300 hospitalisations).

Concernant le ratio décès/hospitalisations d'un mort pour vingt patients, force est de constater qu'aucun département n'affiche un bilan d'étape aussi rassurant que celui des Bouches-du-Rhône. Y a-t-il une exception marseillaise ? Les statistiques de mortalité invitent à le croire. Reste à déterminer avec certitude si on la doit au professeur Didier Raoult, et son protocole thérapeutique à l'hydroxychloroquine.