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José Socrates
Pierre Lévy revient sur l'épisode de la faillite portugaise : début avril, le Premier ministre Socrates a demandé l'aide de l'Union Européenne, le pays ne parvenant plus à rembourser sa dette publique. Le pays est depuis passé, après la Grèce et l'Irlande, sous la tutelle du FMI et de l'Union Européenne, dans l'attente d'un plan drastique de réduction des dépenses.

« Et de trois... » : le commentaire est revenu en boucle dans la presse européenne, mi-ironique, mi-inquiète. Le 6 avril, le premier ministre portugais, le socialiste José Socrates, s'est en effet résolu à demander l'« aide » de l'Union européenne, après avoir affirmé des mois durant que son pays ferait face par lui-même aux échéances de remboursement de sa dette publique - 16 milliards cette année, dont une échéance critique en juin.

Lisbonne suit ainsi Athènes (avril 2010), puis Dublin (novembre 2010). A chaque fois, le scénario se déroule de manière analogue : les dirigeants nationaux refusent farouchement l'hypothèse d'un renflouement, avant de finalement céder sous la pression conjuguée des marchés financiers, et de « partenaires » européens inquiets de l'incendie qui se propage.



Au Portugal, la situation est d'autant plus délicate qu'elle se double d'une crise politique. Le 23 mars, le quatrième plan d'austérité s'est heurté au refus du parlement. L'opposition de droite, qui avait soutenu les paquets précédents, a cette fois fait défaut au chef du gouvernement qui ne dispose pas d'une majorité stable. Il a été contraint de présenter sa démission. La chambre est dissoute. Des élections sont prévues pour le 5 juin.

En principe, un gouvernement démissionnaire n'est plus juridiquement en mesure de placer le pays sous perfusion extérieure, ni, surtout, de s'engager sur les contreparties drastiques exigées en échange. A fortiori, un parlement dissous n'est nullement légitime pour voter celles-ci. José Socrates a donc tenté de demander des prêts-relais de court terme. Pas question, a tranché l'Allemagne : Lisbonne doit s'engager maintenant sur un plan de restrictions et d'« assainissement » à moyen terme.

Interviewé par le site spécialisé Euobserver, un porte-parole de la Commission balaie les objections légales : « La légitimité démocratique ? Ce n'est pas nécessaire (...) On ne peut simplement plus se permettre d'attendre. » Amadeu Altafaj précise même que le plan d'austérité à négocier avec Bruxelles sera « contraignant » pour le futur gouvernement, qui ne pourra pas en changer les termes. Et pour que tout soit clair, le porte-parole martèle : « Ce n'est plus leur programme, c'est le nôtre ».

Dès le 12 avril, les experts de la Commission européenne, de la BCE, ainsi que du FMI (toujours associé au « redressement » des pays en difficulté) se sont donc rendus à Lisbonne. Ils viennent d'y revenir. C'est que le temps presse : les ministres européens des Finances se réunissent le 16 mai. Le commissaire européen aux Affaires économiques, le Finlandais Olli Rehn, voudrait que l'essentiel soit bouclé d'ici là.

Et afin de s'assurer que le programme sera appliqué quel que soit le vote des électeurs, Bruxelles prévoit de négocier tant avec le premier ministre sortant qu'avec l'opposition - sauf naturellement avec celle qui refuse le principe de l'austérité (essentiellement le Parti communiste).

M. Rehn précise que le paquet global devra prendre pour « point de départ » le programme d'austérité initialement présenté par M. Socrates, « mais nous avons noté qu'il a été refusé par le Parlement ; le plan ne pourra donc être identique ». Et le Commissaire de conclure... que le paquet « devra être plus dur et plus complet ».

Pour accorder un renflouement à hauteur de 80 milliards, Bruxelles annonce déjà son intention de mettre sur pied un plan sur trois ans comportant des coupes budgétaires et sociales drastiques, un « programme de privatisation ambitieux », et des mesures sauvegardant la liquidité du système bancaire. Les « conditionnalités strictes » exigées par l'UE et le FMI incluent classiquement la baisse du salaire minimum, la diminution des allocations chômage et prestations sociales, et l'« assouplissement » du marché du travail, notamment à travers la simplification des licenciements.

Les Portugais ont gardé un souvenir cuisant des saignées opérées par le FMI en 1978 et en 1983. D'ores et déjà, les mobilisations syndicales se préparent. Le secteur public, en particulier, devrait être en grève le 6 mai prochain.